Les autorités turkmènes ont empêché un proche de l’un des défenseurs des droits humains les plus en vue du pays de quitter le pays, ont déclaré Amnesty International, le Comité Helsinki de Bulgarie et Human Rights Watch mardi 20 mai. Elles ont depuis longtemps pour habitude d’interdire les déplacements à l’étranger des détracteurs du gouvernement et de leur famille, mais cette pratique doit cesser immédiatement, ont ajouté les trois organisations.
Le 10 avril 2014, les autorités turkmènes ont empêché Rouslan Toukhbatoulline de prendre son vol pour Istanbul afin de rendre visite à son frère, Farid. Farid Toukhbatoulline est à la tête d’Initiative turkmène pour les droits humains, l’un des groupes de défense de ces droits au Turkménistan les plus influents. Emprisonné dans son pays, il a été libéré en 2003 et vit depuis lors en exil en Autriche. Il avait été déclaré coupable sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques, et avait subi des pressions de la part des autorités pour qu’il quitte le pays.
« Empêcher des personnes de se rendre à l’étranger sans motif valable est une violation du droit de circuler librement et une pratique répressive héritée de l’ère soviétique », a déclaré Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale chez Human Rights Watch. En interdisant à Rouslan Toukhbatoulline de voyager, les autorités turkmènes tentent de toute évidence d’exercer des représailles contre son frère en raison de ses activités de défense des droits humains. »
Le 10 avril, Rouslan Toukhbatoulline devait prendre l’avion à Achgabat pour se rendre à Istanbul avec sa fille. La police des frontières a laissé sa fille embarquer mais, après avoir examiné le passeport de Rouslan Toukhbatoulline, l’a informé qu’il n’était pas autorisé à quitter le pays et que son nom et celui de son fils de neuf ans figuraient sur une liste de personnes qui n’avaient pas le droit de se rendre à l’étranger. Elle lui a indiqué que, s’il souhaitait des explications, il devait s’adresser au Service d’État des migrations. Rouslan Toukhbatoulline a écrit à cet organe le 21 avril, mais n’a pas reçu de réponse à ce jour.
Ce n’est pas la première fois que les autorités turkmènes s’en prennent à la famille et aux amis de Farid Toukhbatoulline pour faire pression sur lui afin qu’il cesse son action en faveur des droits humains. En 2010, elles avaient commencé à interroger d’anciens camarades de classe et enseignants des fils du militant des droits humains, eux aussi exilés. Au moins trois d’entre eux avaient été menacés d’être inculpés de trahison s’ils restaient en contact avec la famille. En 2005, des pressions ont été exercées sur Rouslan Toukhbatoulline pour qu’il quitte l’armée ainsi que ses fonctions au sein du conseil de révision. On l’a menacé de le limoger si son frère ne « faisait pas profil bas ».
Vers la fin du mois d’avril, le conseil de révision militaire local où travaillait Rouslan Toukhbatoulline l’a convoqué pour « inspecter de nouveau » les archives sur son travail.
« Le moment choisi pour cette convocation donne clairement à penser que les autorités cherchent de faux motifs pour justifier rétroactivement l’interdiction de voyager à l’étranger dont elles l’ont frappé », a déclaré Rachel Denber.
Le gouvernement du Turkménistan a recours au système informel et arbitraire des interdictions de voyager pour empêcher régulièrement des personnes, telles que des hommes et des femmes associés à l’opposition politique ou des proches de dissidents exilés, de quitter le pays, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. Quelques personnes frappées d’une telle interdiction ont été autorisées à se rendre à l’étranger en 2013, mais d’autres, dont des proches de prisonniers politiques, ne l’ont pas été. Il est également fréquent que des étudiants inscrits à l’étranger se heurtent à des obstacles lorsqu’ils souhaitent quitter le Turkménistan pour poursuivre leurs études.
« Les autorités turkmènes continuent d’imposer des restrictions informelles et arbitraires au droit de circuler librement malgré leurs obligations au regard du droit international relatif aux droits humains », a déclaré John Dalhuisen, responsable du programme Europe et Asie centrale chez Amnesty International.« Le gouvernement peut et doit agir correctement en laissant Rouslan Toukhbatoulline et sa famille se rendre librement à l’étranger. »
Si vous souhaitez prendre connaissance des documents publiés par Human Rights Watch sur le Turkménistan, rendez-vous à l’adresse suivante :
http://www.hrw.org/europecentral-asia/turkmenistan