La décision du ministère public turc d’engager des poursuites à l’encontre de Taner Kiliç, président d’Amnesty International Turquie, pour « appartenance à une organisation terroriste », est une parodie de justice qui témoigne de l’impact dévastateur de la répression consécutive à la tentative de coup d’État de juillet 2016, a déclaré Amnesty International le 9 juin 2017.
Taner Kiliç est la dernière victime de la purge orchestrée par le gouvernement turc. Soupçonné d’être impliqué avec le mouvement de Fethullah Gülen, il a été arrêté le 6 juin à l’aube, en compagnie de 22 autres avocats installés à İzmir. Lors de l’audience qui s’est tenue dans cette ville de l’ouest de la Turquie le 9 juin, il a été inculpé d’appartenance à l’« organisation terroriste de Fethullah Gülen » et placé en détention provisoire. Amnesty International demande sa libération immédiate et inconditionnelle.
« Taner Kiliç est un défenseur des droits humains engagé et fidèle à ses principes. Les accusations portées à son encontre sont totalement infondées. Elles illustrent l’ampleur et le caractère arbitraire des poursuites frénétiques que lance le gouvernement turc contre ses ennemis et détracteurs présumés. Taner Kiliç doit être libéré immédiatement et les charges contre lui doivent être abandonnées », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.
« L’arrestation de Taner Kiliç témoigne d’un mépris pour les droits humains, mais aussi de la volonté de cibler ceux qui les défendent. Nous demandons à tous ceux en Turquie et dans le monde qui se préoccupent des droits fondamentaux de prendre la défense de ce militant courageux qui consacre sa vie et sacrifie aujourd’hui sa liberté à leur cause. »
Le 8 juin, huit avocats impliqués dans cette affaire ont été placés en détention provisoire. L’un d’entre eux a été libéré sous caution. Les sept autres ont comparu devant le tribunal en même temps que Taner Kiliç, et sont toujours dans l’attente d’une décision les concernant. Six autres demeurent en détention aux mains de la police.
Le seul élément présenté par les autorités qui lierait Taner Kiliç au mouvement de Fethullah Gülen est que Bylock, application de messagerie mobile sécurisée qui, selon les autorités, était utilisée par les membres de l’« organisation terroriste Fethullahiste », a été découverte sur son téléphone en août 2014.
Aucune preuve n’a été fournie pour étayer cette affirmation, et Taner Kiliç nie avoir jamais téléchargé ou utilisé Bylock, ni même en avoir entendu parler, avant que l’utilisation présumée de cette application ne soit largement relayée dans les médias en lien avec les récentes arrestations et inculpations.
« Taner Kiliç n’est ni un partisan ni un adepte du mouvement de Fethullah Gülen et il a même critiqué son rôle en Turquie. Le seul élément de preuve à charge est la présence présumée sur son téléphone d’une application de communications sécurisée qui, même si elle est avérée, ne suffit pas à prouver la commission d’un acte criminel. Il ne saurait être jugé sur la base d’accusations aussi minces et dérisoires », a déclaré Salil Shetty.
« Amnesty International fera campagne sans relâche pour la libération de Taner Kiliç et poursuivra sans se laisser intimider son travail en Turquie et sur la Turquie. »
Taner Kiliç a fait partie du bureau exécutif d’Amnesty International Turquie à plusieurs reprises depuis 2002. Dans la matinée du 6 juin, la police est arrivée chez lui, à İzmir, et a fouillé son domicile et son bureau. L’ordonnance de placement en détention, émise contre lui et 22 autres avocats, se rapporte à une enquête visant des membres présumés de l’« organisation terroriste de Fethullah Gülen ».
L’arrestation de Taner Kiliç a suscité une large condamnation au sein de la communauté internationale, notamment de la part du département d’État américain, de l’Union européenne, du commissaire allemand aux droits de l’homme et du ministre danois des Affaires étrangères, ainsi que d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains.
Complément d’information
L’arrestation de Taner Kiliç s’inscrit dans le contexte d’une intensification de la répression exercée contre les droits humains par les autorités turques, à la suite du coup d’État manqué du 15 juillet 2016. Des dizaines de milliers de fonctionnaires ont été limogés, et des centaines de journalistes et professionnels des médias ont été arrêtés. Des centaines de médias et d’ONG ont été fermés.
Le gouvernement turc accuse Fethullah Gülen, dignitaire religieux installé aux États-Unis, d’être l’instigateur de la tentative de coup d’État, et a depuis inscrit son mouvement sur la liste des organisations terroristes. Des milliers de personnes n’ayant pas participé au coup d’État ont ainsi été placées en détention arbitraire.