« Si toutes les mesures visant à réduire la surpopulation chronique dans les prisons turques sont bienvenues, nous déplorons que la libération de dizaines de milliers de personnes placées en détention provisoire – une mesure qui doit être appliquée uniquement lorsqu’il n’y a pas d’alternative à la détention – ne soit pas envisagée, a déclaré , Milena Buyum, chargée de campagne sur la Turquie à Amnesty International.
« Les personnes condamnées à l’issue de procès iniques au titre des lois antiterroristes trop vagues en Turquie sont désormais condamnées à courir le risque d’être contaminées par cette maladie mortelle. »
En Turquie, les prisons surpeuplées sont particulièrement dangereuses pour les prisonniers à risque, déjà condamnés ou en détention provisoire, en raison du grave manque d’hygiène. Les nouvelles mesures n’autorisent pas la libération de plusieurs catégories de détenu·e·s, notamment les personnes placées en détention provisoire, c’est-à-dire qui n’ont pas encore été déclarées coupables d’une infraction, les personnes reconnues coupables au titre des lois antiterroristes trop générales, dont des journalistes, des avocat·e·s, des militant·e·s politiques et des défenseur·e·s des droits humains incarcérés uniquement pour s’être exprimés, ou encore des personnes exposées à un risque élevé parce qu’âgées ou souffrant de problèmes de santé préexistants, et condamnées au titre des lois antiterroristes.
« Les personnes condamnées à l’issue de procès iniques au titre des lois antiterroristes trop vagues en Turquie sont désormais condamnées à courir le risque d’être contaminées par cette maladie mortelle. »
Le Parlement a approuvé les amendements proposés à la loi relative à l’exécution des sentences et aux mesures de sécurité le 13 avril, alors que le ministre de la Justice annonçait que 17 prisonniers dans cinq prisons avaient contracté le coronavirus COVID-19 et trois personnes détenues dans des prisons ouvertes étaient mortes.
« Le gouvernement turc doit faire ce qui est juste et libérer immédiatement toutes les personnes incarcérées uniquement pour avoir exprimé leurs opinions pacifiques, a déclaré Milena Buyum.
« Il doit aussi envisager sérieusement de libérer toutes les personnes détenues dans l’attente de leur procès, ainsi que celles qui sont particulièrement exposées en raison de leur âge ou de problèmes de santé préexistants, quel que soit le chef d’inculpation qui a conduit à leur incarcération ou à leur condamnation. »
Complément d’information
L’ensemble de réformes législatives, attendu de longue date, a finalement été présenté au Parlement turc le 31 mars et examiné par la Commission Justice les 2 et 3 avril, sans que des modifications significatives ne soient adoptées en vue d’élargir son champ d’application.
Les prisonniers condamnés, à l’exception de ceux qui purgent une sentence au titre des lois antiterroristes, pour crimes contre l’État, meurtre, délits sexuels ou infractions liées aux stupéfiants, verront leurs peines réduites de moitié.
Certaines catégories de prisonniers condamnés peuvent bénéficier d’une libération anticipée ou être transférés en résidence surveillée, en fonction de leur vulnérabilité et de la durée de leur peine – il s’agit notamment des détenu·e·s de plus de 65 ans ou souffrant de pathologies graves, et des mères de jeunes enfants.
Les détenu·e·s qui purgent actuellement leur peine dans une prison ouverte pourront également bénéficier d’un placement en résidence surveillée pendant deux mois, sans possibilité de le prolonger pendant une ou deux périodes supplémentaires de deux mois.
Plusieurs organisations internationales de défense des droits humains ont demandé à la Turquie de garantir la libération des prisonniers exclus par le texte : 27 ONG qui défendent les droits humains et la liberté d’expression ont publié une déclaration conjointe et des dizaines de milliers de personnes en Turquie et dans le monde ont signé une pétition demandant au ministre de la Justice d’élargir le champ d’application des mesures proposées.