Turquie. Il faut faire toute la lumière sur les circonstances entourant le meurtre de Hrant Dink

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

À la veille du premier anniversaire de l’homicide dont a été victime le journaliste turco-arménien Hrant Dink, Amnesty International appelle les autorités turques à condamner toutes les formes d’intolérance et à déférer à la justice tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir participé à ce meurtre pour qu’ils soient jugés dans le respect des normes internationales d’équité.

« Il faut élargir l’enquête à toutes les circonstances entourant cet homicide et s’interroger, notamment, sur l’inertie des responsables des forces de l’ordre lorsqu’ils ont été prévenus que cet homme risquait d’être assassiné » , a déclaré Andrew Gardner, responsable des recherches sur la Turquie à Amnesty International.

Hrant Dink avait signalé au parquet de Sisli qu’il avait été menacé de mort. Selon l’acte d’accusation du procès pour meurtre, un des accusés était un informateur et avait fait part à la police des projets d’assassinat contre Hrant Dink au cours des mois ayant précédé le meurtre. Pourtant, rien n’avait été fait pour assurer la protection du journaliste. Deux gendarmes ont été inculpés de manquement à leurs obligations mais les avocats de la famille ont demandé que les poursuites soient élargies à d’autres membres des forces de l’ordre.

La première déclaration du chef de la police d’Istanbul selon laquelle l’homicide était le fait d’un homme armé isolé, et les photographies d’un gendarme se comportant avec le meurtrier présumé comme s’il était un héros expliquent une certaine réticence des autorités à approfondir l’enquête sur ce meurtre et viennent renforcer les doutes sur l’impartialité de certains services de la police.

Amnesty International est convaincue que Hrant Dink a été abattu le 19 janvier 2007 en raison de son activité comme journaliste chantre de la liberté d’expression et du caractère universel des droits humains.

« Celui qui milite en faveur des droits de la personne a le droit d’être protégé par l’État comme tout autre citoyen, a déclaré Andrew Gardner. Il ne faudrait pas laisser se répéter l’absence de protection dont a été victime Hrant Dink, ni les défaillances dont a pâti l’enquête qui a suivi. »

Le cas de Hrant Dink n’est pas une exception. De nombreuses personnes continuent d’être poursuivies en Turquie pour avoir simplement exprimé de manière pacifique leurs opinions non violentes. Cette situation est le fait d’une législation déficiente et d’une mise en application arbitraire de la loi par les juges et les autorités judiciaires.

Hrant Dink avait été inculpé à maintes reprises aux termes de l’article 301 du Code pénal turc, qui érige en infraction le fait de «  dénigrer l’identité turque ». Amnesty International n’a cessé de demander l’abrogation de cet article qui menace la liberté d’expression, du fait notamment de sa formulation dans des termes extrêmement vagues. Amnesty International est préoccupée par le fait que le nombre de poursuites engagées en application de cet article semble avoir considérablement augmenté en 2007. L’organisation constate que les violations des droits humains se sont multipliées au cours de l’année qui vient de s’écouler et que les mesures pour les combattre sont restées sans effet.

« La suppression progressive de la liberté d’expression en Turquie a créé un climat d’intolérance dangereux qui a atteint son paroxysme avec le meurtre de Hrant Dink  » a ajouté Andrew Gardner.

L’organisation a envoyé il y a quelques jours une note au gouvernement turc pour lui rappeler qu’il s’était engagé à plusieurs reprises après les élections de l’année dernière à mener une réforme législative et à renforcer les garanties en matière de respect des droits humains et des libertés fondamentales. Le gouvernement actuel doit intervenir sur plusieurs points pour mettre en place des changements concrets qui s’inscrivent dans la durée. Ces points sont la torture et les mauvais traitements en détention, et l’impunité dont bénéficient les auteurs de tels agissements ; les défaillances des procès ; les obstacles qui entravent l’action des défenseurs des droits humains et la liberté d’expression.

« Il faut donc ajouter de toute urgence une réforme législative aux réformes déjà en cours. Les autorités doivent profiter de ce que la nouvelle constitution est en cours d’élaboration pour améliorer la protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales de tous », a conclu Andrew Gardner.

Voir

Turkey : Memorandum to the Turkish Government (index AI : EUR 44/001/2008)

Turkey : Article 301 : How the law on “denigrating Turkishness” is an insult to free expression (index AI : EUR 44/003/2006)

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