Turquie. Les arrestations de membres présumés de la KCK exacerbent les préoccupations relatives à la liberté d’expression

Le 1er novembre, un tribunal d’Istanbul a ordonné le placement en détention provisoire de 44 personnes dans le cadre de la procédure en cours concernant des membres présumés de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK), une organisation liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement armé.

Amnesty International a écrit aux autorités turques pour leur faire part de sa préoccupation quant à ces arrestations. Parmi les personnes détenues figurent Ragip Zarakolu, écrivain, éditeur et défenseur des droits humains, et Bü ?ra Ersanl ?, professeure d’université. La détention de ces deux personnes est d’autant plus inquiétante que le motif de leur arrestation semble être uniquement lié à des discours prononcés à l’Académie de politique du Parti de la paix et de la démocratie (BDP) et à leurs travaux universitaires.

Ragip Zarakolu, Bü ?ra Ersanl ? et les 42 autres personnes arrêtées sont poursuivies pour « appartenance à une organisation terroriste », en vertu d’une législation antiterroriste entachée d’irrégularités. Leurs arrestations sont les dernières en date d’une série visant depuis 2009 des milliers de personnes dont beaucoup sont des militants ou des responsables représentant le BDP, un parti politique pro-kurde pourtant reconnu en Turquie. Plusieurs centaines d’entre elles demeurent en détention provisoire prolongée en attendant l’issue des procès.

Les procès-verbaux de leur interrogatoire par des procureurs montrent que Ragip Zarakolu et Bü ?ra Ersanl ? ont été questionnés sur leur participation à l’Académie de politique. Bü ?ra Ersanl ? a également été interrogée au sujet de remarques qu’elle a faites lors de réunions universitaires auxquelles elle a participé, et Ragip Zarakolu de divers manuscrits non publiés dont il est l’auteur ou l’éditeur.

Ce dernier a déjà fait l’objet à plusieurs reprises en Turquie de poursuites portant atteinte à sa liberté d’expression, notamment pour « dénigrement de l’identité turque » au titre de l’article 301 du Code pénal.

Amnesty International est préoccupée par le fait que, bien qu’aucun élément concret établissant un lien entre Ragip Zarakolu ou Bü ?ra Ersanl ? et la KCK ou une quelconque infraction liée au terrorisme n’ait été présenté, ces deux personnes ont été inculpées et placées en détention provisoire.

L’organisation s’inquiète depuis longtemps de la législation antiterroriste de la Turquie et de son application. La définition du terrorisme y est trop large et vague et ne comporte pas le niveau de certitude juridique exigé par le droit international relatif aux droits humains. Dès le départ, elle définit le terrorisme par rapport à ses objectifs politiques, et non aux moyens employés. Les dispositions rendant passible de poursuites l’appartenance à une organisation terroriste ont en outre entraîné des violations des droits humains. Des personnes peuvent être déclarées coupables d’appartenance à une organisation terroriste sans en être membres s’il est établi qu’elles ont commis une infraction « au nom d’une telle organisation ».

Les poursuites engagées en vertu de la législation antiterroriste s’appuient fréquemment sur des témoignages secrets qui ne peuvent pas être examinés par les avocats de la défense. Amnesty International déplore également que des personnes aient été reconnues coupables d’infractions ayant trait au terrorisme en l’absence de preuves fiables.

L’organisation appelle les autorités turques à empêcher les poursuites abusives en vertu de la loi antiterroriste en alignant la définition du terrorisme sur celle des jurisprudences et normes internationales, notamment les principes de légalité et de certitude juridique.

Elles doivent procéder de toute urgence à un examen des poursuites en cours engagées au titre de la législation antiterroriste et faire des recommandations aux juges et procureurs quant à l’application du droit international relatif aux droits humains et des normes internationales en la matière dans ce contexte.

Amnesty International exhorte les autorités turques à libérer sans délai Ragip Zarakolu, Bü ?ra Ersanl ? et les autres personnes détenues en vertu de la législation antiterroriste si elles ne peuvent pas prouver par des éléments crédibles que ces personnes sont liées à des actes dont la criminalisation est conforme au droit relatif aux droits humains.

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