TURQUIE - Les violations des droits humains commises récemment nécessitent l’ouverture d’enquêtes

Index AI : EUR 44/005/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a demandé il y a quelques jours au gouvernement turc d’enquêter sur toutes les allégations de violations des droits humains dans le cadre du mouvement de protestation violent qui secoue le sud-est du pays et se répercute de manière sporadique à Istanbul.

Après les obsèques le 28 mars 2006 à Diyarbakir de membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) tués par les forces de sécurité, le mouvement de protestation a pris une forme violente ; des manifestants ont lancé des pierres et des cocktails Molotov et détruit des biens. Quatre personnes ont été abattues par des policiers. Le nombre de civils tués est passé à 13, parmi lesquels des enfants, lors d’autres manifestations violentes qui ont eu lieu les jours suivants à Diyarbakir et ailleurs dans la région, à Batman, Kiziltepe, Siirt et Nusaybin. Selon les rapports d’autopsie disponibles, la plupart de ces personnes sont mortes des suites de blessures par balle. De nombreux manifestants et membres des forces de l’ordre ont été blessés. Le 2 avril, à Istanbul, trois femmes sont mortes lors d’une attaque au cocktail Molotov contre un bus qui, selon certaines allégations, serait le fait de manifestants. Au cours de ces événements, des centaines de manifestants, dont des mineurs, ont été arrêtés. La majorité des personnes interpellées à Diyarbakir ont affirmé qu’elles avaient été maltraitées au moment de leur arrestation et torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements en garde à vue.

Dans sa lettre au ministre turc de la Justice, Amnesty International reconnaît les difficultés auxquelles sont confrontés les responsables de l’application des lois lorsqu’ils doivent maîtriser des manifestations violentes, et condamne inconditionnellement les atteintes aux droits humains perpétrées par les manifestants et ayant causé des torts graves à des civils et des membres des forces de l’ordre.

Parallèlement, l’organisation prie instamment dans ce courrier les autorités turques d’enquêter sur toutes les allégations faisant état de recours excessif à la force par des membres des forces de l’ordre ayant tué des manifestants lors des opérations de maîtrise des manifestations violentes. Si de telles allégations se révèlent vraies, il faudra veiller à ce que les auteurs de ces agissements soient déférés à la justice. Amnesty International a également demandé aux autorités de veiller à ce que les dispositions du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois (ONU) et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (ONU) soient respectées pour toutes les opérations de maintien de l’ordre pendant les manifestations, que celles-ci soient violentes ou non.

Un recul du recours à la torture ayant été constaté ces dernières années, en particulier dans la région de Diyarbakir, Amnesty International a été particulièrement troublée par les allégations selon lesquelles des détenus auraient été torturés ou maltraités en étant, par exemple, frappés, menacés de mort ou déshabillés puis aspergés d’eau froide. Des informations ont également fait état d’irrégularités dans les arrestations et d’avocats à qui des responsables de l’application des lois auraient empêché - par la force dans un cas - de voir des détenus.

Amnesty International a appelé les autorités turques à respecter, dans le cadre de leur politique de « tolérance zéro » en matière de torture, les obligations internationales qui sont celles de la Turquie en tant qu’État partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elles devraient en particulier mener sans délai des enquêtes impartiales et exhaustives sur toutes ces plaintes et déférer à la justice les personnes soupçonnées d’être responsables d’actes de torture.

Au moment où Amnesty International a écrit aux autorités, 57 des 91 mineurs arrêtés pendant les événements de Diyarbakir étaient toujours détenus en attendant d’être jugés. Certains d’entre eux ont affirmé avoir été torturés ou maltraités en garde à vue, et leurs avocats pensent que leur arrestation a été entachée d’irrégularités. Amnesty International croit savoir que certains de ces mineurs pourraient être inculpés aux termes de dispositions du Code pénal turc relevant de la Loi antiterroriste, et qu’un des chefs d’accusation qui pourraient être prononcés est passible de la réclusion à perpétuité.

Amnesty International a demandé aux autorités turques d’étendre à tous les mineurs détenus la protection particulière dont ils doivent faire l’objet aux termes de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, à laquelle la Turquie est un État partie. Les autorités devraient à ce titre mener sans délai des enquêtes impartiales et exhaustives sur les allégations de mauvais traitements ou de torture en garde à vue, libérer les mineurs aussi tôt que possible à moins qu’une détention prolongée ne soit réellement justifiée, et veiller à ce qu’aucune personne âgée de moins de dix-huit ans ne risque d’être inculpée d’une peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération.

Amnesty International continue de surveiller la situation des droits humains en Turquie, en particulier dans le sud-est.

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