Ils ont parlé des difficultés auxquelles ils font face depuis la vague de répression et du besoin urgent de solidarité internationale. Certains se sont exprimés depuis leur cellule. D’autres, dont le rédacteur en chef du quotidien d’opposition Cumhuriyet [1], viennent juste d’être condamnés. Tous vivent sous la menace constante d’être arbitrairement arrêtés, poursuivis et condamnés uniquement pour avoir fait leur travail ou exprimé des opinions pacifiques.
Zehra Doğan, artiste et rédactrice de JINHA, une agence d’information féministe kurde fermée en octobre 2016, purge une peine de près de trois ans de prison en raison d’une peinture et d’articles. Elle a écrit depuis la prison de Diyarbakır :
« Je suis en prison, mais je ne suis pas une prisonnière. Chaque jour, nous montrons que l’art et le journalisme ne peuvent pas être incarcérés. Nous continuerons de lutter et de clamer " le journalisme n’est pas un crime " jusqu’à ce que tous les journalistes soient libres. »
Çağdaş Kaplan, rédacteur du portail d’information en ligne Gazete Karınca, a déclaré :
« Travailler sous la menace permanente d’une arrestation et de poursuites rend la vie extrêmement difficile, mais le journalisme est notre métier. Nous devons le faire. Il existe une vérité bien visible en Turquie, en même temps qu’une tentative de la dissimuler à la société. Quelqu’un doit en parler, et c’est le sens de notre démarche. »
Hakkı Boltan, de l’Association des journalistes libres, fermée en novembre 2016, a déclaré :
« Pour les journalistes, la Turquie devient un cachot. Nous comptions 400 membres lorsque notre association a été fermée : 78 d’entre eux sont aujourd’hui en prison. Le seul moyen de faire changer ça, c’est que les journalistes du monde entier se mobilisent à nos côtés et se montrent solidaires. »
Murat Sabuncu [2], rédacteur en chef de , condamné le 25 avril à sept ans et demi de prison pour des accusations de terrorisme, a déclaré :
« J’adore mon pays et j’adore mon métier. Je veux la liberté, en Turquie et partout dans le monde, pas seulement pour moi-même, mais pour tous les journalistes incarcérés – et le seul moyen d’y parvenir est de se montrer solidaires. »
Aux côtés de très nombreux journalistes qui soutiennent la campagne, figurent également l’artiste Ai Weiwei, l’auteur Elif Shafak, l’acteur et diffuseur Ross Kemp et des dizaines de dessinateurs humoristiques qui ont tweeté des dessins.
Leurs critiques ouvertes coïncident avec la journée mondiale d’action à laquelle participent des journalistes et des sympathisants du monde entier dans le cadre de la campagne Free Turkey Media. Cette campagne est initiée par Amnesty International, en collaboration avec notamment PEN, Reporters sans frontières (RSF), Article 19, le Comité pour la protection des journalistes et Index on Censorship.
« Alors que les élections approchent, la Turquie a besoin de médias libres, aujourd’hui plus que jamais. Des journalistes courageux continuent de faire leur travail dans un climat de peur et nous devons montrer aux autorités turques que le monde ne les oubliera pas, ni eux ni tous ceux qui croupissent en prison ».
« En Turquie, se met en place une politique visant à supprimer le journalisme indépendant. C’est désormais le pays qui emprisonne le plus grand nombre de journalistes, certains étant condamnés à la détention à perpétuité simplement pour avoir fait leur travail. Pas plus tard que la semaine prochaine, avec le jugement attendu dans l’affaire concernant le quotidien Zaman (Le Temps), la liste pourrait s’allonger. Hors de question que le monde le tolère », a déclaré Gauri Van Gulik, directrice adjointe du programme Europe à Amnesty International.