Turquie. Procès inéquitables et déni de justice dans les nouveaux tribunaux.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

EUR 44/014/2006

En Turquie, les personnes inculpées en vertu de la Loi antiterroriste continuent d’être soumises à des procès interminables a révélé aujourd’hui Amnesty International, citant certains cas où la détention excède dix ans.

Dans son rapport intitulé Turkey : Justice delayed and denied, l’organisation souligne que ces procès se fondent souvent sur des éléments de preuve anciens et obtenus sous la torture.

« La situation des droits humains en Turquie continue d’être entachée par l’existence de procès inéquitables, a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Les personnes inculpées en vertu de la Loi antiterroriste sont jugées lors de procès interminables et marqués par des irrégularités, qui sont le signe flagrant d’une justice en échec.

« Le gouvernement turc a beau affirmer sa volonté d’éradiquer la torture, on note avec consternation que les éléments de preuve obtenus par de telles méthodes sont toujours admis dans les tribunaux pénaux spéciaux et pris en compte par les juges. »

Les personnes inculpées d’infractions prévues par la Loi antiterroriste sont traduites devant les tribunaux pénaux spéciaux. Ceux-ci appliquent des procédures tout aussi iniques que les cours de sûreté de l’État qu’ils ont remplacées :
des personnes inculpées depuis de longues années (certaines en 1993) sont toujours derrière les barreaux sans avoir pu faire valoir de manière appropriée leurs droits à la défense ou leur droit d’être rejugées de manière équitable, alors même que la Cour européenne des droits de l’homme a statué dans certains cas en leur faveur et estimé que la Turquie avait contrevenu à ses obligations en matière d’équité des procès ;
juges et procureurs sont bien souvent les mêmes personnes qui exerçaient à l’époque des cours de sûreté de l’État, ce qui contribue à la poursuite des irrégularités dans le nouveau système ;
de manière arbitraire, des juges s’abstiennent régulièrement de citer des témoins à comparaître, privant les personnes inculpées de leur droit de bénéficier d’une défense effective.

Les autorités ont certes mis en place la possibilité pour certaines personnes d’être rejugées – dans les cas où la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Turquie avait violé les normes d’équité des procès. Toutefois, les procès qui se sont tenus jusqu’à présent n’ont pas permis un véritable réexamen exhaustif et impartial des éléments de preuve.

« La loi prévoit que les personnes en faveur desquelles la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée ont le droit d’être rejugées. Les procès ayant eu lieu jusqu’à présent dans ce cadre se sont déroulés de manière kafkaïenne : les mêmes juges et les mêmes représentants du ministère public se contentant d’épousseter les mêmes dossiers et parvenant, comme l’on pouvait s’y attendre, aux mêmes décisions, précisément celles critiquées par la Cour européenne. Des éléments de preuve anciens et sujets à caution – pour beaucoup obtenus sous la torture – sont toujours pris en compte », a précisé Nicola Duckworth.

Par ailleurs, le gouvernement a assorti le droit de bénéficier d’un nouveau procès d’une clause spécifique en vertu de laquelle les personnes dont l’affaire était toujours en instance devant la Cour européenne des droits de l’homme le 4 février 2003 ne pourront pas être rejugées. Introduite pour éviter un nouveau procès du dirigeant du Partiya Karkeren Kurdistan (PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan), Abdullah Öcalan, cette disposition discriminatoire lèse également toutes les personnes pour lesquelles la Cour européenne ne s’était pas prononcée à cette date.

« Les autorités turques doivent de toute urgence procéder à un examen systématique de l’ensemble des procédures pénales en cours afin d’identifier toutes les affaires dans lesquelles existent des allégations selon lesquelles des déclarations de suspects, de prévenus ou de témoins ont été obtenues illégalement par la torture ou par d’autres mauvais traitements. Elles doivent prendre les mesures nécessaires afin que soient classées les affaires dans lesquelles on peut soupçonner avec raison que les principaux éléments de preuve retenus contre le prévenu reposent sur des « aveux » obtenus sous la contrainte, a déclaré Nicola Duckworth.

Amnesty International demande au gouvernement turc de se conformer aux normes internationales d’équité des procès et d’entamer une enquête approfondie sur toutes les allégations de torture, de faire en sorte que les tribunaux ne prennent plus en compte aucun élément de preuve obtenu sous la torture, de veiller à ce que le droit de bénéficier d’une défense effective soit mis en œuvre et de réduire la durée de la détention provisoire et des procédures pénales.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez consulter le document intitulé Turkey : Justice delayed and denied : The persistence of protracted and unfair trials for those charged under anti-terrorism legislation, Index AI : EUR 44/013/2006, http:// web.amnesty.org/library/index/engeur440132006.

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