Ce rassemblement hebdomadaire dans le district de Beyoğlu devait marquer la 700e semaine des manifestations dites des « Mères du samedi », organisées depuis 1995. Cette série de manifestations pacifiques a commencé sous la forme d’une manifestation organisée par des proches des victimes des centaines de disparitions forcées qui ont eu lieu dans les années 1980 et 1990. Dans la grande majorité des cas, les circonstances exactes de ces disparitions sont toujours inconnues, notamment en ce qui concerne le sort des victimes et le lieu où elles se trouvent, et les responsables n’ont pas été traduits en justice.
Les policiers ont utilisé du gaz lacrymogène, des canons à eau et des balles en plastique contre les personnes rassemblées, parmi lesquelles se trouvaient des proches de personnes victimes de disparition forcée, des défenseurs des droits humains et des parlementaires, ainsi que des journalistes qui couvraient la manifestation.
D’après des avocats présents sur les lieux, 47 participants ont été soumis à des mauvais traitements et arrêtés. La police les a cependant libérés plus tard dans la journée après avoir pris leur déposition.
Amnesty International appelle les autorités turques à diligenter de toute urgence une enquête impartiale, indépendante et efficace sur les allégations d’utilisation injustifiée et excessive de la force par les policiers, ainsi que sur les mauvais traitements qu’ils ont infligés aux personnes qui s’étaient rassemblées pour demander que l’obligation de rendre des comptes soit respectée pour les disparitions forcées. Les autorités doivent également veiller à ce que les Mères du samedi puissent continuer à se rassembler pacifiquement chaque semaine sur la place de Galatasaray.
Lorsqu’ils se sont rassemblés pour la 700e fois le 25 août 2018, les organisateurs ont été approchés par des policiers qui leur ont dit qu’ils devaient se disperser car la manifestation avait été interdite par le gouverneur du district, qui dépend du ministère de l’Intérieur. Lorsque les participants ont refusé de partir, les policiers sont intervenus pour disperser la foule par la force, en utilisant du gaz lacrymogène, des canons à eau et des balles en plastique.
D’après trois participants qui ont parlé à Amnesty International et dont les déclarations ont été corroborées par une vidéo, les policiers ont frappé des participants, les ont traînés sur le sol et ont attaché les mains des personnes arrêtées dans leur dos en utilisant des colliers de serrage surnommés « menottes en plastique », avant de les transférer dans trois cars de police. Ils ont ajouté que certains des participants à la manifestation pacifique avaient souffert de graves meurtrissures et coupures dues aux tirs des policiers.
Les policiers ont frappé des participants, les ont traînés sur le sol et ont attaché les mains des personnes arrêtées dans leur dos en utilisant des colliers de serrage surnommés « menottes en plastique », avant de les transférer dans trois cars de police.
Les personnes arrêtées sont restées menottées dans les cars pendant au moins sept heures avant de faire enfin l’objet d’un examen médical et d’être transférées à la Direction de la sécurité d’Istanbul, le quartier général de la police de la ville, où on a recueilli leurs témoignages.
Pour l’instant, 12 des personnes arrêtées ont contacté la Fondation turque des droits humains (TIHV) pour que leurs blessures soient examinées et consignées par des médecins indépendants. Lorsqu’ils se sont adressés à Amnesty International, les médecins de la TIHV ont déclaré qu’une personne avait eu un doigt et une autre un poignet cassés à la suite de l’usage d’une force excessive par la police. Les 12 manifestants examinés souffraient tous de meurtrissures liées au fait qu’ils étaient restés menottés pendant un long moment, et certains souffraient en outre de meurtrissures graves dues aux coups qui leur avaient été infligés. Des avocats ont déclaré à Amnesty International que, quand elles auront obtenu les certificats médicaux nécessaires, les personnes qui ont été blessées porteront plainte contre les policiers.
Selon les avocats, les personnes détenues sont accusées d’avoir « enfreint la Loi sur les réunions et les manifestations », utilisée pour entraver l’exercice du droit de réunion pacifique en Turquie grâce à sa nature restrictive et son application arbitraire. Amnesty International demande aux autorités de ne pas poursuivre en justice les participants à la manifestation des Mères du samedi, car ils exerçaient simplement leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Les 12 manifestants examinés souffraient tous de meurtrissures liées au fait qu’ils étaient restés menottés pendant un long moment, et certains souffraient en outre de meurtrissures graves dues aux coups qui leur avaient été infligés.
Le droit turc et le droit international prohibent strictement la torture et les autres mauvais traitements. Les autorités turques doivent enquêter de toute urgence sur les allégations d’utilisation injustifiée et excessive de la force par les policiers, ainsi que sur les mauvais traitements qu’ils ont infligés aux participants à la manifestation des Mères du samedi le 25 août 2018. Toutes les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de ces actes doivent être traduites en justice dans le cadre de procès équitables.
Les Mères du samedi se sont rassemblées pacifiquement 699 fois depuis mai 1995. Au cours de cette période, beaucoup de participants ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement, d’une utilisation excessive de la force, de détentions arbitraires et de poursuites injustes. En 1999, les organisateurs ont décidé d’arrêter ces rassemblements hebdomadaires, qui ont repris en 2009 pour continuer de demander la vérité, la justice et des réparations pour toutes les affaires de disparition forcée.
Amnesty International est préoccupée par les déclarations faites le 27 août par le ministre de l’Intérieur, qui a laissé entendre que cette manifestation hebdomadaire pourrait être interdite à l’avenir. Les proches des victimes de disparition forcée et les autres personnes qui se sont rassemblées pour participer à la manifestation du 25 août exerçaient pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, garanti à la fois par le droit international relatif aux droits humains et la législation nationale en la matière. Amnesty International appelle les autorités à veiller à ce que le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique de chacun, y compris des participants à ce rassemblement, soit maintenu et respecté lors de la prochaine manifestation, qui doit avoir lieu le 1er septembre, ainsi que lors des manifestations suivantes. L’organisation enverra des observateurs à la manifestation du 1er septembre.