Le nouvel article – nommé publiquement « loi sur les agents d’influence » – modifierait le Code pénal et rendrait passibles de poursuites des « actes » non précisés qui seraient « contraires aux intérêts de l’État en matière de sécurité ou de politique intérieure ou étrangère et conformes aux intérêts stratégiques ou aux instructions d’un État étranger ou d’une organisation étrangère ».
« Si elle était adoptée, cette loi représenterait une menace considérable pour la capacité de la société civile à mener librement ses activités dans le pays », ont déclaré les organisations signataires dans une déclaration conjointe.
Celles-ci relèvent le fait que la proposition de loi ne satisfait pas aux critères de certitude juridique et de prévisibilité – qui sont un principe fondamental du droit – selon lesquels les personnes doivent être en mesure de comprendre les dispositions législatives pour savoir sur quels actes ou omissions leur responsabilité pénale peut être engagée et quelles sanctions elles encourent si elles commettent ces actes ou omissions.
Un train de mesures législatives validé par la Commission parlementaire pour la Justice le 23 octobre doit faire l’objet d’un vote des membres du Parlement turc dans les prochains jours.
« Si les nouvelles dispositions étaient adoptées, les droits relatifs à la liberté d’expression, notamment celui de chercher et de recevoir des informations, risqueraient en outre d’être bafoués »
Le texte proposé menace de criminaliser des activités légitimes telles que la collecte et la diffusion d’informations sur les violations des droits humains par des acteurs étatiques ou non étatiques, en les rendant passibles de sanctions sévères, y compris de lourdes peines de prison. Si les faits incriminés sont commis « en temps de guerre » ou dans le cadre de la « préparation de l’État à des activités liées à la guerre ou des opérations militaires », la peine peut atteindre huit à 12 ans d’emprisonnement.
« Nous déplorons également que la proposition de loi ne définisse pas de critères clairs pour déterminer quels actes précis constituent une infraction pénale, sans prévoir des garanties suffisantes ou des voies de recours contre les potentielles utilisations abusives de ces dispositions, ont déclaré les organisations.
« L’interprétation arbitraire de lois formulées en termes vagues et généraux est déjà utilisée pour viser et poursuivre des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes, des avocat·e·s et de nombreuses organisations de la société civile en Turquie. Si les nouvelles dispositions étaient adoptées, les droits relatifs à la liberté d’expression, notamment celui de chercher et de recevoir des informations, risqueraient en outre d’être bafoués. Elles auraient alors un effet paralysant sur le travail des organisations de la société civile en faveur des droits humains, qui pourrait entraver leurs activités. »
Complément d’information
Le train de mesures législatives qui va être soumis à un vote comporte l’ajout d’un nouvel article, l’article 339/A portant sur la « commission d’infractions contre les intérêts sécuritaires ou politiques de l’État », à la section 7 du Code pénal turc (Loi n° 5237) intitulée « Crimes contre les secrets d’État et espionnage ».
La terminologie de l’article proposé se prête à une utilisation abusive. Les termes « intérêts stratégiques », « instructions », « organisation » et « intérêts de l’État en matière de politique intérieure ou étrangère », par exemple, sont excessivement vagues et généraux. Les dispositions mal définies ou trop générales sont susceptibles de faire l’objet d’une application arbitraire et abusive, risquant d’être instrumentalisées pour viser des personnes que les autorités considèrent comme des opposant·e·s ou pour criminaliser les activités légitimes des organisations de la société civile, notamment celles qui recueillent et diffusent des informations sur les violations des droits humains dans le pays.
L’article proposé est contraire au droit international relatif aux droits humains et aux normes connexes ainsi qu’à la Constitution et au droit national de la Turquie, car il menace la liberté d’expression et ne respecte pas le principe de légalité et de prévisibilité, un concept fondamental du droit pénal.
Outre les signataires de cette déclaration conjointe, de nombreuses autres organisations ont publié leur propre déclaration, parmi lesquelles l’Association du Centre pour le développement de la société civile (voir ici [3]), la Plateforme des femmes pour l’égalité (voir ici [4]), la Fondation du tiers secteur de Turquie (voir ici [5]), l’Institut international de la presse (voir ici [6]), le Comité pour la protection des journalistes (voir ici [7]), Human Rights Watch (voir ici [8]), des organisations de journalisme, des syndicats et d’autres organisations (voir ici [9]).
Le nombre de signataires de la déclaration conjointe [10] augmente de jour en jour. Une copie de la déclaration est actuellement envoyée à tous les membres du Parlement turc.
SIGNATAIRES :
1. About Life Foundation (YADA)
2. AG-DA Gender Equality Solidarity Network
3. Ali İsmail Korkmaz Foundation
4. Altyazı Cinema Association
5. Amnesty International Turquie
6. Ankara Initiative for Freedom of Thought
7. Ankara Solidarity Academy
8. Another School is Possible Association
9. Association for Monitoring Equal Rights
10. Batman Bar Association
11. Bodrum Women’s Solidarity Association
12. Center for Spatial Justice
13. Citizen’s Initiative
14. Citizens’ Assembly
15. DEMOS Research Association
16. Dersim Bar Association
17. Diyarbakır Bar Association
18. Families of LGBTs in İstanbul
19. Free Colors Association
20. GALADER-Ankara Rainbow Families Association
21. Green Thought Association
22. Hakkari Bar Association
23. Human Rights Agenda Association
24. Human Rights Association
25. Human Rights Association Ankara Branch LGBTI+ Commission
26. Human Rights Association Istanbul Branch
27. Human Rights Foundation of Türkiye
28. Izmir Women’s Solidarity Association
29. Kaos GL Association
30. Katre Women’s Counceling and Solidarity Association
31. Kirkayak Culture - Migration and Cultural Studies Center
32. Kuşadası Caferli Beautification and Solidarity Association
33. Lambdaistanbul LGBT Solidarity Association
34. Lawyers for Freedom Association
35. Leader Women Association
36. Life Memory Freedom Association
37. Mardin Bar Association
38. Marmaris Public Assembly
39. May 17 Association
40. Media and Law Studies Association
41. Merdiven Social Initiative and Development Association
42. Migration Monitoring Association
43. Muamma LGBTI+ Education Research and Solidarity Association
44. Muğla Environment Platform
45. Murat Çekiç Association
46. Muş Bar Association
47. Natural Life Association
48. Nonviolence Education and Research Center
49. P24 Independent Journalism Platform
50. Press, Publishing, Communication, and Postal Workers’ Union
51. Pride Istanbul
52. Progressive Journalists Association
53. Red Umbrella Sexual Health and Human Rights Association
54. Rights Initiative Association
55. Romani Godi - Association for Roma Memory Studies
56. Rosa Women’s Association
57. SES Equality and Solidarity Association
58. Siirt Bar Association
59. Social Policy, Gender Identity and Sexual Orientation Studies Association
60. Support for Improvement in Social and Economic Living Association
61. Şanlıurfa Bar Association
62. Şırnak Bar Association
63. Tarlabaşı Community Support Association
64. The Civil Society in the Penal System Association
65. The Confederation of Public Employees’ Trade Unions
66. Trans Pride Istanbul
67. Truth Justice Memory Center
68. Turkish Handicap Association
69. Türkiye Human Rights Litigation Support Project
70. Türkiye Journalists’ Union
71. Türkiye Press, Publishing, and Printing Employees’ Union
72. University Queer Studies and LGBTI+ Solidarity Association
73. Van Bar Association
74. Velvele
75. Women for Women’s Human Rights Association
76. Women’s Culture, Arts, and Literature Association
77. Women’s Solidarity Foundation
78. Women’s Time Association
79. Young Thought Institute
80. Youth Organizations Forum
81. Yuva Association