Turquie. Un journaliste pris une nouvelle fois pour cible

Déclaration publique

EUR 44/017/2006

Amnesty International est consternée par l ‘annonce, ce mardi 26 septembre, du nouveau procès intenté au journaliste Hrant Dink, accusé du « délit d’insulte à l’identité turque » au titre de l’article 301 du Code pénal turc. L’organisation considère que ces poursuites s’inscrivent dans le cadre d’une politique de harcèlement visant un journaliste ayant exercé son droit à la liberté d’expression – un droit que la Turquie, en tant qu’État partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a l’obligation légale de respecter.

L’annonce de ce nouveau procès intervient après la publication de propos tenus par Hrant Dink à l’agence de presse Reuters. Le journaliste aurait déclaré, parlant des massacres d’Arméniens sous l’empire ottoman, « Bien sûr, je dis que c’est un génocide, parce que le résultat identifie ce que c’est et lui donne un nom. Vous pouvez voir qu’un peuple qui a vécu sur ces terres pendant quatre mille ans a disparu. » Amnesty International s’inquiète particulièrement de ce nouveau procès, le troisième intenté à Hrant Dink au titre de l’article 301, parce qu’il semble s’inscrire dans le cadre d’une politique de harcèlement d’un auteur ayant exprimé de façon pacifique une opinion discordante. De surcroît, Hrant Dink avait déjà été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis en octobre 2005 pour « délit d’insulte à l’identité turque » (condamnation confirmée en appel en juillet 2006) et s’il était déclaré coupable du même délit il serait emprisonné. Si tel était le cas, Amnesty International le considérerait comme un prisonnier d’opinion.

Amnesty International considère ces poursuites particulièrement décevantes après l’acquittement, accueilli avec soulagement il y a quatre jours, d’un autre écrivain, la romancière Elif Safak, inculpée au titre de l’article 301 pour des propos tenus par les personnages fictifs de son roman, Le Bâtard d’Istanbul. L’organisation avait vu dans cet acquittement un pas positif pour la liberté d’expression en Turquie ; elle craint cependant qu’il n’ait constitué une exception plutôt que la règle en la matière et qu’ait été démontrée une nouvelle fois l’incapacité de certains magistrats turcs à appliquer en droit national les règles du droit international, comme le prévoit l’article 90 de la Constitution turque. L’organisation renouvelle son appel en faveur de l’abrogation de l’article 301 dans son intégralité, pour mettre fin à l’application arbitraire de cette loi mal définie.

Enfin, Amnesty International note qu’à l’origine de ce procès il y aurait eu une plainte déposée par des éléments de la société civile opposés à l’abolition de l’article 301 ; des plaintes similaires, visant à ce que des poursuites soient engagées, auraient été déposées par le passé à plusieurs reprises, accompagnées de provocations et manifestations parfois violentes lors des procès, créant une atmosphère de menace dans la salle d’audience. L’organisation appelle les autorités turques à s’assurer que toutes les mesures nécessaires soient prises pour assurer la protection des accusés, de leurs avocats et de leurs sympathisants dans de telles affaires et, bien sûr, le bon déroulement de la justice. Pour plus d’informations concernant les préoccupations d’Amnesty International à propos de l’article 301, voir
Turkey : Article 301 : How the law on « denigrating Turkishness » is an insult to free expression (index AI : EUR 44/003/2006).

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