Turquie. Un policier est reconnu coupable d’avoir causé la « mort par négligence » d’un demandeur d’asile en 2007

Quatre ans après le début de l’affaire, et au terme d’une procédure marquée par des irrégularités dans l’enquête et d’importants retards, le 13 décembre, un tribunal d’Istanbul a prononcé une peine d’emprisonnement contre un policier reconnu coupable d’« homicide par négligence » sur la personne d’un demandeur d’asile nigérian en 2007.

Festus Okey, demandeur d’asile nigérian, a succombé à ses blessures après avoir été blessé par balle dans un poste de police à Istanbul en août 2007. Inculpé d’avoir « causé la mort par négligence », le policier a été condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement, réduite à quatre ans et deux mois, le tribunal ayant pris en compte ses « regrets » pour cet événement, son comportement durant le procès et les répercussions de la condamnation sur le policier. On s’attend à ce qu’il fasse appel de ce jugement.

Depuis que Festus Okey est mort en garde à vue, Amnesty International s’est alliée à d’autres organisations non gouvernementales (ONG) en Turquie afin de faire part de leurs préoccupations : tout d’abord au sujet des irrégularités de l’enquête menée sur les circonstances de sa mort, mais aussi concernant le procès qui a été suspendu dans l’attente de la confirmation de l’identité de Festus Okey, qui, selon le tribunal, ne pouvait être établie.

Parmi les irrégularités constatées au cours de l’enquête, citons notamment le fait que la police a égaré la chemise de Festus Okey, élément de preuve crucial, et a affirmé qu’il n’existait pas d’enregistrements vidéos, malgré la présence de caméras dans le poste de police.

Durant le procès, les audiences ont été paralysées par des controverses sur l’identité de Festus Okey, le tribunal ayant statué qu’il fallait demander confirmation de son nom et de sa nationalité aux autorités nigérianes. Cependant, ce n’est que le 4 novembre 2010, plus de trois ans après sa mort, qu’une démarche a été entreprise auprès du ministère des Affaires étrangères pour obtenir ces informations de la part du Nigeria.

Inquiets des retards accumulés dans cette affaire, plusieurs ONG de défense des droits des migrants et plus de 100 personnes ont tenté d’intervenir en tant que tierce partie dans le procès afin de représenter les intérêts de Festus Okey, mais la cour a systématiquement rejeté ces requêtes. Un grand nombre de personnes ont fait l’objet de poursuites après avoir tenté d’intervenir dans le procès ; elles ont été inculpées de « tentative d’influencer l’équité du procès » et d’« outrage ».

Les démarches d’une ONG locale visant à contacter la famille de Festus Okey au Nigeria ont finalement porté leurs fruits en novembre 2011. Pourtant, lors de la dernière audience le 13 décembre, la requête des représentants de la famille souhaitant se porter partie civile a également été rejetée. Aux termes des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, les victimes ainsi que leurs familles ont droit à des recours et à des réparations, ainsi qu’à un accès aux informations utiles concernant les violations et les mécanismes de réparation.

Amnesty International a mis en lumière de multiples cas d’impunité en Turquie, dans lesquels les représentants de l’État ayant bafoué les droits humains demeurent fréquemment impunis, tandis que les victimes de ces violations sont elles-mêmes poursuivies. Les condamnations pour ces violations des droits fondamentaux sont bien souvent suspendues, ce qui engendre un climat d’impunité. Force est de constater que les agents de l’État accusés de mauvais traitements, d’actes de torture et même d’homicide sont rarement suspendus de leurs fonctions dans l’attente des conclusions des poursuites engagées à leur encontre, comme c’est le cas dans cette affaire.

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