UKRAINE - Aucune action décisive contre la torture n’a encore été prise

Index AI : EUR 50/007/2005

« Si vous ne combattez pas les mauvais agissements, ils se multiplient. »
Mikhaïlo Koval originaire de Tchernihiv et qui aurait été victime de mauvais traitements

Les fonctionnaires responsables de l’application des lois obtiennent de manière habituelle des aveux et des témoignages de détenus en ayant recours à la force, souvent à un niveau qui l’assimile à la torture. C’est ce que révèle Amnesty International dans le rapport Ukraine : Time for action : Torture and ill-treatment in police detention (index AI : EUR 50/004/2005) qu’elle rend public ce mardi 27 septembre 2005 et dans lequel elle aborde plus particulièrement l’impunité dont jouissent en Ukraine les policiers auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements.

« N’importe quel suspect, témoin ou passant court le risque d’être torturé ou victime d’une autre forme de mauvais traitements de la part de la police », a déclaré Heather Mc Gill, chercheuse sur l’Ukraine à Amnesty International.

« Toute forme de torture ou de mauvais traitements est clairement interdite en tout temps et en tout lieu aux termes de la législation internationale relative aux droits humains. Mais en Ukraine, les allégations de torture donnent rarement lieu à des enquêtes, et quand il y en a, elles ne sont généralement pas menées correctement. Aussi, il est exceptionnel que des policiers impliqués dans des actes de torture ou des mauvais traitements soient sanctionnés ou que des victimes reçoivent réparation. »

Le rapport d’Amnesty International souligne quelques-unes des faiblesses de l’appareil judiciaire ukrainien qui favorisent le recours à la torture et aux mauvais traitements. Il s’agit notamment des mauvaises conditions de détention provisoire et de l’absence de mesures de protection pour les détenus. La police a hérité de l’ère soviétique le fait de chercher davantage à identifier les auteurs d’infraction qu’à mener un travail de prévention. Les autorités ukrainiennes reconnaissent que les policiers sont prêts à recourir à n’importe quels moyens, même illégaux, pour résoudre des affaires. Les policiers cherchent en priorité à obtenir des « aveux » pour atteindre leurs objectifs et n’hésitent pas à recourir à la force pour y parvenir. La police a d’autant plus facilement recours aux mauvais traitements que la corruption est très répandue et qu’il arrive aux policiers de frapper des détenus pour leur soutirer de l’argent.

Le rapport fait 20 recommandations aux autorités ukrainiennes pour que la police respecte l’interdiction absolue du recours à toute forme de torture ou de mauvais traitements et pour mettre fin à l’impunité.

Il n’existe pas de statistiques officielles concernant le recours à la torture ou aux mauvais traitements par la police en Ukraine. Néanmoins, dans une étude de l’Institut Kharkiv pour la recherche en sciences sociales réalisée auprès de personnes ayant été détenues par la police, 62,4 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été maltraitées lors de leur arrestation : 44,6 % ont eu le cou, les bras ou les jambes tordus ; 32,8 % ont reçu des coups de poing ou de pied, et 3,8 % ont été maltraitées et torturées à l’aide d’instruments.

Le rapport recense des informations rassemblées par Amnesty International de début 2001 à juin 2005. Il indique quelles seraient les méthodes de torture utilisées par la police : suspension du détenu à une barre métallique ; pose d’un masque à gaz pour faire suffoquer le détenu (torture dite de l’éléphant, très répandue dans les pays de l’ex-Union soviétique) ; coups de pied et de poing ou coups donnés à l’aide d’objets lourds ne laissant pas de marques sur le corps, tels que le Code de procédure pénale ou des bouteilles remplies d’eau. Dans d’autres cas, des pressions psychologiques auraient été utilisées telles que des menaces de viol, d’inculpation pour d’autres infractions et, à une occasion, une mère aurait été séparée de son bébé malade.

« Beaucoup de victimes ne portent pas plainte, car elles ont peur et n’ont aucune confiance dans le système, a ajouté Heather Mc Gill. Celles qui font preuve d’assez de ténacité et de courage pour chercher justice risquent d’être à nouveau victimes d’intimidations ou de représailles, et il est rare qu’elles obtiennent un dédommagement. »

« Un gouvernement qui veut lutter contre la torture et les mauvais traitements doit veiller à ce que toutes les allégations de telles atteintes aux droits humains donnent lieu sans délai à une enquête objective et approfondie en conformité avec les normes internationales. Il doit également veiller à ce que les coupables soient sanctionnés et les victimes dédommagées. »

Le président Viktor Iouchtchenko a clairement fait part de son désir de voir l’Ukraine remplir les conditions voulues pour présenter sa candidature à l’Union européenne. Des responsables gouvernementaux ont fait des déclarations encourageantes quant à une réforme du système pénal, de manière à le rendre conforme aux normes internationales en termes de droits humains. Mais les allégations selon lesquelles la police exerce des actes de torture ou des mauvais traitements continuent à circuler.

« Si le gouvernement ukrainien tient réellement à signer un accord d’association avec l’Union européenne en 2007, il doit dès à présent réformer son système pénal, éradiquer la torture et veiller à ce que les victimes obtiennent réparation », a conclu Heather Mc Gill.

Le rapport Ukraine : Time for action : Torture and ill-treatment in police detention (index AI : EUR 50/004/2005) peut être consulté sur le site de l’organisation.

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