Ukraine, Les droits sexuels et reproductifs des femmes attaqués

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En tant qu’organisations locales et internationales de défense des droits des femmes, des droits humains et des droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation travaillant en Hongrie, en Moldavie, en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie et en Ukraine, nous appelons les décideurs en Europe et au sein de la communauté internationale à prendre des mesures rapides, efficaces et coordonnées en vue de protéger les droits fondamentaux et de répondre aux besoins en termes de santé en matière de sexualité et de procréation des femmes, des filles et des populations marginalisées touchées par le conflit en Ukraine.

L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie a de terribles conséquences sur la population en Ukraine. Nous condamnons les atrocités, les violations des droits humains et les attaques contre des civil·e·s et des infrastructures civiles perpétrées par la Fédération de Russie et adressons toute notre solidarité au peuple d’Ukraine.

Cette invasion a de graves répercussions sur les femmes, les filles et les populations marginalisées en Ukraine et met en péril leurs droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation [1]. Les frappes militaires dirigées contre les civils et les infrastructures civiles, notamment les maternités et les centres de soins, ont tué et grièvement blessé des femmes et des enfants en Ukraine, notamment des femmes enceintes et des nouveaux-nés [2]. Le risque de mortalité et de morbidité maternelle et infantile augmentera rapidement dans les mois à venir [3]. Le système de santé s’effondre et l’accès aux services essentiels, y compris aux services de santé en matière de sexualité et de procréation, est considérablement réduit dans certaines régions d’Ukraine qui sont la cible de graves attaques et gravement mis en péril dans d’autre régions du pays [4]. La guerre accroît rapidement le risque de violences fondées sur le genre en Ukraine, notamment les violences sexuelles, et exacerbe les risques d’exploitation, y compris d’exploitation sexuelle et de traite d’êtres humains [5].

Aujourd’hui, on recense plus de 1,8 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays et plus de 3 millions de réfugié·e·s, pour la plupart des femmes et des enfants, qui fuient leurs maisons et quittent l’Ukraine [6]. Ils sont exposés à des risques accrus de violences fondées sur le genre, notamment sexuelles, et leurs droits et leur santé en matière de sexualité et de procréation sont menacés.

« [Des] obstacles compromettent l’accès à une contraception d’urgence et à d’autres méthodes contraceptives, à l’avortement, y compris médicalisé, au suivi prénatal »

En Hongrie, Pologne, Roumanie et Slovaquie, une série de restrictions de politique et juridiques préexistantes concernant les droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation et des obstacles financiers entravent fortement l’accès à des soins urgents et essentiels pour les personnes qui fuient l’Ukraine [7]. En particulier, ces obstacles compromettent l’accès à une contraception d’urgence et à d’autres méthodes contraceptives, à l’avortement, y compris médicalisé, au suivi prénatal, à une prophylaxie post-exposition et à des soins relatifs aux infections sexuellement transmissibles. En conséquence, l’Ensemble minimal de services initiaux (MISP) pour la santé sexuelle et reproductive en situations de crise [8]. n’est pas pleinement fourni dans de nombreux centres de soins en Hongrie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie. Pour certains groupes de réfugié·e·s, notamment les femmes roms, africaines et d’origine africaine, le risque de violations de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation est exacerbé par le racisme et d’autres formes de discrimination. En Hongrie, Pologne, Roumanie et Slovaquie, les organisations locales de défense des droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation, de l’égalité de genre et des droits des femmes, et les défenseur·e·s des droits humains sont sollicités pour fournir une aide de première urgence aux femmes et aux filles ayant besoin de ces soins. La plupart de ces organisations agissent dans des environnements extrêmement difficiles et disposent de ressources financières et humaines très limitées.

Il faut désormais une aide financière robuste, une volonté politique et une direction stratégique afin de répondre à ces préoccupations.

Nous engageons l’Union européenne, les gouvernements donateurs et l’ensemble de la communauté internationale à :

 Veiller à ce que tous les plans de réponse, de financement et d’assistance humanitaires respectent les droits humains et accordent la priorité aux droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation de toutes les femmes et filles et des populations marginalisées en Ukraine et dans les pays de transit et d’accueil des réfugié·e·s, notamment en Union européenne.

 Veiller à ce que les colis et les convois humanitaires vers l’Ukraine et vers les pays de transit et d’accueil des réfugié·e·s incluent un nombre suffisant de kits de santé reproductive inter-agences, notamment un large éventail de produits et de médicaments essentiels en matière de sexualité et de procréation. Ces kits doivent inclure une contraception d’urgence, des produits et médicaments contraceptifs, des produits d’hygiène menstruelle, des produits d’aide à l’allaitement et du lait maternisé, ainsi que des soins postnatals, une prophylaxie post-exposition, et de la mifépristone et du misoprostol pour un avortement médicamenteux. Il est également primordial de fournir des quantités suffisantes de traitement antirétroviral pour les personnes vivant avec le VIH et de traitement hormonal pour les personnes transgenres, et de veiller à ce que l’aide clinique, psychosociale et autre dispensée aux victimes de violence sexuelle soit largement disponible.

 Offrir de toute urgence un appui politique, stratégique et technique aux gouvernements de Hongrie, de Pologne, de Roumanie et de Slovaquie, afin de faciliter l’élimination des obstacles juridiques et politiques qui ralentissent la mise à disposition de soins essentiels en matière de sexualité et de procréation.

 Favoriser immédiatement l’accès transfrontalier aux soins de santé en matière de sexualité et de procréation lorsque cela est nécessaire au vu des obstacles juridiques nationaux et des graves restrictions dans les pays de transit et d’accueil. En particulier, prendre des mesures rapides et efficaces en vue de favoriser et de financer l’accès urgent à un avortement précoce par voie médicamenteuse, grâce à des services transfrontaliers et télémédicaux, pour les populations clés.

 Fournir une aide rapide, directe, politique et financière aux organisations qui défendent l’égalité de genre, les droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation et les droits des femmes, et aux militantes des droits humains, qui apportent une aide de première ligne aux réfugié·e·s dans les pays de transit et d’accueil et aux populations en Ukraine, notamment aux personnes déplacées à l’intérieur du pays. Veiller à ce que l’aide financière parvienne aux organisations locales qui dispensent des conseils juridiques et des soins de santé aux femmes et aux filles et aux populations marginalisées. Vérifier qu’elle n’est pas fournie à des organisations et acteurs hostiles aux droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation et à l’égalité en Hongrie, Moldavie, Pologne, Roumanie, Slovaquie ou Ukraine.

 Veiller à ce que toutes les investigations pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations du droit international humanitaire et du droit pénal international, y compris l’enquête menée par le procureur de la Cour pénale internationale et la commission d’enquête internationale indépendante mise sur pied par le Conseil des droits de l’homme [9], prenne pleinement en compte et intègre les dimensions de genre et intersectionnelles de ces crimes.

Nous engageons les gouvernements de Hongrie, Moldavie, Pologne, Roumanie et Slovaquie à :

 Veiller à ce que des soins de qualité en matière de sexualité et de procréation et des services adéquats à l’eau, l’assainissement et l’hygiène, soient mis à la disposition de toutes les personnes fuyant l’Ukraine, sans discrimination. À cette fin, fournir une aide financière d’urgence aux organisations défendant l’égalité de genre, les droits à la santé en matière de sexualité et de procréation et les droits des femmes, qui apportent protection, soutien et conseils juridiques de première ligne aux personnes fuyant l’Ukraine et garantir que cette aide couvre les coûts des produits d’hygiène menstruelle, de la contraception d’urgence et autres méthodes contraceptives, et des soins liés à l’avortement.

 Publier des directives clarifiant que les soins dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, notamment la contraception d’urgence, la contraception et les soins liés à l’avortement, et toutes les formes de santé maternelle, notamment les soins prénatals, sont des soins essentiels qui devraient être dispensés gratuitement et que les professionnel·le·s de santé seront intégralement remboursés, dans le cadre des règlementations existantes, pour avoir dispensé ces soins à tous ceux qui fuient l’Ukraine.

 Veiller à ce que la contraception d’urgence puisse être fournie sans prescription et gratuitement, sans délai, à toutes les personnes fuyant l’Ukraine, notamment en alignant les politiques nationales relatives à la contraception d’urgence sur les meilleures pratiques internationales et régionales et sur les lignes directrices de l’UE.

 Veiller à ce que l’avortement médicalisé à un stade précoce de la grossesse soit légal et accessible à toutes les personnes fuyant l’Ukraine, notamment en supprimant les obstacles à l’accès aux soins liés à l’avortement et en alignant les politiques nationales en matière d’avortement sur les lignes directrices de l’OMS.

 Prendre des mesures efficaces afin de prévenir les violences fondées sur le genre, notamment les violences sexuelles et la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, surtout dans les zones frontalières et les principaux points de transit. Garantir le libre accès à des traitements complets et à une aide psychosociale et autre à toutes les personnes fuyant l’Ukraine qui ont été victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre, et mener des investigations approfondies respectueuses des droits humains sur tous les épisodes de violences et de menaces de violences fondées sur le genre au sein de leur juridiction. Cela devrait englober une enquête effective sur les menaces de violences et les discours de haine visant les militantes des droits humains, les professionnel·le·s de santé qui prodiguent des soins en matière de sexualité et de procréation, et les populations réfugiées.

Signataires

Centrum Praw Kobiet, Pologne
DziewuCHy Szwajcaria, Pologne
Dziewuchy Berlin, Pologne
Dziewuchy Szczecin, Pologne
Democracy is OK, Pologne
Droga Kobiet, Pologne
Era Kobiet Koszalin, Pologne
Era Dialogu Koszalin, Pologne
Elles Sans Frontieres Bruksela, Pologne
Fundacja Cicha Tęcza, Pologne
Fundacja na rzecz Kobiet i Planowania Rodziny (Federa), Pologne
Fundacja Feminoteka, Pologne
Fundacja Trans-Fuzja, Pologne
Grupa Ponton, Pologne
Instytut Spraw Społecznych, Pologne
International Council of Polish Women+, Pologne
Lambda Warszawa, Pologne
NIC O NAS BEZ NAS. Ruch kobiecy Gliwice, Pyskowice, Pologne
Ogólnopolski Strajk Kobiet, Pologne
Regionalny Kongres Kobiet w Szczecinie, Pologne
Różowa Skrzyneczka, Pologne
Stowarzyszenie Klucz, Pologne
Stowarzyszenie Dolnośląski Kongres Kobiet, Pologne
Stowarzyszenie Kobieta na PLUS !, Pologne
Asociatia E-Romnja, Roumanie
Asociatia FRONT, Roumanie
Asociația pentru Libertate și Egalitate de Gen - A.L.E.G., Roumanie
Asociatia Plural, Roumanie
Asociatia SEXUL vs BARZA, Roumanie, Roumanie
Centrul Euroregional pentru Iniţiative Publice, Roumanie
Centrul de Actiune pentru Egalitate și Drepturile Omului (ACTEDO), Roumanie
Centrul FILIA, Roumanie
Centrul Parteneriat pentru Egalitate, Roumanie
League for the Defence of Human Rights (LADO), Roumanie
Mame pentru Mame, Roumanie
Societatea de Analize Feministe AnA, Roumanie
Societatea de Educatie Contraceptiva si Sexuala (SECS), Roumanie
Tineri pentru Tineri, Roumanie
ALEJ poradenské centrum, Slovaquie
Amnesty International Slovensko, Slovaquie
Centrum pre filantropiu, Slovaquie
Feministická organizácia ASPEKT, Slovaquie
Inštitút ľudských práv, o.z., Slovaquie
Možnosť voľby, Slovaquie
MyMamy, o.z., Slovaquie
Nebudeme ticho !, Slovaquie
Nadácia Ekopolis, Slovaquie
Nadácia otvorenej spoločnosti Bratislava, Slovaquie
Občan, demokracia a zodpovednosť, Slovaquie
OLYMP, o.z., Slovaquie
o.z. ŽENA V TIESNI, Slovaquie
Poradňa pre občianske a ľudské práva, Slovaquie
Projekt Neon, Slovaquie
Slovenské národné stredisko pre ľudské práva, Slovaquie
Spoločnosť pre plánované rodičovstvo, Slovaquie
Ženská loby Slovenska, Slovaquie
Center for Civil Liberties, Ukraine
EMMA Association, Hongrie
Hungarian Civil Liberties Union, Hongrie
NANE Association, Hongrie
PATENT Association (Association of People Opposing Patriarchy), Hongrie
Reproductive Health Training Center, Moldavie
Amnesty International
ASTRA Network
Centre pour les droits reproductifs
Fos Feminista
Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)
Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF)
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