Ukraine : Les autorités n’ont pas protégé des participants à la Journée du souvenir trans

Les autorités ukrainiennes n’ont pas garanti le droit à la liberté de réunion pacifique lorsque des groupes d’extrême droite ont perturbé et attaqué un rassemblement relatif à la Journée du souvenir trans organisé à Kiev, la capitale, avant la Journée internationale du souvenir trans.

Les autorités doivent veiller à ce que les responsables de ces violences soient retrouvés et traduits en justice dans le cadre de procédures équitables, et mettre fin au problème persistant de l’impunité pour les membres de groupes politiques prônant la haine et la discrimination, et commettant des violences contre des minorités vulnérables en Ukraine.

Le 18 novembre, des contre-manifestant·e·s violents d’extrême droite ont pris pour cible et perturbé un rassemblement pacifique de soutien aux personnes transgenres à Kiev, en particulier en jetant des grenades fumigènes, en hurlant des insultes et des menaces homophobes, et dans certains cas en recourant à des violences physiques directes contre des participant·e·s et au moins un journaliste. Les forces de police, qui étaient déployées à proximité de la manifestation ne sont pas intervenues pour empêcher les agressions. Deux militant·e·s ont été aspergés de gaz poivre par des hommes masqués, et ont dû être évacués par ambulance afin d’aller faire soigner leurs blessures. Un agresseur a également attaqué un journaliste canadien qui couvrait l’événement, en lui donnant un coup de poing au visage et en cassant ses lunettes.

Les organisateurs du rassemblement pacifique ont notifié la police locale par écrit le 25 octobre. Les groupes ayant perturbé l’événement avait annoncé leur intention de le faire, notamment en proférant ouvertement des menaces sur les réseaux sociaux. La police n’a pas fait le nécessaire afin d’enquêter sur les menaces, de prévenir les violences, de faciliter le rassemblement et de garantir la sécurité des participant·e·s.

Des membres d’Amnesty International ont été témoins des faits, et à notre connaissance, les autorités n’ont pas appréhendé une seule personne en relation avec ces violences.

La police nationale ukrainienne a annoncé l’ouverture d’une enquête sur un cas de « houliganisme » en rapport avec l’agression du journaliste. Le chef de la police nationale à Kiev a également déclaré à Hromadske TV que la police était à la recherche des personnes qui avaient attaqué le rassemblement. Au moment où la présente déclaration a été rédigée, il n’y avait pas eu d’autre réaction aux violences du 18 novembre, ni aux menaces ayant précédé le défilé sur les réseaux sociaux.

Les autorités ukrainiennes doivent garantir le droit de toute personne à la liberté d’expression et de réunion pacifique en Ukraine, conformément aux obligations qui sont faites au pays en vertu du droit international en matière de droits humains. Elles doivent s’attaquer à la question de l’impunité persistante de ceux qui prônent la discrimination et commettent des violences contre les minorités vulnérables, notamment les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), les minorités ethniques et d’autres groupes.

Complément d’information

L’ONG Insight, qui a organisé le rassemblement du 18 novembre avait dans un premier temps prévu un défilé au centre de Kiev, au départ de la place Mikhaylyvska à midi, ce dont elle avait notifié les autorités à l’avance. Les organisateurs ont affirmé à Amnesty International qu’il y avait eu des échanges réguliers avec la police municipale à ce propos préalablement à l’événement.

Les organisateurs se sont servis de Facebook pour informer leurs sympathisant·e·s de l’événement prévu et du lieu choisi pour celui-ci. Plusieurs groupes d’extrême droite connus pour leur défense de la discrimination et pour leurs actions visant la communauté LGBTI, ont réagi en promettant publiquement de perturber l’événement et en invitant leurs sympathisant·e·s à se joindre à eux. Leurs menaces publiques de violence ont contraint les organisateurs à renoncer à la place Mikhaylyvska pour leur rassemblement et à opter pour le parc Taras Chevtchenko.

Vers 10 h 30 le 18 novembre 2018, des membres d’Amnesty International ont vu des dizaines d’individus, dont certains étaient masqués et beaucoup arboraient l’emblème des groupes d’extrême droite ayant lancé des menaces, se réunir au parc Taras Chevtchenko. Ils portaient des pancartes transphobes et ont prié en public. Vers 11 h 30, trente minutes avant le rassemblement, la police a déclaré aux organisateurs qu’elle ne serait pas en mesure de garantir la sécurité de l’événement et a insisté pour que le rassemblement soit déplacé à la station de métro Universytet, non loin de là.

Vers midi, lorsqu’une trentaine de militant·e·s en faveur des droits des personnes transgenres se sont réunis devant la station de métro Universytet, elles se sont retrouvées encerclées par des policiers en tenue antiémeute. Peu après, des contre-manifestant·e·s ont commencé à lancer des grenades fumigènes vers ce groupe depuis l’autre côté de la rue.

La police ne les a pas empêchés de jeter ces grenades fumigènes, et n’a arrêté aucun d’entre eux, ni interrompu la circulation dans la rue, en dépit du manque de visibilité dû à la fumée.

Quelques minutes plus tard, un groupe d’une dizaine de contre-manifestant·e·s s’est approché du défilé avec agressivité et s’est positionné autour des militant·e·s qui défendaient les droits des personnes transgenres. Après cela, la police a mis un terme au rassemblement pacifique et a encerclé et regroupé les participant·e·s à l’intérieur de la station de métro, mettant dans les faits un coup d’arrêt au rassemblement. Les contre-manifestant·e·s ont alors pris place devant la station, ont déroulé leurs banderoles et leurs drapeaux, et prononcé des discours transphobes. La police n’a rien fait pour mettre un terme à la contre-manifestation après que les militant·e·s en faveur des droits des personnes transgenres ont été contraints à quitter les lieux.

Plus tard ce même jour, le service de presse de la police nationale à Kiev a annoncé que la police avait réprimé une « provocation » de la part des groupes d’extrême droite contre les militant·e·s en faveur des droits des personnes transgenres, mais n’a pas fait mention d’une quelconque arrestation en relation avec cet événement.

Amnesty International a essayé à plusieurs reprises de contacter le service de presse du ministère concerné, sans succès, d’obtenir de plus amples informations sur sa réaction face à ces événements.

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