Communiqué de presse

Ukraine. Les autorités ne doivent pas extrader les réfugiés vers l’Ouzbékistan, où ils risquent d’être torturés

Amnesty International demande aux autorités ukrainiennes de ne pas extrader Rouslan Souleïmanov vers l’Ouzbékistan, où il risque d’être torturé et de subir de graves violations des droits humains. Conformément à ses obligations internationales, l’Ukraine ne doit pas extrader les réfugiés ni les demandeurs d’asile vers un pays où ils risquent fortement d’être condamnés à mort, torturés ou victimes de graves violations de leurs droits fondamentaux.

Amnesty International exhorte les autorités ukrainiennes à libérer immédiatement Rouslan Souleïmanov, afin qu’il puisse être réinstallé dans un pays tiers.

Rouslan Souleïmanov travaillait en tant que manager dans une entreprise privée de construction très prospère, Karavan Bazar, en Ouzbékistan. À partir de 2008, des personnes influentes auraient pris le contrôle de cette entreprise. Lorsque l’entreprise a refusé de céder des actions, nombre de cadres ont été inculpés de charges liées à des crimes économiques.

Craignant d’être lui aussi poursuivi et jugé de manière inique, Rouslan Souleïmanov s’est tout d’abord rendu au Kirghizistan, où il a demandé et obtenu la citoyenneté ; en novembre 2010, il s’est installé en Ukraine. Le 25 février 2011, il a été placé en détention à Tchernigov, après s’être présenté au bureau du ministère de l’Intérieur afin de déposer une demande de permis de travail. En violation du droit ukrainien et des normes internationales, il n’a pas pu consulter d’avocat avant le 18 mai 2011. Le 12 mai, le bureau du procureur général a approuvé son extradition vers l’Ouzbékistan, afin qu’il y soit jugé pour crimes économiques. Le 20 mai 2011, Rouslan Souleïmanov a sollicité l’asile en Ukraine. Sa requête a été rejetée en appel le 2 juillet 2012 et est actuellement examinée par la Haute cour administrative. Rouslan Souleïmanov a également demandé une protection complémentaire en Ukraine, requête en cours d’examen. Il a interjeté appel de l’ordre d’extradition prononcé à son encontre et a obtenu gain de cause. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) lui a accordé aux termes de son mandat le statut de réfugié le 18 mai 2012, et a commencé à organiser sa réinstallation. En vertu du droit ukrainien, une personne ne peut être détenue plus de 18 mois avant d’être extradée ; ensuite, elle doit être libérée. Cette période de 18 mois va expirer le 25 septembre. Rouslan Souleïmanov a été transféré du centre de détention de Tchernigov à un centre situé à Kiev, le 7 septembre, en vue de son extradition. Des vols directs relient Kiev à Tachkent le mardi et le jeudi, et l’on craint qu’il ne soit extradé dans la nuit du jeudi 13 septembre.

Bien que l’Ouzbékistan ait assuré à plusieurs reprises que la pratique de la torture avait fortement reculé ces dernières années, Amnesty International continue de recevoir des informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements couramment infligés aux détenus. Selon ces informations, dans la plupart des cas, les autorités ne mènent pas d’investigations impartiales sur les accusations de torture et de mauvais traitements. L’impunité semble prévaloir dans le pays, les poursuites engagées contre les auteurs présumés de ces agissements étant l’exception et non la règle. Ces allégations émanent non seulement d’hommes et de femmes soupçonnés de faire partie de groupes islamiques ou de partis islamistes interdits ou d’avoir perpétré des actes terroristes, mais aussi de citoyens issus de toutes les couches de la société civile, notamment des militants des droits humains, des journalistes, des hommes d’affaires et d’anciens membres du gouvernement et des forces de sécurité, bien souvent de haut rang. Lors de ses recherches, Amnesty International a constaté que la plupart des personnes renvoyées de force en Ouzbékistan étaient détenues au secret, ce qui leur fait courir un risque accru d’être torturées ou maltraitées. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu plusieurs arrêts interdisant aux États de renvoyer des personnes vers l’Ouzbékistan, en raison du risque de torture. Elle a notamment estimé le 10 juin 2010, dans l’affaire Garaïev c. Azerbaïdjan, que l’extradition de Chaïg Garaïev depuis l’Azerbaïdjan vers l’Ouzbékistan constituerait une violation de la prohibition de la torture inscrite à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon la Cour, tout suspect de droit commun placé en garde à vue ou en détention en Ouzbékistan est exposé à un risque grave de torture ou de traitement inhumain ou dégradant, à la fois dans le but de lui soutirer des « aveux » et à titre punitif parce qu’il s’agit d’un criminel. La CEDH a rendu pas moins de 10 autres arrêts interdisant le renvoi de criminels présumés vers l’Ouzbékistan, invoquant le risque de torture.

En tant qu’État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, l’Ukraine ne doit pas renvoyer de force des réfugiés et des demandeurs d’asile vers un pays où ils risquent d’être condamnés à mort, torturés ou victimes d’autres graves atteintes aux droits humains. Enfin, les autorités ukrainiennes doivent veiller à ce que Rouslan Souleïmanov bénéficie d’une procédure de demande d’asile équitable, notamment d’un examen approfondi de son appel concernant sa demande d’asile.

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