Communiqué de presse

Ukraine. Les preuves d’une ingérence de la Russie et de crimes de guerre augmentent

Des milices ukrainiennes et des forces séparatistes se sont rendues responsables de crimes de guerre, a déclaré Amnesty International dimanche 7 septembre 2014. L’organisation a dévoilé des images satellite faisant état d’une présence croissante d’armements et d’artillerie russes dans l’est de l’Ukraine, accusant la Russie d’aggraver les crimes des séparatistes.

Alors que l’issue des pourparlers pour un cessez-le-feu demeure incertaine et la situation sur le terrain dangereuse, Amnesty International demande à toutes les parties, y compris la Russie, de cesser de violer les lois de la guerre.

« Toutes les parties au conflit se sont montrés indifférentes à l’égard de la vie des civils et négligent de manière flagrante leurs obligations internationales », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, qui doit se rendre à Kiev et à Moscou dans les prochains jours.

«  Il apparaît clairement sur ces images que la Russie entretient le conflit, aussi bien par son ingérence directe que par le soutien qu’elle accorde aux séparatistes dans l’est de l’Ukraine. La Russie doit faire cesser l’afflux constant d’armements et d’autres ressources vers une force d’insurrection qui est impliquée dans des violations flagrantes des droits humains. »

Les chercheurs d’Amnesty International dans l’est de l’Ukraine ont recueilli des informations sur des bombardements aveugles, des enlèvements, des cas de torture et des homicides.

Le Kremlin a nié maintes fois toute implication dans les combats en Ukraine. Cependant, les photos satellite et les témoignages rassemblés par l’organisation apportent des preuves que les combats ont évolué vers ce qu’Amnesty International qualifie maintenant de conflit armé international.

Les images montrent que l’artillerie a établi de nouvelles positions entre le 13 et le 29 août tout près de la frontière, à l’intérieur de l’Ukraine, et qu’elle se compose notamment selon toute apparence d’obusiers D-30 de 122-mm en position de tir et orientés vers l’ouest. À deux endroits on peut voir un véhicule d’appui et ce qui semble être des bunkers. Sur l’une des photos du 29 août, on voit six véhicules blindés amphibies (probablement des BRDM-2s).

On voit une autre position d’artillerie similaire dans un champ au nord-est de la première, également en territoire ukrainien. Les photos du 26 août 2014 montrent six obusiers relativement avancés (probablement des 2S19 Msta-S 152-mm) en position de tir, orientés vers le sud-ouest et des sites de l’armée ukrainienne.

Entre le 26 et le 29 août, les pièces ont été déplacées pour être orientées vers l’ouest, toujours à l’intérieur de l’Ukraine. Une photo datée du 29 août montre ce qui semble être plusieurs véhicules militaires dans la zone, le long d’une rangée d’arbres et dans un champ voisin.

« Ces images satellite, les informations sur la capture de soldats russes à l’intérieur de l’Ukraine et les témoignages selon lesquels des soldats et des véhicules militaires russes ont traversé la frontière ne laissent pas de place au doute : il s’agit désormais d’un conflit armé international  », a déclaré Salil Shetty.

Les chercheurs d’Amnesty International sur le terrain dans l’est de l’Ukraine ont interviewé des témoins qui fuyaient les combats près d’Altchevsk, Donetsk, Kramatorsk, Krasnyï Loutch, Lyssytchansk, Louhansk, Roubejnoïe, Pervomaïsk et Sloviansk. Ils se sont également entretenus avec des Ukrainiens qui s’étaient réfugiés dans la région de Rostov, en Russie.

Des civils de ces régions ont raconté à Amnesty International que leurs quartiers subissaient des bombardements soutenus de la part des forces gouvernementales ukrainiennes. Leurs témoignages laissaient entendre qu’il s’agissait d’attaques aveugles susceptibles de constituer des crimes de guerre. Des témoins ont également dit que des voisins avaient été enlevés, torturés et tués par des séparatistes.

Ainsi, des habitants de Sloviansk ont raconté à Amnesty International que des combattants séparatistes avaient enlevé un pasteur local, deux de ses fils et deux diacres et réclamé une rançon de 50 000 dollars pour leur libération. Lorsque les habitants ont réussi à collecter le montant de la rançon, ont raconté les témoins, les ravisseurs avaient tué tous les hommes.

Amnesty International a aussi reçu des informations dignes de foi sur des enlèvements et des tabassages dont se seraient rendus coupables des bataillons de volontaires agissant aux côtés des forces armées ukrainiennes régulières.

Ainsi, le 23 août, un agent de sécurité d’Oleksandrivka, dans la région de Louhansk, a été capturé par plusieurs dizaines d’hommes armés qui sont arrivés à bord de véhicules en arborant des drapeaux ukrainiens. Sur l’un d’eux, au moins, était marqué « Battalion Aidar » (une milice opérant dans la région de Louhansk). D’après les témoins, les ravisseurs ont accusé l’agent de collaboration avec les séparatistes, l’ont frappé à coups de crosse de fusil et l’ont placé en détention au secret jusqu’au 27 août, date à laquelle sa famille a appris qu’il était détenu dans une autre ville, au bureau des services de sécurité de l’État d’Ukraine.

Amnesty International demande aux autorités ukrainiennes d’ouvrir une enquête sur les allégations de violations graves du droit international humanitaire et de traduire en justice les responsables présumés de crimes de guerre. Des commandants et des dirigeants civils peuvent, eux aussi, être poursuivis pour crimes de guerre en tant que membres de la chaîne de commandement, s’il s’avère qu’ils savaient, ou auraient dû savoir que des crimes étaient commis et qu’ils n’ont rien fait pour les empêcher ou pour en punir les auteurs.

« Les civils en Ukraine méritent protection et justice », a déclaré Salil Shetty.

« En l’absence d’une enquête approfondie et indépendante, il y a un risque réel que les Ukrainiens gardent pendant plusieurs générations les cicatrices de cette guerre.  »

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