Un an après : les défaillances du pouvoir ont plongé le Soudan et le Soudan du Sud dans une crise des droits humains

Cela fait un an que le Soudan du Sud a obtenu son indépendance du Soudan voisin, mais tous ceux qui espéraient une séparation sans heurts sont aujourd’hui cruellement déçus.

La population s’est certes exprimée lors d’un scrutin considéré comme relativement libre et équitable, mais le processus de sécession ne s’est pas déroulé de manière régulière, loin s’en faut. Un certain nombre de problèmes sont restés sans solution, ce qui a déclenché une crise humanitaire et des droits humains.

Les défaillances du pouvoir politique à Djouba et à Khartoum ont laissé sans réponse plusieurs questions essentielles : le tracé de la frontière – et notamment le statut de la région frontalière contestée d’Abyei –, le partage des ressources pétrolières, la nationalité et la marginalisation de certains secteurs de la population dans chacun des pays.

Ces questions en suspens ont été à l’origine d’un regain de la tension et du conflit entre les deux pays.

Fuyant les combats entre l’armée régulière soudanaise et l’Armée populaire de libération du Soudan–Nord (APLS-N), des Soudanais continuent de passer la frontière pour se réfugier au Soudan du Sud.

Les bombardements aériens aveugles menés de manière incessante par le gouvernement soudanais ont contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir les États du Kordofan du Sud et du Nil Bleu (Soudan) pour trouver refuge dans des régions reculées du Soudan du Sud.

Mais loin de se trouver à l’abri de l’autre côté de la frontière, les réfugiés rencontrent au contraire d’autres problèmes d’insécurité. Ils doivent se débrouiller pour subsister en n’ayant qu’un accès restreint à la nourriture, à l’eau et à des abris ; faute d’une protection suffisante dans les camps, ils risquent en outre de subir de nouvelles violations de leurs droits fondamentaux.

Amnesty International s’est rendue dans les camps de réfugiés du Soudan du Sud lors d’une mission effectuée en mars et avril 2012. L’organisation a constaté avec préoccupation la pénurie de moyens disponibles. Les organisations humanitaires faisaient déjà part à cette époque de leur inquiétude à l’approche de la saison des pluies, qui allait débuter en mai.

Elles s’attendaient à des arrivées massives de réfugiés avant que les fortes précipitations ne rendent les routes impraticables, mais savaient aussi qu’elles ne pourraient, faute d’un accès sans entraves, apporter une aide digne de ce nom.

Plus de 60 000 personnes vivent aujourd’hui dans le seul camp de Yida (État de l’Unité), soit plus du double du chiffre enregistré au moment de la visite d’Amnesty International.

Un millier de personnes arrivent en moyenne chaque jour dans le Haut Nil. Il y a aujourd’hui plus de 169 000 réfugiés dans ces deux États.

Pendant ce temps le conflit se poursuit et les négociations relatives à l’acheminement d’une aide humanitaire d’urgence aux populations du Kordofan du Sud et du Nil Bleu sont dans l’impasse.

En mai 2012, le Conseil de sécurité de l’ONU a apporté son soutien à une initiative de l’Union africaine, de la Ligue arabe et des Nations unies en vue de permettre l’acheminement indépendant d’une aide humanitaire.

Le gouvernement du Soudan a officiellement accepté cette proposition à la fin du mois de juin, mais en posant des conditions restrictives telles qu’aucune aide indépendante ne peut dans les faits être fournie. L’acceptation est ainsi vidée de tout sens.

Le Conseil de sécurité doit demander au gouvernement soudanais d’autoriser les organisations humanitaires à se rendre immédiatement et sans entrave dans les deux États.

Il doit aussi ordonner une enquête exhaustive et indépendante sur les atteintes aux droits humains commises par toutes les parties, et étendre à l’ensemble du territoire soudanais l’embargo sur les armes qui concerne actuellement le Darfour.

Par ailleurs, plus de 100 000 personnes de la région d’Abyei sont toujours déplacées au Soudan du Sud et jugent dangereux de regagner leur foyer.

Le Soudan et le Soudan du Sud ne sont toujours pas parvenus à un accord sur le statut de cette région frontalière, qu’ils se disputent.

Des casques bleus sont présents depuis juillet 2011, mais aucune action de surveillance des droits humains n’a été véritablement mise en place pour l’instant et aucune enquête n’a été menée sur les événements de mai 2011 qui ont laissé Abyei totalement dévastée.

Le Soudan du Sud est par ailleurs confronté à un certain nombre de problèmes internes. Après des décennies de conflit, les armes légères sont partout dans le pays. Il y a aussi la présence déstabilisante de nombreux groupes d’opposition armés, dont certains seraient soutenus par le Soudan.

Les violences intercommunautaires au Soudan du Sud ont fait des centaines de morts parmi la population civile et contraint des milliers de personnes à quitter leur foyer.

Lorsque le pays a vu le jour, nous avons proposé un programme en matière de droits humains mettant en avant un certain nombre de questions importantes à prendre en compte par le nouveau gouvernement s’il voulait avoir une quelconque crédibilité. Ces questions restent malheureusement entières un an après.

Le plus jeune pays du monde a encore un long chemin à parcourir pour satisfaire à ses obligations en matière de droits humains, mais tant que les deux pays n’auront pas décidé conjointement de résoudre leurs différends, les populations du Soudan et du Soudan du Sud continueront de subir les conséquences d’une situation instable et violente à la frontière.

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