Communiqué de presse

Un chirurgien libyen doit répondre d’une accusation de privation de soins forgée de toutes pièces

Les autorités libyennes doivent réexaminer les charges retenues contre un neurochirurgien, accusé de privation de soins après le décès d’un combattant de l’opposition au colonel Kadhafi, a déclaré Amnesty International jeudi 7 juin, alors que devaient se tenir le lendemain des manifestations de soutien à ce professionnel de la santé en détention.

Hisham Anour Ben Khayal nie catégoriquement avoir privé délibérément Fathi Mohamed Abou Shanaf de soins médicaux. Cet homme est mort le 26 mai 2011 des suites d’une blessure par balle à la tête.

Hisham Anour Ben Khayal a été enlevé le 1er avril dans la capitale libyenne, Tripoli, par une milice comptant plusieurs proches de Fathi Mohamed Abou Shanaf. Le chirurgien est jugé à Al Zawiyah, ville où habitait le combattant décédé et où le ressentiment de la population à l’égard du chirurgien est très fort.

Des manifestations sont prévues vendredi 8 juin dans la ville de Darnah, en signe de solidarité avec Hisham Anour Ben Khayal, qui affirme avoir été torturé en détention par des miliciens.

« Nous assistons ici à un acte de revanche et non de justice. Une situation où des proches de la personne décédée décident du sort de l’auteur présumé des faits est extrêmement dangereuse, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Les autorités libyennes doivent veiller à ce qu’Hisham Anour Ben Khayal soit traité équitablement et à ce qu’une expertise médicale indépendante soit menée pour déterminer la cause du décès de Fathi Mohamed Abou Shanaf et pour établir les soins qu’il a reçus à l’hôpital.

Toutes les allégations de torture formulées par Hisham Anour Ben Khayal doivent aussi faire l’objet d’enquêtes sérieuses et, si elles sont fondées, donner droit à réparation. »

Fathi Mohamed Abou Shanaf est décédé après avoir été transféré à l’hôpital de Sbia, où Hisham Anour Ben Khayal dirigeait le service de neurochirurgie, environ 35 jours après avoir été blessé.

Hisham Anour Ben Khayal a déclaré devant le tribunal qu’il n’était même pas le médecin qui avait pris en charge Fathi Mohamed Abou Shanaf et que l’hôpital de Sbia avait opéré le patient à deux reprises pour tenter de le sauver.

Cependant, la milice – qui porte le nom du combattant décédé – accuse Hisham Anour Ben Khayal de privation de soins médicaux. Le chirurgien a soigné le colonel Kadhafi dans le passé et est considéré par certains Libyens comme un ennemi de la « Révolution du 17 février ».

Après avoir été capturé dans le centre de santé où il travaille à Tripoli, Hisham Anour Ben Khayal a été détenu sur la base de la milice, située à Al Zawiyah, à une quarantaine de kilomètres de la capitale libyenne. Il y a été maintenu au secret et a reçu des coups de fouet et de bâton.

Le frère du chirurgien, Ashraf Anour Ben Khayal, a fini par découvrir où il se trouvait le 3 avril et s’est rendu sur la base de la milice pour le voir. Il aurait alors été placé en détention et torturé.

Deux jours plus tard, la milice a remis le frère du chirurgien à la police judiciaire et au parquet, qui l’ont relâché.

Hisham Anour Ben Khayal a par la suite été transféré à la prison de Jedayem, située à proximité. Il a été inculpé d’infraction aux lois régissant la profession médicale.

Ses allégations de torture n’ont pas encore donné lieu à une enquête, malgré les photos venant les confirmer sérieusement, et il n’a pas subi d’examen médical.

Le dossier d’Hisham Anour Ben Khayal a été transféré à une instance pénale le 28 mai, au motif que les circonstances de la mort de Fathi Mohamed Abou Shanaf correspondraient à un meurtre, tel qu’il est défini dans le Code pénal, plutôt qu’à une privation de soins.

Lors d’une réunion organisée la semaine du 4 juin avec Amnesty International, le procureur général de Libye a qualifié d’« illégale » la décision de transférer le dossier à une instance pénale.

L’avocat d’Hisham Anour Ben Khayal, qui a formé un recours contre ce transfert, a également remis en cause la décision de juger cette affaire devant le tribunal d’Al Zawiyah étant donné que le crime présumé a eu lieu à Tripoli.

Amnesty International craint que la tenue du procès à Al Zawiyah, en présence de nombreux amis et proches de la personne décédée dans le tribunal comme à l’extérieur, n’ait un effet intimidant sur les juges et les témoins éventuels et ne compromette l’équité du procès.

« Ce procès a valeur de test pour le pouvoir judiciaire libyen, qui doit démontrer sa capacité à rendre justice et à demeurer indépendant et impartial malgré les pressions ou les manœuvres d’intimidation de l’opinion publique », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Mardi 5 juin, des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans la prison de Jedayem et ont demandé à rencontrer Hisham Anour Ben Khayal. Le directeur de la prison a refusé qu’ils s’entretiennent en privé avec le détenu, bien qu’ils aient obtenu une autorisation écrite du chef de la police judiciaire pour effectuer des visites en prison.

Complément d’information

Des poursuites judiciaires ont été engagées contre Hisham Anour Ben Khayal à la suite d’une plainte déposée par plusieurs médecins où ils soutenaient qu’il était partisan du colonel Kadhafi et avait effectué des actes allant à l’encontre de la « Révolution du 17 février ». Le frère d’Hisham Anour Ben Khayal a indiqué que le chirurgien avait soigné le colonel Kadhafi dans le passé, soulignant qu’il n’était pas en mesure de refuser. Mohamed Al Ziyadi, un collègue d’Hisham Anour Ben Khayal qui était de garde lorsque le patient a été admis, doit répondre d’accusations similaires.

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