L’urgence d’un embargo total sur les armes au Soudan du Sud

Le Conseil de sécurité de l’ONU doit donner suite sans délai aux recommandations de son panel d’experts et faire appliquer un embargo total sur les armes afin de stopper leur afflux au Soudan du Sud, a déclaré Amnesty International mardi 26 janvier 2016.

Depuis que le conflit a éclaté en décembre 2013, Amnesty International fait pression en faveur d’un embargo sur les armes, dans le but de mettre un terme aux graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Les combats se traduisent par des dizaines de milliers de morts parmi la population civile, et des centaines de milliers de personnes déplacées.

« L’accord de paix signé en 2015 n’a pas suffi pour mettre fin aux atrocités commises dans le cadre du conflit interne qui sévit au Soudan du Sud et pour amener les responsables à rendre des comptes. La communauté internationale devrait pouvoir aisément suspendre les transferts d’armes à destination de pays où elles servent couramment à commettre des crimes de guerre et à perpétuer des violations systématiques des droits humains, a déclaré Muthoni Wanyeki, directeur pour la région Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.

« L’embargo sur les armes doit être considéré comme une mesure préventive et non punitive, et constituer une première étape en vue de consolider un respect durable envers les droits fondamentaux. Aucun pays ne doit transférer des armes aux belligérants au Soudan du Sud, en l’absence de garanties claires et applicables sur le fait que ces armes ne serviront pas à commettre ni faciliter des violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. »

Le groupe d’experts de l’ONU a conclu : « Les deux camps cherchent toujours à se procurer des armes, même après la signature de l’accord de paix en août [2015] et malgré des tensions économiques considérables. L’afflux continu d’armes a des conséquences terribles pour les civils et pour la situation générale du pays en termes de sécurité… »

Aussi le groupe d’experts préconise-t-il un embargo total sur la livraison, la vente, le transfert ou le transbordement d’armes, de munitions, de véhicules militaires et de toute autre forme d’assistance militaire, notamment d’assistance technique et financière, de maintenance des équipements et de formation, à destination du Soudan du Sud.

Parmi les pays cités dans le rapport comme ayant facilité les transferts d’armes à destination du Soudan du Sud figure l’Ukraine, qui a transféré des hélicoptères et des mitrailleuses, et a fourni une aide logistique militaire. Des sources indépendantes ont déclaré au panel d’experts qu’il existe un « accord tacite permanent » selon lequel l’Ouganda joue le rôle d’intermédiaire régional pour les transferts d’armes et de munitions. Les fusils d’assaut israéliens Micro Galil retrouvés dans l’État du Haut-Nil, par exemple, ont au départ été exportés par Israël vers l’Ouganda en 2007, avant d’être revendus au Service de la sûreté nationale du Soudan du Sud en 2014. D’après le rapport, le gouvernement soudanais sert de « fournisseur par défaut d’armes à l’opposition » au Soudan du Sud, même si les forces de l’opposition utilisent également des munitions provenant de Chine et de l’ex-Union soviétique.

En juillet 2014, Amnesty International a révélé que China North Industries Corporation (NORINCO), fabricant appartenant à l’État chinois, avait livré plus de 1 000 tonnes d’armes légères et de petit calibre au gouvernement du Soudan du Sud. En raison du tollé international, le gouvernement chinois a par la suite annulé d’autres transferts d’armes en septembre 2014.

Saluant la préconisation du groupe d’experts de l’ONU en faveur d’un embargo sur les armes, Amnesty International a ajouté qu’il devait inclure toutes les exportations indirectes via des pays tiers, le transfert de composants militaires et de technologies à double usage, et toutes les activités de courtage, financières et logistiques facilitant les transferts d’armes.

Complément d’information

Amnesty International avait demandé au Conseil de sécurité en mai 2007 de durcir les dispositions de l’embargo de l’ONU sur les armes à destination du Soudan en élargissant son application à tout le territoire du Soudan, y compris au Soudan du Sud (avant qu’il n’obtienne son indépendance en 2011). Depuis que le conflit a éclaté en décembre 2013 entre les forces fidèles au président sud-soudanais Salva Kiir et les forces fidèles au leader de l’opposition Riek Machar, Amnesty International et d’autres associations ont recensé et divulgué des éléments attestant de crimes de guerre et d’autres violations graves perpétrés par les deux camps. Dans un rapport publié en octobre 2015, l’Union africaine (UA) a condamné les homicides, la torture, les mutilations et les viols commis contre les civils – ainsi que le cannibalisme forcé.

Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et détruit des villes entières. Environ 1,6 million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et 600 000 autres ont fui vers les États voisins. Quelque 3,9 millions de personnes sont confrontées à l’insécurité alimentaire, et les Nations unies lancent régulièrement des alertes à propos de l’aggravation de la crise humanitaire et du risque de famine en cas de poursuite des combats.

Malgré les cessez-le-feu instaurés dans les années qui ont suivi le début du conflit, qui ont abouti à un accord de paix plus élaboré signé en août 2015, le droit international humanitaire et relatif aux droits humains continue d’être piétiné et l’obligation de rendre des comptes pour les violations commises dans le cadre du conflit n’est pas mise en œuvre. Le processus visant à instaurer un gouvernement de transition d’unité nationale, envisagé dans l’accord de paix, est au point mort.

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