Communiqué de presse

Un Libyen ayant pris part à une manifestation à Londres encourt la réclusion à perpétuité

Les autorités libyennes doivent immédiatement abandonner les poursuites engagées contre un homme ayant participé à une manifestation contre l’intervention militaire en Libye organisée à Londres le 28 juin 2011, car elles portent atteinte à ses droits à la liberté d’expression et de réunion.

Mercredi 11 septembre, Moad al Hnesh, ingénieur libyen de 34 ans, comparaîtra devant le tribunal pénal de Zawiya pour crimes contre l’État, en raison de ses activités au Royaume-Uni pendant le conflit libyen de 2011. S’il est déclaré coupable, il encourt la réclusion à perpétuité.

« Qu’un jeune homme risque de passer le reste de sa vie en prison pour avoir exprimé des opinions politiques que les autorités considèrent comme inadmissibles amène à se demander si la Libye a changé depuis l’ère Kadhafi », a souligné Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Il y a deux ans, la Libye a adopté une déclaration constitutionnelle garantissant la liberté d’expression. Mais au lieu d’abroger la législation draconienne qu’invoquait l’ancien régime pour emprisonner les opposants au colonel Kadhafi, les nouvelles autorités font une utilisation abusive de ces mêmes lois afin d’étouffer la contestation. »

« Exprimer des opinions politiques, même si elles choquent ou sont à contre-courant, est un droit humain fondamental qui ne devrait pas dépendre de qui est au pouvoir. »

Moad al Hnesh a été accusé de publication de fausses informations sur la situation interne en Libye et de participation à des manifestations pro-Kadhafi à Londres, en vertu de l’article 178 du Code pénal, qui érige en infraction les activités de tout Libyen résidant à l’étranger qui sont contraires aux intérêts de l’État, et prévoit la réclusion à perpétuité comme sanction. Il encourt une condamnation à 15 années de prison supplémentaires au titre de l’article 195, pour « insultes publiques au peuple libyen », après avoir qualifié les « révolutionnaires » libyens de « rats ». Amnesty International demande que les charges retenues contre cet homme soient abandonnées.

Il est également accusé d’avoir « empêché d’autres personnes d’exercer leurs droits politiques ainsi qu’elles le souhaitaient », pour avoir menacé d’autres étudiants libyens au Royaume-Uni, opposants au colonel Kadhafi, en leur promettant la prison à leur retour en Libye. Amnesty International estime qu’il est essentiel que son droit à un procès équitable soit scrupuleusement respecté, afin d’éviter tout soupçon de parti-pris politique.

De 2010 à 2012, Moad al Hnesh a étudié le génie mécanique à l’université de Coventry grâce à une bourse du gouvernement libyen. Il a déclaré à Amnesty International avoir participé à une manifestation de la coalition Stop the War devant la Chambre des communes à Londres, durant laquelle il a été photographié avec entre les mains la photo d’une victime présumée d’un bombardement de l’OTAN.

Une fois revenu en Libye, il a été arrêté par une milice de Zawiya le 3 avril 2012 après qu’un groupe d’étudiants libyens qui l’avaient rencontré à l’université de Coventry aient porté plainte contre lui auprès du Conseil militaire de Zawiya.

Le procès de Moad al Hnesh s’est ouvert le 30 mai 2012. Jusqu’à présent, toutes les audiences se sont achevées sur un ajournement. Il est incarcéré à la prison de Jedayem, située sous la prison du ministère de la Justice, près de Zawiya.

Ces derniers mois, les autorités judiciaires ont recouru aux lois de l’ère Kadhafi pour réprimer la liberté d’expression dans des affaires sensibles sur le plan politique.

Plusieurs articles du nouveau Code pénal libyen continuent par ailleurs à criminaliser l’exercice pacifique des droits à la liberté d’expression et de réunion.

« Le gouvernement libyen doit immédiatement modifier ou abroger l’ensemble des lois limitant de manière arbitraire la liberté d’expression. Il doit démontrer qu’il a rompu avec la répression et l’impunité du passé, et qu’il est déterminé à respecter les droits humains », a poursuivi Hadj Sahraoui.

Complément d’information

L’article 178 sur les « activités de tout Libyen résidant à l’étranger qui sont contraires aux intérêts de l’État » prévoit la réclusion à perpétuité pour la dissémination d’informations sur la situation interne de la Libye dont il est considéré qu’elles « tarnissent la réputation [du pays] ou affaiblissent la confiance des pays étrangers à son égard ». L’article 195, portant sur les « outrages aux autorités constitutionnelles et populaires » prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison pour les insultes visant, entre autres, « le guide de la révolution du Fateh », les instances judiciaires et les organes de sécurité, ou les « insultes publiques au peuple arabe libyen ».

L’article 195 du Code pénal a également été invoqué cette année afin de poursuivre Amara al Khattabi, le rédacteur en chef du journal al Umma. Il a publié une liste de 84 juges qu’il accuse de corruption.

Son avocat a déposé un recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, car il affirme que l’article en vertu duquel Amara al Khattabi est poursuivi est anticonstitutionnel. Il contredit selon lui l’article 14 de la Déclaration constitutionnelle, qui garantit la liberté d’expression. La Cour suprême ne s’est pas encore prononcée.

Amara al Khattabi s’est récemment rendu à l’étranger pour recevoir des soins médicaux après avoir été libéré sous caution, une fois levée son interdiction de voyager.

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