Un politicien d’opposition emprisonné au Rwanda pour avoir exercé ses droits


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

11 février 2011

Amnesty International demande la libération inconditionnelle de Bernard Ntaganda, dirigeant de l’opposition rwandaise, emprisonné vendredi 11 février 2011 sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques.

Bernard Ntaganda, président du Parti social ideal (PS-Imberakuri), a été condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement après avoir été déclaré coupable d’atteintes à la sécurité du pays, de « divisionnisme » – pour avoir prononcé en public des discours critiquant la politique du gouvernement en amont des élections de l’an dernier –, et de tentative d’organisation d’une manifestation « non autorisée ».

Il a été arrêté à l’aube le 24 juin 2010 – premier jour de la période d’enregistrement des candidats à l’élection présidentielle – et placé en détention provisoire.

Les restrictions pesant sur la liberté d’association et d’expression ont empêché les nouveaux partis d’opposition de participer à l’élection présidentielle d’août 2010.

Les poursuites engagées contre Bernard Ntaganda pour atteintes à la sécurité nationale et pour « divisionnisme » s’appuyaient uniquement sur ses discours critiquant certaines politiques du gouvernement.

Le procureur avait requis une condamnation à 10 ans de prison pour ces deux charges et avancé que « donner une image négative des autorités du pays » pourrait pousser la population à se révolter et donner lieu à des troubles.


« La décision rendue vendredi 11 février incrimine encore une fois la contestation pacifique »
, a déclaré le directeur du programme Afrique d’Amnesty International, Erwin van der Borght.

« La tendance de plus en plus marquée au Rwanda consistant à déclarer des personnes coupables d’atteintes à la sécurité nationale parce qu’elles ont critiqué les politiques gouvernementales est très inquiétante et contraire aux obligations du pays au titre du droit international relatif aux droits humains ».

La semaine du 31 janvier, deux journalistes rwandaises, Agnès Uwimana et Saidati Mukakibibi, ont été déclarées coupables d’atteintes à la sécurité de l’État pour avoir écrit des articles d’opinion, publiés avant l’élection de 2010, critiquant les politiques gouvernementales. Elles ont respectivement été condamnées à 17 et sept ans de prison.

Des lois vagues à la portée considérable sur le « divisionnisme » et l’« idéologie du génocide » ont été adoptées au Rwanda au cours de la décennie suivant le génocide de 1994.

Quelque 800 000 Rwandais ont péri lors du génocide, pour la plupart des Tutsis, mais aussi des Hutus opposés à ce massacre organisé.

Ces lois interdisent les discours de haine, mais elles sont rédigées en termes flous et érigent ainsi en infraction des propos qui ne s’apparentent pas à un discours de haine, y compris des critiques légitimes à l’égard du gouvernement.

Le gouvernement rwandais s’est engagé en avril 2010 à réviser la loi sur l’« idéologie du génocide », mais on ignore si la loi sur le « divisionnisme » sera elle aussi révisée.

Alice Muhirwa, Martin Ntavuka et Sylvain Sibomana des Forces Démocratiques Unifiées du Rwanda - Inkingi (FDU- Inkingi) ont été reconnus coupables de collusion en vue de participer à une manifestation non autorisée le 24 juin 2010. Ils ont été condamnés à payer une amende de 100 000 francs rwandais.

Le parquet avait requis une peine de deux mois de prison.

Jean-Baptiste Icyitonderwa du PS-Imberakuri a été acquitté de collusion en vue de participer à cette même manifestation non autorisée.

Théobald Mutarambirwa du PS-Imberakuri et Théoneste Sibomana des FDU-Inkingi, accusés de la même chose, ont été jugés séparément.

Ces politiciens de l’opposition ont été arrêtés le 24 juin 2010.

Des membres des FDU-Inkingi ont été arrêtés près du ministère de la Justice, à Kigali, la capitale, où ils s’étaient réunis pour solliciter l’enregistrement de leur parti.

Plusieurs membres du PS-Imberakuri ont été appréhendés devant l’ambassade des États-Unis, où ils s’étaient rendus pour obtenir de l’aide à la suite de l’arrestation de Bernard Ntaganda.

Bien que ces membres de l’opposition aient été reconnus coupables de collusion en vue de participer à des manifestations non autorisées, Amnesty International n’a trouvé aucun élément attestant qu’ils aient recouru, ni eu l’intention de recourir, à la violence.

Le gouvernement n’a donné aucune explication légitime concernant l’interdiction de la manifestation.

Bernard Ntaganda avait demandé l’autorisation d’organiser la manifestation.

Le parquet a déclaré que les autorités avaient essayé de le prévenir que la manifestation était interdite la veille de la date prévue pour son déroulement.

Sa défense a cependant déclaré que les manifestants n’étaient pas au courant de cette décision.

Les personnes arrêtées ont plus tard été libérées sous caution, après avoir passé plusieurs jours en garde à vue et avoir semble-t-il été soumises à des mauvais traitements ; elles auraient ainsi été battues et menottées les unes aux autres, même lorsqu’elles allaient aux toilettes.


« Au lieu d’incarcérer des personnes pour l’organisation d’une manifestation, le gouvernement aurait dû prendre des mesures afin de permettre la tenue de manifestations pacifiques avant les élections »,
a ajouté Erwin van der Borght.

Contexte

Les restrictions pesant sur la liberté d’association ont empêché les nouveaux partis d’opposition de participer aux élections, que le président Kagame a remportées avec 93 % des voix.

Le PS-Imberakuri était parvenu à se faire enregistrer, mais a par la suite été infiltré par des dissidents qui ont décidé de ne pas présenter de candidat.

Bernard Ntaganda a été convoqué devant le Sénat rwandais fin 2009 pour répondre d’accusations d’« idéologie du génocide ». La commission politique du Sénat a considéré, en avril 2010, que les accusations étaient fondées.

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