Communiqué de presse

Un tribunal guatémaltèque déclare des paramilitaires coupables d’un massacre datant de 1982

Cinq hommes ont chacun été condamnés à près de 8 000 ans en prison pour leur rôle dans le massacre de villageois indigènes en 1982, à l’issue d’un procès décrit par Amnesty International comme une victoire pour les victimes.

Ces hommes faisaient partie d’une patrouille civile entraînée par l’armée, qui a rassemblé et tué 268 villageois issus du peuple maya-achí à Plan de Sánchez, près du bourg de Rabinal – à 100 km au nord de la capitale – en juillet 1982.

Ce jugement, prononcé par un tribunal pénal de Guatemala, est la dernière en date d’une série de décisions de justice en relation avec les dizaines de massacres et autres crimes contre l’humanité ayant visé des villages indigènes et ruraux au cours du conflit armé qu’a connu le pays pendant 36 ans.

« Lentement, mais sûrement, la justice commence à triompher face à ces terribles crimes, qui pèsent sur la société guatémaltèque depuis trois décennies », a déclaré Sebastian Elgueta, spécialiste de l’Amérique centrale à Amnesty International.

« Chaque nouvelle décision de justice réduit l’impunité enracinée dans ce pays depuis longtemps, et les autorités doivent continuer à faire en sorte que les milliers de victimes et leurs familles puissent recevoir l’aide de la justice et des réparations complètes, mais aussi connaître la vérité sur ce qui s’est passé. »

Les hommes reconnus coupables de ces faits – Eusebio Grace, Julián et Mario Acoj, Santos Rosales et Lucas Tecú – sont condamnés à 7 710 ans de prison chacun pour le rôle qu’ils ont joué dans l’attaque menée contre Plan de Sánchez.

À l’époque, les cinq hommes étaient membres des Patrouilles d’autodéfense civile, des groupes paramilitaires créés par les forces armées guatémaltèques pour effectuer certaines tâches dans le cadre de ce que les autorités nommaient la politique militaire de la « terre brûlée ».

Des rescapés de l’attaque lancée contre Plan de Sánchez – l’une des plus sanglantes du conflit – ont déclaré au tribunal que ces hommes avaient violé et torturé des dizaines de villageois avant de les tuer.

Le 18 juillet 1982, au petit matin, deux grenades ont été tirées au mortier sur Plan de Sánchez à l’heure où les paysans partaient pour le marché de Rabinal. L’après-midi, une soixantaine de personnes en uniformes militaires, brandissant des fusils d’assaut, ont fait irruption dans le village et ont commencé à rassembler ses habitants, des indigènes de l’ethnie maya-achí.

Une vingtaine de jeunes filles âgées de 12 à 20 ans ont été emmenées dans une maison, où elles ont été brutalisées, violées et assassinées. D’autres enfants ont été battus à mort, tandis que des adultes ont été enfermés dans une maison puis soumis par les soldats à des tirs sans discrimination et à des attaques à la grenade à main.

Des villageois ont été enfermés dans des huttes de paille qui ont été aspergées de gazoline et incendiées. Leurs dépouilles ont plus tard été jetées dans des charniers.

Outre les peines de prison – dont la durée est symbolique, afin de rappeler l’horreur des crimes contre l’humanité ayant été commis –, le tribunal a ordonné aux ministères de l’Éducation et de la Culture de commander des documentaires rendant hommage aux victimes.

D’anciens hauts gradés, dont le chef d’État de facto à l’époque du massacre, le général à la retraite José Efraín Ríos Montt, doivent actuellement répondre d’accusations de génocide.

Le 30e anniversaire du coup d’État à la faveur duquel José Efraín Ríos Montt s’est trouvé aux commandes du pays aura lieu vendredi 23 mars. L’ancien général est resté au pouvoir jusqu’en août 1983, lorsqu’il a lui-même été renversé par un coup d’État. La moitié des violations des droits humains recensées dans le cadre du conflit armé guatémaltèque ont été perpétrées ces années-là.

Une commission Vérité soutenue par les Nations unies a établi, dans un rapport paru en 1999, qu’au cours du conflit interne guatémaltèque, long de 36 ans, quelque 200 000 personnes ont été tuées ou ont « disparu », et que les forces de sécurité ont commis plus de 600 massacres, prenant principalement pour cible les populations indigènes et rurales.

Amnesty International continue à demander la fin de l’impunité pour tous les responsables présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis pendant cette période

« Nous continuons à demander aux autorités guatémaltèques d’enquêter, et d’amener les responsables, à tous les niveaux de la chaîne de commandement, à rendre des comptes pour le rôle qu’ils ont joué dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés pendant la guerre civile guatémaltèque », a indiqué Sebastian Elgueta.


« La justice, la vérité et les réparations sont essentielles, afin de faire passer le message que des violations des droits humains aussi systématiques ne doivent plus jamais se reproduire. »

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