UNION AFRICAINE : Entrée en vigueur du Protocole relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : un grand pas en avant

Index AI : AFR 01/004/2004
ÉFAI

Jeudi 22 janvier 2004

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International se félicite de l’entrée en vigueur du Protocole à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à la création
d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommé
le Protocole), à la suite de sa ratification par un 15e État, l’Union des
Comores, le 26 décembre 2003.

Aux termes de la disposition de l’article 34-3 : « Le présent Protocole
entre en vigueur trente (30) jours après le dépôt de quinze instruments de
ratification ou d’adhésion. » La ratification par les Comores a ainsi permis
l’entrée en application du Protocole le 25 janvier 2004 et la création de la
Cour. Les autres États ayant ratifié le Protocole sont : l’Afrique du Sud,
l’Algérie, le Burkina Faso, le Burundi, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le
Lésotho, la Libye, le Mali, Maurice, l’Ouganda le Rwanda, le Sénégal et le
Togo.

Une fois mise sur pied, la Cour examinera les affaires de violations des
droits humains qui lui sont renvoyées par la Commission africaine des droits
de l’homme et des peuples (la Commission africaine) instituée en vertu de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine),
par les États parties au Protocole et, si l’État partie intéressé accepte
cette compétence, par des particuliers et des organisations non
gouvernementales (ONG). À la différence de la Commission africaine, la Cour
africaine est habilitée à rendre des décisions obligatoires et exécutoires
concernant les affaires qui lui sont soumises.

Prélude très positif, l’entrée en application du Protocole met en évidence
la volonté des gouvernements africains de donner effet à l’esprit et à la
lettre de la Charte africaine et de garantir la protection des droits
humains en Afrique. Tout en apportant une contribution essentielle aux
initiatives visant à renforcer le dispositif régional relatif aux droits
humains, la formation d’une Cour africaine indépendante, performante et
efficace pourrait porter un véritable changement sur tout le continent. De
surcroît, la Cour constituerait un tremplin d’intégration des principes du
droit international au niveau régional. Servant d’orientation aux tribunaux
nationaux, ses décisions feraient jurisprudence. Les victimes d’atteintes
aux droits humains ou leurs représentants pourraient ainsi avoir recours à
une institution robuste, à même de tenir les États parties pour responsables
de leurs obligations au titre de la Charte africaine et du Protocole.

Le Protocole ayant pris effet, la prochaine étape déterminante consiste à
présenter et élire les juges, et à former une Cour pleinement
opérationnelle. Amnesty International invite les États qui présentent des
candidats au poste de juge à veiller à ce que ceux-ci comptent parmi les
plus qualifiés et remplissent les critères définis par le Protocole, en
particulier la compétence, l’indépendance et l’impartialité au niveau
individuel, ainsi que la « représentation adéquate des deux sexes ». Les
États parties doivent opérer dans la transparence, notamment en consultant
la société civile. De même, la rédaction des règles de procédure de la Cour
par les juges doit s’avérer transparente et ouverte à la participation de la
société civile. Dans le cadre de la mise en place de la Cour, il importe de
consulter les ONG compétentes sur ces questions et toute autre facette
relative à son fonctionnement. Amnesty International demande en outre que :

 les gouvernements africains qui ne l’ont pas encore fait ratifient le
Protocole sans plus tarder. D’autre part, tous les États - y compris ceux
qui l’ont déjà ratifié - doivent faire des déclarations autorisant les
particuliers et les ONG à introduire directement une requête auprès de la
Cour.

 les gouvernements africains modifient leur législation et leur pratique,
afin de veiller à ce qu’elles respectent dans leur intégralité le Protocole
et la Charte africaine.

 les gouvernements africains fassent en sorte que la Cour puisse
fonctionner de manière indépendante, impartiale et efficace, et développer
sa propre jurisprudence. Ils doivent coopérer pleinement avec la Cour,
notamment en accordant la priorité à l’exécution de ses décisions et arrêts
dans les meilleurs délais.

 les gouvernements africains veillent à ce que toute partie à une affaire
ait la possibilité d’être entendue et représentée par le conseil juridique
de son choix. En outre, les parties et les témoins appelés à comparaître
devant la Cour doivent jouir d’une protection et ne pas être en butte à des
représailles.

 les gouvernements africains fournissent les ressources essentielles et
financent la Cour une fois créée. Ils doivent également allouer les
ressources adéquates à la Commission africaine et veiller à instaurer un
cadre pratique permettant véritablement à la Cour et à la Commission de
nouer une relation constructive et complémentaire.

 les gouvernements africains prennent en compte d’autres critères d’ordre
pratique afin de mettre en place une Cour performante et efficace, notamment
en veillant à ce qu’elle se situe dans un lieu à même de satisfaire ses
besoins en termes de fonctionnement et d’infrastructure.

Complément d’information

Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples a été adopté en juin 1998 par l’Assemblée des Chefs d’États et de
gouvernements de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), devenue l’Union
africaine, lors de sa 34e session ordinaire, qui s’est tenue à Ouagadougou,
au Burkina Faso. La Cour africaine a pour fonction principale d’examiner les
allégations d’atteintes aux droits humains, y compris aux droits civils,
politiques, économiques, sociaux et culturels garantis au titre de la Charte
africaine, du Protocole et de tout instrument relatif aux droits humains
applicable. Seules les entités suivantes sont habilitées à saisir
directement la Cour : la Commission africaine, l’État partie qui a déposé
plainte auprès de la Commission africaine, l’État partie contre lequel une
plainte a été introduite, l’État partie dont le ressortissant est victime
d’une violation des droits humains et les organisations
intergouvernementales africaines. Les particuliers et les ONG peuvent
introduire des requêtes directement devant la Cour, à condition que l’État
ayant ratifié le Protocole fasse aussi une déclaration acceptant la
compétence de la Cour pour recevoir ces requêtes.

La Cour africaine œuvrera parallèlement à la Commission africaine, sans s’y
substituer. En effet, comme le pose clairement le Préambule au Protocole, « 
la réalisation des objectifs de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples nécessite la création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples pour compléter et renforcer la mission de la Commission
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ».

Entrée en vigueur le 21 octobre 1986, la Charte africaine a été ratifiée par
tous les États membres de Union africaine (anciennement OUA). Le seul organe
créé en vertu de cette Charte afin de veiller à sa mise en œuvre par les
États parties est la Commission africaine. Si celle-ci jouit d’un mandat
poussé en matière de promotion au titre de la Charte africaine, elle n’est
pas dotée de pouvoirs suffisants en matière de protection. Dans les faits,
ni la Charte ni la Commission ne prévoient de recours exécutoires, pas plus
qu’un mécanisme chargé d’encourager l’exécution par les États des décisions
de la Commission et d’en assurer le suivi. Si le dispositif de la Commission
chargé d’examiner les plaintes des particuliers a connu des améliorations,
les décisions qu’il rend n’ont pas force exécutoire et retiennent encore
bien peu l’attention des gouvernements et des États membres. Depuis des
années, Amnesty International fait campagne en faveur de la ratification du
Protocole. Elle est convaincue que son entrée en vigueur constitue un grand
pas en avant en matière de protection des droits humains sur le continent.
L’organisation de défense des droits humains continuera à prôner la
ratification de ce Protocole par tous les États de la région et la mise en
place d’une Cour africaine véritablement performante et efficace. Les
résultats de la Cour dépendant dans une large mesure de l’efficacité de la
Commission africaine en termes de fonctionnement, Amnesty International
persistera également à solliciter le renforcement de la Commission.

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