UNION AFRICAINE : L’établissement d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples indépendante et efficace doit constituer une priorité absolue

Index AI : IOR 30/002/2005
ÉFAI

Vendredi 28 janvier 2005

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International demande à l’Union africaine de réviser le projet de
protocole relatif à la fusion de la Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples avec la Cour de justice de l’Union africaine (UA).

Alors que les dirigeants africains se retrouvent à Abuja, au Nigeria, à
l’occasion de la 4ème session ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine,
Amnesty International demande à l’Assemblée et au Conseil exécutif de l’UA
de réaffirmer et renforcer leur engagement de créer une Cour africaine des
droits de l’homme et des peuples efficace.

Lors de sa 2ème session ordinaire à Maputo, en juillet 2003, l’Assemblée de
l’UA avait décidé que la Cour africaine des droits de l’homme devait rester
une institution distincte et séparée de la Cour de justice de l’UA.
Cependant, lors de sa 3ème session ordinaire en juillet 2004 à Addis-Abeba,
l’Assemblée est revenue sur ce choix, en décidant que la Cour africaine des
droits de l’homme et des peuples formerait une seule instance avec la Cour
de justice. Cette décision a débouché sur un projet de protocole fusionnant
les deux instances.

Amnesty craint que ce nouveau protocole ne parvienne pas à clarifier le
point suivant : la Cour africaine des droits de l’homme disposera-t-elle
toujours d’un mandat complet pour prononcer des réparations efficaces contre
les violations des droits humains définis par la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples ? En outre, ce protocole risque d’être utilisé
pour retarder encore la création de la Cour.

Selon ce protocole, dans le cas d’une contradiction entre le protocole
relatif à la Cour africaine des droits de l’homme et le protocole de la Cour
de justice de l’UA, ce dernier prévaudra. Cette disposition risque d’être
interprétée à l’avenir pour restreindre ou saper l’autorité et les principes
de la Cour africaine des droits de l’homme, ainsi que ceux de la Charte
africaine.

En outre, le projet de protocole prévoit qu’un juge de la Cour africaine des
droits de l’homme doit posséder les qualifications pratiques, juridiques ou
universitaires nécessaires dans son pays pour être nommé aux plus hauts
postes judiciaires, ou que ce juge doit être un juriste de compétence
reconnue dans le domaine du droit relatif aux droits humains. Cette
disposition, avec l’utilisation du terme « ou », laisse à penser que la
compétence dans le domaine des droits humains pourrait être optionnelle pour
un juge.

Amnesty International constate également avec inquiétude que ce protocole
semble affaiblir plutôt que consolider l’indépendance de la Cour africaine
des droits de l’homme, en stipulant qu’une recommandation faite par la Cour
visant à suspendre ou révoquer un juge prendra effet à sa validation par
l’Assemblée de l’UA. Selon ce protocole relatif à la Cour africaine des
droits de l’homme, la Cour serait habilitée à prendre ce genre de décision,
sauf en cas de désaccord avec l’Assemblée de l’UA.

Amnesty International demande à l’Assemblée et au Conseil exécutif de l’UA
de réviser le projet de protocole pour faire en sorte que ne soient pas
remis en cause les principes fondamentaux ayant nécessité l’adoption de la
Charte africaine et du protocole relatif à la Cour africaine des droits de
l’homme. Cette révision du protocole doit permettre une pleine participation
des organisations issues de la société civile, notamment les organisations
non gouvernementales de défense des droits humains. Cette consultation est
essentielle pour la création d’une Cour africaine des droits de l’homme
puissante et efficace, capable de demander des comptes aux États parties sur
leurs obligations définies par la Charte africaine.

Au moment où les droits humains sont grandement maltraités dans la région,
une Cour africaine des droits de l’homme indépendante et efficace
constituerait un mécanisme essentiel pour améliorer la protection des droits
humains à l’échelle nationale et régionale. Les gouvernements africains
doivent désormais respecter leurs engagements en s’abstenant de retarder ou
de remettre en cause la création d’une Cour africaine des droits de l’homme
indépendante et efficace.

Si le projet de protocole était adopté sous sa forme actuelle sans les
consultations nécessaires, il pourrait être critiqué pour son manque de
transparence dans la création d’une Cour africaine des droits de l’homme.

Amnesty International se félicite de la décision prise en novembre 2004 par
la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, lors de sa
36ème session ordinaire à Dakar : cette commission souhaitait mandater son
bureau pour rencontrer le président de l’UA et le président de la Commission
de l’UA, afin d’attirer leur attention sur la nécessité de réviser la
décision prise par l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernements de l’UA
concernant la fusion de la Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples avec la Cour de justice africaine, à la lumière des conséquences
juridiques et pratiques qu’entraînerait cette fusion sur la création
effective de la Cour africaine des droits de l’homme.

Amnesty International renouvelle sa demande aux États membres de l’UA qui ne
l’ont pas encore fait de ratifier sans délai le protocole établissant la
Cour africaine des droits de l’homme. En outre, tous les États membres de
l’UA, notamment ceux qui ont déjà ratifié le protocole, doivent reconnaître
officiellement le droit des personnes et des ONG à avoir accès à la Cour
africaine des droits de l’homme.

Contexte

L’UA a été créée le 11 juillet 2000 à Lomé, au Togo, après l’adoption de son
acte constitutif. L’UA succède à la défunte Organisation de l’unité
africaine (OUA), qui existait depuis 1963.

L’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’UA est l’organe
décisionnel suprême de l’Union. Cette assemblée détermine les politiques
communes de l’UA, surveille la mise en œuvre de ces politiques et s’assure
de leur respect par tous les États membres de l’UA. Avant les sessions de
l’Assemblée, le Conseil exécutif de l’UA se réunit au niveau ministériel
pour préparer les décisions qui seront prises par l’Assemblée.

En juin 1998, l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA avait
adopté le protocole établissant la Cour africaine des droits de l’homme. Ce
protocole est entré en vigueur en janvier 2004, après sa ratification par 15
États. Actuellement, 19 États membres de l’UA l’ont ratifié. Aux termes de
ce protocole, l’Assemblée de l’UA décidera - entre autres - du siège de la
Cour et élira ses juges, afin de rendre la Cour opérationnelle.

La Cour de justice de l’UA a été établie par l’Acte constitutif de l’Union ;
son statut, sa composition et ses fonctions sont définis par le protocole de
la Cour de justice de l’UA. Actuellement, seuls cinq États membres ont
ratifié ce protocole, alors qu’il faut un total de 15 ratifications pour
qu’il entre en vigueur.

La Cour de justice de l’UA est compétente pour résoudre les différends
opposant les États membres qui ont ratifié le protocole relatif à la Cour de
justice, mais la Cour africaine des droits de l’homme peut traiter des
affaires concernant les violations des droits civils et politiques,
économiques, sociaux et culturels garantis par la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples, et autres instruments pertinents relatifs
aux droits humains.

Le projet de protocole relatif à la fusion de la Cour africaine des droits
de l’homme avec la Cour de justice de l’UA, achevé dans le courant du mois
de janvier, a été transmis au Conseil exécutif de l’UA pour étude puis
approbation par l’Assemblée de l’UA.

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