URUGUAY : Élargir l’impunité serait inacceptable

Index AI : AMR 52/002/2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a suivi avec inquiétude les événements des derniers jours en ce qui concerne l’impunité dont bénéficient les auteurs des graves violations des droits humains commises sous le régime militaire uruguayen.

L’organisation a reçu des informations préoccupantes selon lesquelles le gouvernement aurait l’intention d’élargir aux civils l’amnistie accordée par Loi de prescription aux policiers et aux militaires responsables de ces violations. Selon ces mêmes informations, des personnes chercheraient à utiliser le rapport final de la Commission pour la paix pour influencer le cours de la justice dans les procès en cours d’anciens fonctionnaires de la dictature militaire.

Depuis que la Loi de prescription est entrée en vigueur en 1986, Amnesty International n’a cessé d’exprimer sa préoccupation au sujet de cette loi. Depuis plus de trois décennies les proches de victimes de « disparitions » et d’exécutions extrajudiciaires sont en effet privés de tout recours légal pour connaître le sort réservé à l’être qui leur était cher et le lieu où se trouve éventuellement sa dépouille.

La Loi de prescription a préservé de toute poursuite l’ensemble du personnel militaire et policier responsable de violations des droits humains commises avant le 1er mars 1985.

« Il est plutôt surprenant de constater que c’est au moment où les premiers procès concernant des faits ayant eu lieu pendant la dictature commencent à donner de timides résultats que l’on cherche à élargir cette exemption de châtiment aux civils », a souligné Amnesty International.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des États américains ainsi que le Comité des droits de l’homme des Nations unies ont clairement indiqué que la Loi de prescription était incompatible avec la Convention américaine relative aux droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué dans un arrêt récent qu’il était impossible pour les États de prendre des mesures assurant l’impunité à des personnes ayant commis de graves infractions comme les disparitions forcées, les actes de torture et les exécutions sommaires. La Convention américaine relative aux droits de l’homme et le PIDCP, sur lesquels se fondent de tels arrêts, ont tous deux été ratifiés par l’Uruguay.

« Pourtant, les autorités uruguayennes n’ont pas tenu compte de ces appels, ce qui incite à en conclure qu’elles n’ont pas la volonté politique de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé sous les différents régimes militaires et encore moins de déférer à la justice les auteurs de ces crimes », a ajouté l’organisation de défense des droits humains.

Les manœuvres récentes autour des violations commises par le passé semblent avoir été décidées en réaction à la confirmation en appel des poursuites engagées contre l’ancien ministre des Affaires étrangères Juan Carlos Blanco pour la « disparition » en 1976 d’Elena Quinteros.

« Si de telles initiatives devaient aboutir, cela prouverait une fois de plus que les autorités uruguayennes n’accordent pas une priorité suffisante à la promotion et la protection des droits humains, a déclaré Amnesty International. Il est internationalement reconnu au XXIe siècle qu’il ne peut y avoir de paix ni de réconciliation sans que la vérité soit révélée et la justice rendue. »

La première réaction du groupe des Mères et proches de prisonniers uruguayens « disparus » à l’annonce du rapport final de la Commission pour la paix, le 10 avril 2003, a été la suivante : « L’impunité juridique affaiblit la légalité démocratique, mais l’impunité dans le discours officiel dégrade moralement la société. En effet, pour la mettre en pratique il faut non seulement ne pas punir les responsables de violations atroces des droits humains mais il faut en plus fausser la réalité pour masquer et parfois même justifier des pratiques inhumaines. »

« Nous espérons que, cette fois-ci, les autorités uruguayennes écouteront les proches des victimes », a conclu Amnesty International.

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