Venezuela, des organisations internationales condamnent la répression des manifestations

Dans le cadre des manifestations qui se déroulent dans le contexte postélectoral au Venezuela et face aux cas recensés d’usage disproportionné de la force par les forces de sécurité vénézuéliennes, les organisations signataires exigent le respect et la garantie du droit à la liberté d’expression, de réunion et de protestation pacifique. Nous appelons les autorités à s’abstenir de réprimer pénalement le fait de protester et à respecter pleinement les normes internationales relatives à l’usage de la force.

Les manifestations au Venezuela font suite à l’élection présidentielle qui s’est tenue le dimanche 28 juillet 2024 et dont la transparence a été fortement remise en question par la communauté internationale. Le Centre Carter, l’une des deux missions d’observation technique internationale invitées et accréditées par le Conseil national électoral du Venezuela, a déclaré que « l’élection présidentielle de 2024 au Venezuela n’a pas respecté les normes internationales d’intégrité électorale et ne peut pas être considérée comme démocratique » [1].

Les autorités étatiques et les forces de sécurité publiques doivent respecter le droit de manifester, droit dont la protection est essentielle dans les démocraties et qui représente un outil historique de la revendication des droits. Il permet également aux citoyen·ne·s de participer aux affaires publiques. De même, les autorités doivent éviter les discours qui encouragent et incitent à la violence contre les personnes qui exercent leur droit légitime de participer à des manifestations pacifiques, ainsi que la stigmatisation des organisations de la société civile.

Les périodes préélectorale et post électorale au Venezuela ont été marquées par la répression et par de multiples violations des droits humains

Entre la tenue du scrutin et la publication de ce communiqué, des organisations nationales ont enregistré au moins 11 cas de personnes décédées et ont constaté l’utilisation d’armes meurtrières par des individus présumés être des civils armés liés aux forces de sécurité et possiblement la force publique. Les organisations signataires condamnent l’utilisation de cet armement et rappellent que la force meurtrière ne peut en aucun cas être utilisée pour contrôler des manifestations. Selon les normes internationales, la privation du droit à la vie dans un contexte où l’État recourt à la force peut être arbitraire et, dans certains cas, elle peut constituer une exécution extrajudiciaire. Ces agissements doivent faire l’objet d’enquêtes indépendantes et impartiales dans les meilleurs délais et avec la diligence requise.

Les périodes préélectorale et postélectorale au Venezuela ont été marquées par la répression et par de multiples violations des droits humains, notamment avec une succession d’arrestations motivées par des considérations politiques [2], des homicides qui pourraient être illégaux, des restrictions de la liberté de la presse et des coupures d’Internet.  Nous sommes particulièrement préoccupés par les centaines de détentions arbitraires [3] intervenues après le 28 juillet et enregistrées par des organisations nationales, organisations qui continuent d’être informées de nouveaux cas et qui effectuent ce travail de collecte d’informations dans un contexte extrêmement difficile. 

En outre, nous sommes vivement préoccupés par la répression pénale des protestataires et, en particulier, par les déclarations du procureur général Tarek William Saab qui a indiqué à la presse que plus de 749 personnes [4] avaient été arrêtées en lien avec ces manifestations. Il est reproché à ces personnes d’avoir commis des « actes de violence » et elles seront poursuivies [5] pour des infractions telles que l’instigation publique, l’obstruction de la voie publique, l’incitation à la haine, la résistance à l’autorité et, dans les cas les plus graves, le terrorisme. En outre, elles seront condamnées à une peine privative de liberté.

Les restrictions d’accès à Internet lors des manifestations sont couramment utilisées comme moyen de répression et de contrôle

Nous rappelons que l’État vénézuélien est tenu, au titre de l’article 68 de sa Constitution et du droit international, de respecter et de protéger, sans aucune discrimination, les droits de toutes les personnes qui manifestent, ainsi que ceux des personnes qui regardent les manifestations, des passant·e·s et des journalistes. L’usage de la force constitue une violation de cette obligation s’il n’est pas conforme aux normes internationales [6], notamment en ce qui concerne les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de précaution, de non-discrimination et de reddition de comptes. Les autorités vénézuéliennes ont l’obligation de désamorcer les conflits, d’utiliser des moyens non violents, d’utiliser la force de manière progressive et différenciée et de respecter le droit à la participation politique au moyen du processus électoral. 

Compte tenu des coupures d’Internet recensées dans le contexte électoral, nous rappelons que l’accès à Internet est intimement lié au droit de manifester, car il permet de dénoncer les abus, de communiquer en temps réel et de s’organiser pacifiquement. Les blocages d’Internet nuisent à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, qui sont essentiels pour la démocratie [7] et le pluralisme. Les restrictions d’accès à Internet lors des manifestations sont couramment utilisées comme moyen de répression et de contrôle pour limiter  la capacité de la population à se mobiliser et à exercer librement ses droits dans l’espace numérique et en dehors de cet espace.

Il est crucial que toutes les personnes puissent exercer librement leur droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association sans craindre pour leur intégrité physique et pour leur vie. En outre, les autorités vénézuéliennes doivent veiller à ce que personne ne soit poursuivi ou privé de liberté pour avoir exercé ses droits de manière pacifique. 

Enfin, nous appelons la communauté internationale à exiger le respect des droits civils et politiques des personnes au Venezuela. Nous invitons également les mécanismes de justice internationale à rester vigilants face à d’éventuelles violations graves des droits humains dans le cadre des manifestations qui se déroulent depuis le 28 juillet et à inclure les informations faisant état de ces crimes internationaux dans les mécanismes de justice internationale actuellement en place tels que la Mission d’établissement des faits de l’ONU ou la Cour pénale internationale. 

Organisations signataires

  • Amnesty International
  • Centre pour la justice et le droit international (CEJIL)
  • CIVICUS
  • Commission internationale de juristes
  • Freedom House 
  • Global Centre for the Responsibility to Protect 
  • The Washington Office on Latin America (WOLA)
  • Robert F. Kennedy Human Rights
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