VÉNÉZUÉLA : Un an après - bilan de la situation après les évènements d’avril 2002

Index AI : AMR 53/006/2003

Un an après le coup d’État manqué du 11 au 14 avril 2002, au cours duquel
plus de 50 personnes ont perdu la vie et de nombreuses autres ont été
blessées, ni le gouvernement ni l’opposition au Vénézuéla n’ont admis leur
rôle dans la tragédie ni permis que des personnes soupçonnées d’être
responsables soient traduites en justice, a déclaré Amnesty International ce
jeudi 10 avril.

« Il est temps, pour le gouvernement et l’opposition, de cesser toute
tentative d’utiliser les évènements du 11 avril à des fins politiques ; ils
devraient maintenant s’employer à créer un climat favorable à
l’établissement des faits, à l’application de la justice et au dédommagement
des victimes.

« Le non-lieu prononcé récemment à l’encontre des personnes inculpées de
meurtre dans l’affaire de la fusillade de Puente Llaguno et l’abandon de
toutes charges à l’encontre de la Metropolitan Police (police
métropolitaine) accusée d’être responsable de coups et blessures ayant
entraîné la mort de plusieurs personnes, lors des évènements du 11 avril,
montrent les faiblesses de l’enquête officielle. Cela pose également de
façon préoccupante la question de la capacité de l’État à poursuivre en
justice les personnes soupçonnées d’être responsables », a poursuivi
l’organisation.

Alixis Gustavo Bornones Soteldo et César Mattias Ochoa sont deux des
victimes tuées par balles sur l’Avenida Beralt le 11 avril. Leurs familles
et celles de beaucoup d’autres attendent toujours que justice soit rendue.
Des enquêtes importantes en vue d’identifier les responsables ont été menées
mais Amnesty International craint que l’établissement d’une quelconque
responsabilité pénale individuelle pour les crimes commis ne prenne encore
beaucoup de temps. En outre, s’il y a bien eu certains progrès dans les
enquêtes concernant les évènements du 11 avril , l’organisation craint qu’on
accorde une attention moins grande aux violations commises les 12, 13 et 14
avril et que ni les enquêteurs ni le grand public n’y prêtent attention.

« Enquêtes et procédures judiciaires doivent permettre que justice soit
rendue aux victimes et à leurs proches, de façon à éviter que ne se
reproduisent les schémas d’impunité rencontrés dans d’autres affaires
tristement célèbres de l’histoire récente du Vénézuéla concernant de graves
violations des droits humains, a déclaré Amnesty International.

« Accorder l’impunité pour des atteintes aux droits fondamentaux c’est
laisser les victimes et leurs familles sans réparation et encourager de
nouvelles atteintes à ces droits. Cela ne peut qu’attiser le climat de
violence affectant l’état de droit et les droits humains au Vénézuéla. »

Pour permettre que les enquêtes aboutissent, Amnesty International demande
aux autorités de garantir que tous les organes de l’État, y compris les
forces de police et la Garde nationale, coopèrent pleinement ; elle leur
demande également de veiller à ce qu’une coordination effective et
transparente existe entre le bureau du procureur général (Fiscalia General
de la Republica) et la police scientifique et criminelle (Cuerpo de
Investigaciones Cientificas, Penales y Criminalisticas, CICPC).

« Il est essentiel que ces deux organismes disposent du soutien et des
ressources nécessaires pour leur permettre de travailler efficacement. La
justice a également un rôle fondamental à jouer dans ces affaires hautement
politiques, qu’elle doit traiter avec efficacité et impartialité ;
l’exécutif et le législatif doivent apporter leur soutien à l’enquête tout
en évitant d’influer de façon excessive sur ses résultats, a déclaré Amnesty
International.

« Pour que la responsabilité, à la fois pénale et morale, pour les violences
d’avril 2002 soit établie, il est essentiel que l’opposition et les médias
contribuent à la clarification des faits, même si ceux-ci ne coïncident pas
avec leurs intérêts politiques immédiats. »

Une commission d’enquête, qui devait être mise en place pour établir la
vérité au sujet des atteintes aux droits humains commises en avril 2002, n’a
toujours pas été établie, l’opposition et le gouvernement n’ayant pas réussi
à garantir son indépendance, son impartialité et son efficacité. Amnesty
International pense qu’un autre moyen possible d’assurer une enquête
impartiale et crédible serait d’obtenir la participation d’experts
internationaux indépendants qui, sous l’égide de la communauté
internationale, se rendraient au Vénézuéla pour y faire une évaluation du
déroulement de l’enquête et des recommandations ayant force de droit. Ces
mécanismes pourraient être un pas vers la création d’un espace et d’une
crédibilité pour les évènements d’avril en les faisant sortir de la
polarisation politique qui affecte le pays.

« L’un des défis dans ce genre d’enquête est d’établir clairement ce qui a
conduit à la violence et qui est responsable. Depuis avril 2002, la crise
politique qui déstabilise le Vénézuéla a conduit à de nombreux actes de
violence, la police et la Garde nationale faisant usage de force excessive à
l’encontre des manifestants, qu’ils soient pour ou contre le gouvernement.

« Une réforme urgente des pratiques et des structures de maintien de l’ordre
doit être envisagée de façon à assurer une application des lois qui soit
impartiale et à empêcher un usage excessif ou indiscriminé de la force lors
d’opérations de police, qui doivent se dérouler dans le respect le plus
strict des normes internationales relatives aux droits humains
fondamentaux..

« Seules des enquêtes impartiales et effectives sur les atteintes aux droits
humains commises en avril 2002 et par la suite pourront aider à restaurer la
confiance dans la police et dans le système de justice pénale et à mettre
fin à l’impunité régnante », a conclu Amnesty International.

Complément d’information

Les tensions économiques, sociales et politiques ont conduit à une grève
générale le 9 avril à l’appel de sympathisants de l’opposition, alliance
regroupant une partie du secteur des affaires, le principal syndicat et
certains intérêts privés du secteur des médias ; la démission du président
Chavez était réclamée. Le 11 avril, une importante manifestation organisée
par l’opposition s’est heurtée à des partisans du gouvernement à proximité
du palais présidentiel. Au cours des affrontements entre manifestants,
Metropolitan Police (police métropolitaine) et Garde nationale, vingt
personnes sont mortes après avoir été blessées par balles et plus de
soixante autres ont été blessées. Dans la crise qui a suivi, de hauts
responsables militaires ont contraint le président Chavez à abandonner le
pouvoir et l’ont placé en détention. Après le coup d’État, une
administration militaro-civile s’est constituée de facto sous la
responsabilité de Pedro Carmona, chef de l’opposition et responsable de la
Chambre de Commerce et d’Industrie Fedecamaras. Ce gouvernement de fait a
promulgué quelques décrets draconiens, prononçant la suspension de
l’Assemblée nationale et la révocation sommaire de la Cour suprême, du
procureur général et du médiateur en charge des droits humains (Defensor del
Pueblo).La police a effectué des raids au domicile d’un certain nombre de
partisans du président Chavez. Parmi les personnes placées en détention
arbitraire se trouvaient un ministre et un député de l’Assemblée nationale.
La destitution sommaire et inconstitutionnelle du président Chavez, la
détention illégale de ses partisans et les pouvoirs arbitraires assumés par
le gouvernement de fait ont été unanimement condamnés. Tout cela, ajouté aux
efforts de plus en plus déterminés des partisans du président Chavez pour le
faire libérer et le ramener au pouvoir, a conduit à la démission du nouveau
gouvernement et au rétablissement du président Chavez au pouvoir le 14
avril. Les perturbations survenues au cours de ces quatre jours ont coûté la
vie à au moins 50 personnes et ont fait beaucoup plus de blessés encore. Le
gouvernement et l’opposition n’ont cessé depuis de s’accuser mutuellement
d’avoir organisé les violences par calcul politique au cours de l’année
dernière.

La violence politique a continué tout au long de l’année dernière, causant
la mort d’un certain nombre de manifestants pro- et anti-gouvernement ; elle
n’a cessé de menacer l’état de droit et la protection des droits humains
d’une désintégration totale. En décembre 2002, l’opposition a appelé à une
seconde grève nationale qui s’est poursuivie jusqu’en février 2003. Les
tensions sociales et les violences politiques se sont accrues dans le
contexte de la grève qui a eu un impact catastrophique sur l’économie. Les
négociations entre le gouvernement et l’opposition se sont poursuivies tout
au long de l’année dernière sous la bannière du secrétaire général de
l’Organisation des États américains, César Gaviria. Un groupe de « pays amis
 » a également été établi pour faciliter le processus et aider à trouver une
solution négociée à la crise politique.

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