Venezuela. Un débat menace la protection des droits humains

Amnesty International est préoccupée par les déclarations du pouvoir exécutif, soutenues par l’Assemblée nationale, en faveur d’un éventuel retrait du Venezuela du système interaméricain de protection des droits de la personne.

« Une telle décision, qui impliquerait la sortie du Venezuela de l’Organisation des États américains, est extrêmement grave », a déclaré Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.

Le retrait du Venezuela du système interaméricain des droits de la personne priverait les citoyens d’une instance judiciaire importante et serait totalement contraire à la Constitution nationale, qui dispose, en son article 31 : « Toute personne a le droit, dans les termes prescrits par les traités, pactes et conventions sur les droits de l’homme ratifiés par la République, de faire des pétitions ou plaintes devant les organismes internationaux créés à cet effet, et ayant pour objet de solliciter la protection de ses droits ».

Si les États membres du système interaméricain des droits de la personne ont instauré ce mécanisme, c’est notamment pour garantir à leurs habitants la possibilité de recourir à une instance supranationale lorsque, dans leur pays, ils ne parviennent pas à obtenir justice ou réparation pour les violations des droits humains qu’ils ont subies, l’existence d’obstacles au sein des instances judiciaires nationales ayant donc été reconnue.

C’est pourquoi le système interaméricain des droits de la personne – par le biais des organes qui le composent, à savoir la Commission et la Cour interaméricaines des droits de l’homme – est indispensable pour renforcer la protection accordée au niveau national. Au fil des ans, d’un bout à l’autre du continent, des milliers de victimes et leurs proches ont trouvé dans ce système la seule possibilité d’obtenir justice, lorsque celle-ci leur était refusée par les instances de leur pays. Plus important encore, le mécanisme de mesures préventives et provisoires a permis de sauver la vie de nombreuses personnes confrontées à un risque imminent.

À la fin des années 1970, le système interaméricain s’est notamment illustré par son travail sur des milliers de cas de disparition dans le Cône sud. Aujourd’hui, il s’occupe de nombreuses affaires dans l’ensemble de la région, allant de la situation de personnes privées de liberté au droit à l’éducation. Par exemple, le système interaméricain s’est prononcé sur la nécessité que les États-Unis établissent un tribunal compétent pour déterminer le statut des détenus de Guantánamo, et il a ordonné à la République dominicaine de garantir l’accès gratuit à l’enseignement primaire pour tous les enfants, à la suite d’une affaire concernant deux petites filles de descendance haïtienne. Il convient également de souligner que tous les pays membres de l’Organisation des États américains ont fait l’objet de requêtes devant le système interaméricain des droits de la personne.

Entre 2004 et 2009, la Commission interaméricaine a reçu plus de 7 500 requêtes concernant les droits individuels et collectifs. Outre le fait que le système interaméricain offre aux victimes la possibilité d’un recours en justice, il est important de rappeler que ses décisions ont favorisé des changements structurels permettant de garantir les droits de millions de personnes dans les pays de la région.

Maria da Penha, une Brésilienne paralysée à la suite des coups infligés par son mari, a tenté pendant des années d’obtenir justice auprès des tribunaux brésiliens. Ses efforts sont restés vains, ce qui l’a poussée à plaider sa cause devant les instances interaméricaines. En 2006, en application des recommandations de la Commission interaméricaine, le Brésil a promulgué une loi décisive contre la violence domestique et mis en place un plan national pour lutter contre les violences faites aux femmes. L’époux violent a été déféré à la justice et la victime a obtenu réparation.

« La surveillance internationale exercée par des mécanismes régionaux et internationaux implique des difficultés pour les États concernés. Mais l’existence d’instances semblables au système interaméricain et à son évolution est essentielle pour garantir le respect des droits humains pour tous les peuples du continent. Nous avons bon espoir que le Venezuela décide de garantir aux générations présentes et futures l’accès à un mécanisme qui, depuis des dizaines d’années, démontre son importance fondamentale pour le respect des droits humains de tous et de toutes, et en particulier des plus vulnérables »
, a conclu Guadalupe Marengo.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit