Vente d’armes belges au Népal : Lettre d’Amnesty International Belgique à Louis Michel

À l’attention de Monsieur Louis Michel
Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères
Rue des Petits Carmes, 15
1000 Bruxelles

Bruxelles, le 28/08/02

Monsieur le Vice-Premier ministre,

La mission d’Amnesty International consiste à mener des enquêtes et à entreprendre des actions afin de prévenir et de faire cesser des violations graves du droit à l’intégrité physique et mentale, du droit à la liberté d’expression et d’opinion, du droit de ne pas être victime de discriminations, et cela dans le cadre de la promotion de tous les droits humains repris dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Certains transferts d’équipements ou de services militaires, de sécurité et de police (MSP transfers) vers des pays où des atteintes aux droits humains se déroulent, peuvent contribuer à leur déclenchement ou à leur aggravation. Amnesty international ne se prononce pas sur la question du commerce des armes en tant que tel, ni sur des embargos, boycotts ou autres sanctions. L’organisation de défense des droits humains affirme néanmoins clairement que le commerce des armes et autres transferts MSP sont inacceptables, s’ ils contribuent à des violations des droits humains ou du droit international humanitaire.

Depuis déjà plusieurs années, le respect des droits humains au Népal est un sujet de préoccupation pour Amnesty International. Dans de nombreux communiqués de presse et rapports, notre organisation exprime son inquiétude quant aux violations des droits humains perpétrées tant par les autorités népalaises que par le Parti Communiste du Népal (PCN) maoïste.

Son rapport, "Nepal : A spiralling human rights crisis" (AI-index : ASA 31/016/2002), du 4 avril dernier fournit des détails sur des exécutions extrajudiciaires, des "disparitions", des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture commis par la police et l’armée sous le couvert de diverses lois de sécurité, depuis que le PCN maoïste a déclaré la guerre au gouvernement népalais, en février 1996.

Le rapport décrit également de manière détaillée les atteintes graves aux droits humains commises par les Maoïstes : exécutions arbitraires et extrajudiciaires de civils, mise à mort de policiers capturés, prise d’otages, torture et traitements inhumains, application de peines inhumaines et déshonorantes, y compris des "condamnations à mort". Les Maoïstes ont également recruté des enfants-soldats. Dans le rapport évoqué plus haut, Amnesty International présente une série de vingt recommandations.

Ce rapport met également en lumière l’utilisation d’ armes à feu dans de nombreux cas de violations des droits humains commises au Népal, également par les membres de l’armée et de la police. Il n’est donc absolument pas inimaginable que, si un pays devait donner son feu vert à la livraison d’armes au Népal, ces armes puissent être utilisées pour perpétrer des violations des droits humains.

À l’occasion de l’ouverture de la première réunion intergouvernementale sur la crise au Népal, le 19 juin dernier à Londres, Amnesty International avait exprimé ses préoccupations quant à d’éventuelles livraisons d’armes :

"Tout en reconnaissant la nécessité de protéger les civils, Amnesty International est opposée à tout transfert d’équipements ou de compétences dans les domaines militaire et de sécurité au Népal qui contribuerait à des violations des droits humains (...) Nous appelons tous les gouvernements fournisseurs d’armes à appliquer les conditions les plus strictes pour que soient respectées les normes internationales relatives aux droits humains et au droit international humanitaire".
(Cf. "Nepal : Human rights should be at the heart of London conference agenda" - AI Index : ASA 31/046/2002)

Amnesty International Belgique insiste également auprès de vous pour qu’en cas de livraisons d’armes par notre pays au Népal, celles-ci ne se réalisent que sous de très strictes conditions qui doivent garantir que les armes livrées ne contribueront pas à des violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Si la licence d’exportation portant sur la livraison par notre pays de 5.500 mitrailleuses au Népal devait ête maintenue, Amnesty International Belgique vous demanderait de nous tenir rapidement informé sur les réponses apportées aux interrogations suivantes :

quelles sont les conditions strictes et contractuelles imposées par le gouvernement belge quant à l’octroi de cette licence,

quelles démarches effectives seront entreprises afin d’exercer un contrôle sur l’observation de ces conditions,

quelles mesures énergiques prendrez-vous en cas de non respect de celles-ci.

Veuillez, Monsieur le Vice-Premier ministre, agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Bruno Tuybens
Président
Amnesty International Belgium asbl
p/a Kerkstraat 156
2060 Antwerpen

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