Amnesty International salue le jugement rendu mardi 6 septembre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal) qui a clôturé le procès de Momèilo Perišiæ, ancien chef de l’état-major de l’Armée de Yougoslavie, jugé pour des crimes relevant du droit international commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. La Chambre de première instance a déclaré Momèilo Perišiæ coupable et l’a condamné à une peine de 27 ans d’emprisonnement. Il a le droit de faire appel de cette décision auprès de la Chambre d’appel du Tribunal dans un délai de 30 jours.
Momèilo Perišiæ, haut responsable et chef d’état-major de l’Armée de Yougoslavie, a été déclaré coupable de complicité dans des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis durant la prise de Srebrenica en 1995 et le siège de Sarajevo pendant le conflit qui s’est déroulé de 1992 à 1995 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. Il a également été reconnu coupable de ne pas avoir sanctionné ses subordonnés pour les tirs de roquettes effectués contre Zagreb, en Croatie, qui ont fait de nombreux morts et blessés parmi la population civile.
Amnesty International reconnaît que c’est une victoire importante pour les victimes et leurs familles.
Toutefois, elle déplore que la majorité des auteurs de crimes relevant du droit international commis durant les guerres qui ont éclaté dans les années 1990 dans l’ex-Yougoslavie continuent d’échapper à la justice. Alors que le Tribunal s’apprête à clore son travail en 2014, les systèmes judiciaires des États de l’ex-Yougoslavie ne disposent toujours pas des ressources humaines et matérielles nécessaires pour traduire en justice efficacement tous les auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, dans le droit fil des normes internationales relatives à l’équité des procès.
Amnesty International a souligné à maintes reprises à quel point il était important que viennent s’ajouter aux interventions du Tribunal des initiatives nationales durables et globales pour enquêter sur les milliers d’autres crimes qui ont été commis et en juger les auteurs présumés, notamment les suspects de moins haut rang contre lesquels le Tribunal ne peut intervenir.
Or, les gouvernements des États de l’ex-Yougoslavie n’ont pas pris les mesures requises afin d’augmenter la capacité de leurs systèmes judiciaires en vue de juger les crimes relevant du droit international. En outre, les États doivent renforcer les structures légales et politiques existantes, et doivent notamment éliminer les entraves à la justice dans la région, lever les obstacles abusifs à l’extradition et consolider l’entraide judiciaire.
La lutte contre l’impunité et la comparution en justice des responsables présumés se heurtent à un obstacle majeur : l’absence de volonté politique d’enquêter et d’engager des poursuites pour ces crimes.
Par ailleurs, certains représentants des États de la région confortent le climat d’impunité. Le jugement rendu mardi 6 septembre par le Tribunal a essuyé les critiques de Dragan Šutanovac, ministre de la Défense de la République de Serbie, qui a estimé cette condamnation trop sévère et déclaré que « le temps [était] venu de mettre fin à ces inculpations et à ces condamnations, et de se tourner vers l’avenir ». Amnesty International estime que de telles déclarations sont susceptibles de miner le soutien politique à la lutte contre l’impunité, mais aussi de décourager les systèmes judiciaires nationaux de mener des enquêtes sur les crimes commis durant la guerre et d’en juger les auteurs présumés.
L’organisation a invité à plusieurs reprises les gouvernements des États de l’ex-Yougoslavie à montrer leur volonté politique de faire face aux séquelles de la guerre. En l’absence de cette volonté, il en découle un climat qui non seulement entrave les poursuites pour crimes de guerre, mais empêche également les victimes de ces crimes – et leurs familles – d’exercer leur droit à la vérité, à la justice et aux réparations.