Viêt-Nam : il faut mettre fin à la répression de la liberté d’expression

Après une vague d’arrestations lors d’une manifestation pacifique à Hanoï, la capitale du Viêt-Nam, Amnesty International a déclaré mardi 7 août que le gouvernement vietnamien devait cesser la répression qu’il exerce actuellement contre la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Le 5 août, les autorités de la capitale ont arrêté et placé en détention environ 30 personnes qui manifestaient pacifiquement contre les revendications territoriales de la Chine en mer de Chine méridionale, une zone qui fait l’objet de conflits, connue au Viêt-Nam sous le nom de mer de l’est.

Le Hien Duc, militant anti-corruption de 81 ans, a été arrêté aux côtés d’étudiants et de blogueurs. Ils ont été détenus dans des commissariats locaux et dans un centre « de rééducation », avant d’être tous libérés.

« C’est un nouveau coup porté à la liberté d’expression au Viêt-Nam. Les autorités se servent des arrestations de courte durée comme d’un moyen d’intimidation contre les personnes qui veulent manifester pacifiquement », a expliqué Rupert Abbott, chercheur d’Amnesty International spécialiste du Viêt-Nam.

« Dans le cadre de la répression qui sévit actuellement, des blogueurs, des écrivains, des avocats, des défenseurs des droits des travailleurs, des paysans, des entrepreneurs et des militants de la démocratie se sont retrouvés derrière les barreaux  », a-t-il ajouté.

Détention de blogueurs influents

Les arrestations massives à Hanoï ont fait suite à l’annonce d’un nouvel ajournement du procès de trois célèbres blogueurs accusés de propagande contre l’État.

Ces trois blogueurs sont Nguyen Van Hai, connu sous le nom de Dieu Cay (« la pipe à eau du paysan »), Ta Phong Tan, une ancienne policière qui gère le blog « Justice et Vérité » et Phan Thanh Hai, appelé AnhBaSG. Ils sont tous membres fondateurs du Club des journalistes vietnamiens libres et ont utilisé leur blog pour promouvoir les droits humains.

Ils sont accusés de propagande contre l’État, une infraction aux termes de l’article 88 du Code pénal vietnamien, et, s’ils sont reconnus coupables, ils encourent une peine de 20 ans d’emprisonnement.

« Ces trois blogueurs sont des prisonniers d’opinion, détenus uniquement pour avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression en écrivant des articles en ligne », a déclaré Rupert Abbott.

« Amnesty International appelle une nouvelle fois le gouvernement du Viêt Nam à les libérer immédiatement et sans condition  », a-t-il ajouté.

Le tribunal populaire d’Ho Chi Minh-Ville devait juger ces trois blogueurs le 17 avril. Ce procès a été ajourné, et une nouvelle date a été fixée pour le 7 août.

Mais le procès a été une nouvelle fois reporté, car les autorités enquêtent sur la mort tragique de la mère de Ta Phong Tan, Dang Thi Kim Lieng, survenue l’année dernière. Elle est décédée après s’être immolée par le feu devant des bâtiments du gouvernement, dans la province de Bac Lieu, pour protester contre le traitement que sa fille a subi.

Les trois blogueurs sont placés en détention provisoire prolongée. Dieu Cay, qui est en prison depuis 2008 sur la base d’accusations de fraude forgées de toutes pièces, devait être libéré en octobre 2010, mais il a été maintenu en détention jusqu’à aujourd’hui en vertu de l’article 88. Phan Thanh Hai est en détention provisoire depuis 21 mois, et Ta Phong Tan depuis presque un an. Ils n’ont qu’un accès limité à leur famille et leurs avocats.

Ces blogueurs étant détenus pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, il s’agit d’une détention arbitraire au regard du droit international. Leur placement en détention provisoire prolongée, au moins dans le cas de Dieu Cay et de Phan Thanh Hai, qui sont tous deux détenus depuis 21 mois, est également contraire à la législation nationale, puisque le Code de procédure pénale vietnamien prévoit une durée maximale de détention provisoire de 16 mois pour les personnes accusées de « crimes particulièrement graves ».

Répression de la dissidence

Le droit à la liberté d’expression est protégé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (auquel le Viêt-Nam est partie) et l’article 69 de la Constitution vietnamienne.

Mais, alors que le peuple vietnamien s’efforce de plus en plus d’exercer ce droit, les autorités harcèlent et emprisonnent ceux qui critiquent les politiques gouvernementales et réclament plus de libertés.

« Les arrestations massives de manifestants pacifiques à Hanoï et la détention de trois blogueurs sont le triste reflet de la situation tragique de la liberté d’expression au Viêt-Nam », a expliqué Rupert Abbott.

«  Le gouvernement vietnamien doit cesser de réprimer la liberté d’expression. »

L’année dernière, en 2011, au moins 20 dissidents ont été jugés pour propagande contre l’État et d’autres infractions, puis condamnés à de longues peines d’emprisonnement. Au moins 18 autres personnes ont été arrêtées au cours de cette même année et maintenus en détention provisoire pour les mêmes faits.

Cette année, la répression de la liberté d’expression s’est poursuivie, donnant lieu à de nouveaux procès et détentions.

En avril, par exemple, la police a arrêté l’universitaire vietnamo-américain Nguyen Quoc Quan à l’aéroport Tan Son Nhat d’Ho Chi Minh-Ville. Il est membre du parti Viet Tan, implanté à l’étranger. Les autorités le soupçonnent d’avoir eu l’intention d’« inciter à manifester » et le maintiennent en détention pour terrorisme. En 2008, il avait déjà été reconnu coupable de faits liés à son militantisme en faveur de la démocratie.

En juillet, la police a encerclé les monastères de l’Église bouddhique unifiée du Viêt-Nam, un mouvement religieux interdit, pour empêcher ses membres de participer à des manifestations contre la Chine. La blogueuse Huynh Thuc Vy a été placée en détention et interrogée à Ho Chi Minh-Ville après sa participation à ces manifestations. Elle a été menacée d’accusations d’hostilité à l’État, mais elle a ensuite été libérée.

Contexte international

Le Viêt-Nam a déclaré avoir l’intention d’obtenir un siège au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. En réaction à l’influence croissante de la Chine dans la région, il renforce ses relations avec les États-Unis et d’autres pays.

Les pays donateurs ont exhorté le gouvernement vietnamien à améliorer son bilan en matière de droits humains, et les États-Unis ont exigé la libération de Dieu Cay et des autres blogueurs.

« Amnesty International appelle les pays donateurs à faire des droits humains une priorité dans le cadre du développement de leurs relations avec le Viêt-Nam  », a déclaré Rupert Abbott.

« Ils doivent faire tout leur possible pour soutenir les personnes que les autorités vietnamiennes essaient de faire taire », a-t-il ajouté.

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