Viêt-Nam. Le journaliste condamné doit être libéré

DECLARATION PUBLIQUE

ÉFAI

Le journaliste vietnamien Nguyen Viet Chien a été condamné le 15 octobre à deux ans de prison pour ses articles sur une affaire de corruption présumée. Il doit être libéré immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International ce jeudi 16 octobre. L’organisation le considère comme un prisonnier d’opinion.

Au cours d’un procès inéquitable qui s’est tenu les 14 et 15 octobre 2008, Nguyen Viet Chien a été reconnu coupable d’avoir abusé des libertés démocratiques dans le but de porter atteinte aux intérêts de l’État et aux droits et intérêts légitimes de certaines organisations ou des citoyens en vertu de l’article 258 du Code pénal ; il était poursuivi pour avoir écrit, depuis 2005, plusieurs articles d’investigation à propos d’un scandale de corruption impliquant le ministère des Transports.

La presse locale et internationale, ainsi que les représentants de plusieurs missions diplomatiques, ont suivi le procès sur un écran dans une pièce voisine ; selon plusieurs personnes présentes, celui-ci n’était pas conforme aux normes internationales.

Nguyen Viet Chien a été reconnu coupable bien que le ministère public n’ait pu apporter aucune preuve contre lui, et notamment démontrer en quoi ses articles avaient porté atteinte à l’État et au Parti communiste vietnamien. Lors du procès, le journaliste et son avocat ont demandé pourquoi les enregistrements réalisés par l’accusé lors de ses entretiens avec des représentants des autorités policières enquêtant sur les allégations de corruption n’avaient pas été retenus à titre de preuve. Selon Nguyen Viet Chien, ces enregistrements prouvaient que les informations qu’il avait utilisées dans ses articles lui avaient été fournies par des représentants de l’État. Le journaliste a la possibilité de faire appel de sa condamnation.

Les poursuites engagées contre ce journaliste et trois coaccusés s’inscrivent dans une politique globale du gouvernement qui consiste à utiliser les dispositions du Code pénal pour réprimer la liberté d’expression sur des sujets considérés comme politiquement sensibles par les autorités. Cette affaire montre bien comment celles-ci exploitent les formulations vagues du droit pénal pour museler la liberté d’expression, et souligne la nécessité pour le gouvernement d’amender les dispositions très générales du Code pénal, en particulier le chapitre sur la sécurité nationale.

Un autre journaliste qui avait couvert cette affaire, Nguyen Van Hai, a plaidé coupable lors du procès devant le tribunal populaire de Hanoi et a été condamné, d’après les médias, à une peine non privative de liberté, à savoir un programme de rééducation de deux ans. Il a été libéré de prison, où il était détenu depuis son arrestation avec Nguyen Viet Chien en mai 2008.

Deux anciens enquêteurs de la police ont aussi été condamnés. Pham Xuan Quac et Dinh Van Huynh étaient inculpés de révélation délibérée de secrets professionnels en vertu de l’article 286 du Code pénal. D’après le journal Thanh Nien (Les Jeunes), ils étaient notamment accusés d’avoir fourni aux médias des informations fausses et non confirmées concernant cette affaire. Dinh Van Huynh a été condamné à un an de prison, et Pham Xuan Quac a reçu un avertissement public.

Nguyen Viet Chien travaillait pour le magazine Thanh Nien, et Nguyen Van Hai pour le magazine Tuoi Tre (La Jeunesse). Ces deux magazines avaient publié des articles sur le scandale dit du PMU 18 , du nom d’un service du ministère des Transports dont de hauts responsables ont été accusés de corruption et arrêtés. Le vice-ministre avait aussi été arrêté, mais il a été acquitté début 2008.

La liberté de la presse est sévèrement limitée au Viêt-Nam, mais le scandale de la corruption au ministère des Transports a, au départ, été traité avec une ouverture sans précédent. Pour la première fois, des ministres ont été convoqués pour interrogatoire par l’Assemblée nationale, qui a aussi enquêté sur ces allégations de corruption. La presse a relaté le scandale, et l’affaire a dominé le débat public pendant quelque temps.

Les condamnations de Nguyen Viet Chien et Nguyen Van Hai montrent à quel point les autorités vietnamiennes ont fait marche arrière par rapport à cette ouverture du départ, ramenant de nouveau les médias au rôle de simples porte-parole du gouvernement.

Dans les mois qui ont suivi l’arrestation des deux journalistes, les rédacteurs en chef adjoints des deux magazines ont aussi été démis de leurs fonctions, et les autorités ont retiré leur carte de presse à au moins sept autres journalistes.

Amnesty International appelle le gouvernement vietnamien à lever les restrictions illégales au droit à liberté d’expression, et à réformer de toute urgence les dispositions du Code pénal de 1999 relatives à la sécurité nationale, afin d’en supprimer les dispositions trop vagues ou de les mettre en conformité avec le droit et les normes internationaux.

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