« Il est choquant que les autorités vietnamiennes condamnent ainsi Pham Doan Trang, courageuse journaliste et défenseure des droits humains, qui se bat depuis des années pour un Viêt-Nam juste, inclusif et respectueux des droits. Son travail devrait être célébré et protégé, et non pas puni et criminalisé, Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe du travail de campagne à Amnesty International.
« Pham Doan Trang est une voix essentielle de la défense des droits humains dans le pays. Elle a soutenu des militant·e·s victimes d’arrestations arbitraires, a écrit sur les catastrophes écologiques résultant des activités humaines, et a récemment contesté la version officielle du raid meurtrier contre le village de Dong Tam. Elle l’a fait tout en connaissant les graves risques que cela représentait pour elle.
« Le traitement réservé à Pham Doan Trang - harcèlement, surveillance, menaces, torture et poursuites infondées - est représentatif de la répression menée par les autorités vietnamiennes face au militantisme pacifique en faveur des droits humains à travers le pays.
« Il est choquant que les autorités vietnamiennes condamnent ainsi Pham Doan Trang, courageuse journaliste et défenseure des droits humains, qui se bat depuis des années pour un Viêt-Nam juste »
« Il est tout à fait scandaleux que le tribunal retienne les écrits consacrés par Pham Doan Trang aux droits humains et les entretiens qu’elle a accordés aux médias internationaux à titre d’éléments attestant ses prétendus crimes. Cette procédure tourne la justice en ridicule et constitue une attaque claire contre les défenseur·e·s des droits humains au Viêt-Nam.
« Même derrière les barreaux, Pham Doan Trang continue à inspirer d’innombrables militant·e·s vietnamiens, du fait de la large diffusion de ses écrits, de son courage face aux représailles, et de sa détermination à faire émerger la vérité dans un pays où les autorités contrôlent strictement l’accès à l’information.
« Amnesty International demande la libération immédiate, non seulement de Pham Doan Trang, mais aussi de tous les autres défenseur·e·s des droits humains se trouvant en détention au Viêt-Nam, notamment Trinh Ba Phuong et Nguyen Thi Tam, un homme et une femme défendant le droit à la terre, et le militant Do Nam Trung, qui doivent tous passer en jugement cette semaine au Viêt-Nam.
Complément d’information
Pham Doan Trang, journaliste indépendante et défenseure reconnue des droits humains, a été condamnée à neuf ans de prison par le tribunal populaire de Hanoï le 14 décembre 2021. Elle a été arrêtée à Ho Chi Minh-Ville le 7 octobre 2020, et inculpée en vertu de l’article 88 du Code pénal de 1999, qui érige en infraction « la conception, le stockage, la distribution ou la diffusion d’informations, de documents et d’objets hostiles à la République socialiste du Viêt-Nam ».
« Le traitement réservé à Pham Doan Trang - harcèlement, surveillance, menaces, torture et poursuites infondées - est représentatif de la répression menée par les autorités vietnamiennes »
Le 25 octobre 2021, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a émis l’avis n° 40/2021 sur Pham Doan Trang. Le Groupe de travail a estimé que sa détention était arbitraire et a demandé sa libération immédiate.
Le 26 octobre, 28 organisations de défense des droits humains, parmi lesquelles Amnesty International, ont demandé la libération immédiate et sans condition de Pham Doan Trang.
Pham Doan Trang a été détenue au secret entre la date de son arrestation et le 19 octobre 2021, lorsqu’il lui a enfin été permis de rencontrer un de ses avocat·e·s après avoir été privée du droit de s’entretenir avec sa famille et sa représentation juridique pendant plus d’un an.
Tout maintien prolongé en détention au secret est une forme de mauvais traitement interdite par le droit international en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Viêt-Nam a ratifiés.
L’inculpation de Pham Doan Trang inclut à titre de preuve plusieurs des œuvres qu’elle a publiées sur des questions relatives aux droits environnementaux et aux droits humains, ainsi que deux entretiens qu’elle avait accordés à Radio Free Asia et à la BBC.
Tout maintien prolongé en détention au secret est une forme de mauvais traitement interdite par le droit international
Pham Doan Trang est l’auteure de plusieurs livres portant sur divers sujets, des questions touchant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, aux droits des femmes, en passant par le militantisme, les problèmes environnementaux et le droit à la terre. En 2019, Reporters sans frontières lui a décerné son prix pour la Liberté de la presse afin de saluer son influence. Son travail sur la maison d’édition Liberal Publishing House a aidé celle-ci à recevoir le prestigieux prix Voltaire en 2020 pour son action continue malgré les dangers et les risques de représailles.
Pressentant son arrestation, elle a donné des instructions à l’avance [1] afin que d’autres militant·e·s mettent à profit son incarcération pour revendiquer de plus amples libertés au Viêt-Nam, et « se mobilisent pour les autres d’abord, puis pour moi ».
Les autorités vietnamiennes invoquent régulièrement l’article 88 (et, plus récemment, l’article 117) du Code pénal afin de sanctionner des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes indépendants, des auteur·e·s et d’autres personnes ayant pacifiquement exercé leurs droits fondamentaux, ainsi qu’Amnesty International l’a précédemment constaté.
Les autorités vietnamiennes invoquent régulièrement l’article 88 (et, plus récemment, l’article 117) du Code pénal afin de sanctionner des défenseur·e·s des droits humains
Le 24 juin 2020, Trinh Ba Phuong et Nguyen Thi Tam, un homme et une femme militant en faveur des droits à la terre, ont été arrêtés pour avoir signalé et commenté le raid mené dans le village de Dong Tam, lors duquel un affrontement a fait quatre morts, un dirigeant du village âgé de 84 ans et trois policiers. Les autorités ont également arrêté des dizaines de villageois·e·s en lien avec le conflit foncier très médiatisé entre les pouvoirs publics et la population locale.
Le 6 juillet 2021, Do Nam Trung a été arrêté pour s’être moqué du gouvernement et l’avoir critiqué. Ardant défenseur des droits humains et de la démocratie, Do Nam Trung a aussi aidé à sauver des victimes dans des zones touchées par des inondations et des glissements de terrain, et appelé des milliers d’automobilistes à boycotter des cabines de péage situées au mauvais endroit. Depuis leur arrestation, aucune de ces personnes n’a été autorisée à recevoir la visite de ses proches.