Viêt-Nam, Stop à la répression d’une maison d’édition

Les autorités vietnamiennes doivent mettre fin immédiatement à la répression croissante qui vise une maison d’édition indépendante, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch le mercredi 27 novembre. Entre autres mesures répressives, des dizaines de personnes ont été soumises à des actes de harcèlement et d’intimidation par la police à travers le pays, et au moins une personne a fait état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention. Ces agissements sont un signal d’alarme pour les personnes qui veulent exercer librement leur droit à la liberté d’expression et accéder à des informations et à des idées, et une nouvelle manifestation de l’intolérance des autorités à l’égard de la dissidence pacifique.

Depuis le début du mois d’octobre, la police a harcelé et intimidé des dizaines de personnes liées à la Liberal Publishing House - un éditeur vietnamien indépendant qui publie des ouvrages sur la politique publique et la pensée politique au Viêt-Nam - dans le cadre d’une campagne manifestement ciblée.

Ce harcèlement a eu lieu dans au moins trois grandes villes, à savoir Hanoï, Ho Chi Minh-Ville et Hué, ainsi que dans les provinces de Binh Duong, Quang Binh, Quang Tri et Phu Yen. Les personnes prises pour cibles auraient acheté ou lu des livres de cette maison d’édition, ou travaillé pour elle.

Selon les informations recueillies par Amnesty International, des personnes se trouvant dans ces lieux ont été convoquées au poste de police local, où elles ont été interrogées sur des livres qu’elles avaient achetés à cette maison d’édition. La plupart d’entre elles ont ensuite subi des pressions destinées à leur faire signer des déclarations, dans lesquelles elles s’engageaient à ne plus acheter de livres de cet éditeur.

Dans un cas, la police a arrêté un homme et l’aurait torturé en garde à vue le 15 octobre à Ho Chi Minh-Ville, dans le but, d’après les informations recueillies, de le contraindre à « avouer » qu’il travaillait pour cette maison d’édition. La police l’a retenu pendant plus de 12 heures, au cours desquelles on l’a battu à plusieurs reprises, au point de le faire saigner du nez. Depuis sa libération, il se cache, de peur d’être à nouveau arrêté.

En outre, les 23 et 24 octobre, un homme de la province de Phu Yen a reçu deux lettres de la police le convoquant au poste de police local pour l’interroger au sujet de la réception de livres « interdits ». Après l’avoir interrogé, la police a perquisitionné son domicile et a saisi des ouvrages publiés par la Liberal Publishing House. Début novembre, un homme travaillant occasionnellement pour cette maison d’édition est entré dans la clandestinité, de peur d’être arrêté - la police avait enjoint son employeur habituel de l’informer la prochaine fois qu’il viendrait au bureau.

Amnesty International et Human Rights Watch ont reçu récemment des informations faisant état de nouvelles perquisitions domiciliaires et saisies de livres.

Ces mesures de répression ont aggravé le climat de peur au Viêt-Nam, où les autorités restreignent sévèrement le droit à la liberté d’expression, et où le simple fait d’exprimer des opinions vaut à des personnes d’être arrêtées et incarcérées.

Amnesty International et Human Rights Watch appellent les autorités vietnamiennes à mettre fin immédiatement à cette campagne d’intimidation et de harcèlement, et à permettre à la Liberal Publishing House et aux personnes qui lui sont liées d’exercer leur droit à la liberté d’expression. Les autorités doivent en outre ouvrir sans délai une enquête impartiale, approfondie et indépendante sur les allégations imputant des actes de torture et d’autres mauvais traitements à la police de Ho Chi Minh-Ville. Les auteurs présumés de ces agissements doivent être traduits en justice et les victimes doivent obtenir réparation. Les personnes qui signalent des violations commises par des policiers, ainsi que la famille de ces personnes, doivent être protégées contre d’éventuelles représailles.

Complément d’information

Fondée le 14 février 2019, la Liberal Publishing House a publié une série d’ouvrages non fictionnels d’auteurs vietnamiens portant sur des sujets tels que les sciences politiques, les politiques publiques et d’autres questions sociales, comme Politique d’un État policier, La résistance non violente, La politique pour les gens ordinaires, La vie derrière les barreaux et Manuel pour les familles de prisonniers. Nombre de ces livres sont considérés comme sensibles par le gouvernement et leur publication est de fait interdite. Les autorités vietnamiennes censurent généralement les publications considérées comme contraires à la politique gouvernementale.

La Liberal Publishing House avait déjà été prise pour cible. Depuis qu’elle a commencé son activité, la police a lancé plusieurs opérations d’infiltration pour tenter d’arrêter les personnes qui y travaillent. La maison d’édition a également été victime de harcèlement en ligne. En février, sa page Facebook a été la cible d’une attaque informatique, qui a entraîné la fermeture du compte. En juillet, trois banques différentes ont informé la maison d’édition que ses comptes bancaires allaient être clôturés, sans lui donner la moindre explication. La police a contraint des sociétés de transport à lui communiquer les noms et adresses des clients. Celles qui s’y sont refusées font fréquemment l’objet d’actes d’intimidation et de harcèlement, ainsi que d’une surveillance intrusive. En novembre, le nouveau site Internet de la maison d’édition (https://nhaxuatbantudo.com/) a été la cible de nombreuses attaques informatiques.

La Constitution vietnamienne comme le droit international relatif aux droits humains garantissent le droit à la liberté d’expression, qui comprend le droit de recevoir et de répandre les informations et les idées. Cela comprend également le droit d’accéder à des livres tels que ceux publiés par la Liberal Publishing House et de lire les informations qu’ils contiennent. Le libre accès aux informations et aux idées est également un aspect important du droit à l’éducation.

Jusqu’ici, en 2019, au moins 16 personnes ont été arrêtées uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, et certaines ont déjà été jugées et condamnées à des peines d’emprisonnement.

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