COMMUNIQUÉ DE PRESSE
AILRC-FR
20 mai 2011
En n’abrogeant pas une loi controversée prévoyant l’immunité de poursuites pour les représentants de l’État accusés de violations, l’Uruguay a laissé passer une occasion unique de permettre enfin aux victimes des atteintes aux droits humains perpétrées sous le régime militaire d’obtenir justice, a déclaré Amnesty International ce vendredi 20 mai.
La classe politique uruguayenne n’est pas parvenue à un accord sur l’annulation des effets de la Loi de prescription de 1986, qu’Amnesty International, les militants des droits humains uruguayens et les proches des victimes n’ont cessé d’appeler de leurs vœux.
« Un tel accord aurait constitué une réelle victoire pour les victimes des violations des droits humains commises sous la dictature militaire des années 1970 et 80 en Uruguay », a déclaré Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.
« L’Uruguay est tenu légalement et moralement de faire en sorte que ceux qui ont subi des tortures et d’autres violences reçoivent justice - et non de protéger leurs tortionnaires contre des poursuites et un procès. »
« Amnesty International considère que la Loi de prescription équivaut à une amnistie générale au bénéfice des personnes soupçonnées de violations des droits humains, et qu’elle est contraire aux obligations qui sont celles de l’Uruguay aux termes du droit international. »
Proposée par le gouvernement démocratiquement élu de Julio Maria Sanguinetti, cette loi avait été approuvée par le Congrès uruguayen en décembre 1986.
Aux termes de cette loi, le président de l’Uruguay décide en dernière instance des plaintes pour violations des droits de humains qui doivent être instruites.
La dictature militaire en Uruguay a duré de 1973 à 1985. Au plus fort du régime, le nombre de prisonniers politiques était estimé à 7 000, dont une grande majorité a déclaré avoir été torturés.
La Loi de prescription a été confirmée par référendum à deux reprises, en 1989 et 2009, mais récemment des décisions de justice ont remis en cause son champ d’application.
La Cour suprême de l’Uruguay a statué à plusieurs reprises que la Loi d’exception était inconstitutionnelle parce qu’elle violait les dispositions constitutionnelles du pays ainsi que ses obligations internationales.
Le 24 mars 2011, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué que l’Uruguay était responsable de la disparition en 1976 de María Claudia García, belle-fille du poète argentin Juan Gelman, et de la dissimulation de l’identité de la fille de cette femme, Macarena Gelman.
« L’occasion qui se présentait de tourner une page douloureuse de l’histoire du pays en abandonnant un texte qui permet, dans la pratique et en violation du principe d’égalité de tous devant la loi, aux responsables de violations des droits humains d’échapper à la justice, vient malheureusement d’échapper aux Uruguayens », a conclu Guadalupe Marengo.