Yémen : Aggravation de la crise et demande d’action

À la suite du briefing du Conseil de sécurité des Nations unies en date du 12 juillet, au cours duquel des hauts responsables ont tiré la sonnette d’alarme face à l’aggravation spectaculaire de la crise au Yémen, nous nous sommes sentis obligés de vous écrire en tant que groupe de travail des ONG sur le code de conduite concernant l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

L’envoyé spécial du secrétaire général a averti que l’escalade de la violence allait entraîner une situation humanitaire « effroyable » au Yémen. Le chef du bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), Stephen O’Brien, a indiqué que sept millions de personnes étaient menacées de famine, puis il a souligné que ce conflit relevait principalement de la responsabilité du Conseil de sécurité et que les États membres devaient s’engager davantage. D’autres responsables ont signalé que l’épidémie de choléra, qui a déjà provoqué la mort de plus de 1800 personnes, était sans précédent – 22 gouvernements sur 23 sont touchés. Ils ont averti que cette maladie allait tuer un nombre beaucoup plus important de personnes en raison de l’effondrement des services de santé de base et du fait que près de 15 millions de personnes, soit plus de 55 % de la population, n’ont pas accès à des soins de santé de base ni à l’eau potable.

La situation humanitaire désastreuse du Yémen ne résulte pas d’une catastrophe naturelle, mais d’un désastre provoqué par l’homme. Le conflit armé persistant et la manière dont il est mené ne font que contribuer à cette crise humanitaire et à l’exacerber. Nous appelons tous les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme aux violations du droit international humanitaire imputables aux parties au conflit, pour empêcher une nouvelle dégradation de la situation humanitaire et obliger les responsables de ces agissements à rendre compte de leurs actes.

113 États membres des Nations unies – dont huit sont actuellement membres du Conseil de sécurité – ont adopté le Code de conduite du groupe ACT (Responsabilité, Cohérence, Transparence) et se sont, par conséquent, engagés à soutenir toute action opportune et décisive du Conseil de sécurité destinée à prévenir ou faire cesser les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre. Le Yémen est confronté de toute évidence à des atrocités ainsi que l’ont confirmé de nombreux briefings de hauts responsables des Nations unies. Des organisations de défense des droits humains ont recueilli des informations qui montrent que toutes les parties au conflit, à savoir la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, le groupe armé des Houthis et les forces qui leur sont alliées ainsi que les forces anti-Houthis, ont commis des atteintes graves au droit international humanitaire, susceptibles de constituer des crimes de guerre.

Il est temps que le Conseil de sécurité mette un terme à sa paralysie à propos du Yémen et prenne des mesures concrètes pour empêcher les atrocités de masse et assumer ainsi la responsabilité collective qu’il a de maintenir la paix et la sécurité au niveau international, comme il en est mandaté par la Charte des Nations unies.

Nous appelons tout particulièrement les États membres du Conseil de sécurité à :

faire en sorte que les mesures concernant la protection des civils et ayant pour objectif de régler la crise humanitaire et qui ont été annoncées dans le discours présidentiel du 15 juin soient mises en œuvre et appliquées avec diligence. Le Conseil de sécurité doit manifester son engagement envers le Yémen en demandant à l’envoyé spécial de soumettre un rapport sur les progrès accomplis sur chaque point de cette déclaration attendue de longue date. À ce jour, dans les cinq semaines qui ont suivi l’adoption de cette déclaration, aucune mesure n’a été prise et aucun calendrier n’a été établi pour sa mise en application ;

élargir l’embargo sur les armes imposé par la résolution 2216 des Nations unies en vue d’interdire la livraison directe ou indirecte d’armes, de munitions, de véhicules militaires, de pièces détachées ou d’autre matériel ou technologie militaire, ainsi que tout soutien logistique et financier à ces livraisons ou toute aide à leurs opérations militaires, à destination de toutes les parties au conflit, y compris la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, aussi longtemps qu’il existera un risque important que ces armes puissent être utilisées pour commettre des violations graves du droit international ;

exiger la réouverture de l’aéroport de Sanaa pour les vols commerciaux afin de permettre l’entrée dans le pays d’une aide humanitaire supplémentaire ainsi que l’évacuation des personnes ayant besoin de soins médicaux. Veiller à ce que l’accès au Yémen soit accordé aux chercheurs dans le domaine des droits humains et aux journalistes ;

exiger que toutes les parties au conflit au Yémen s’acquittent pleinement de leurs obligations découlant du droit international humanitaire en veillant à ce que des civils et des objets civils ne soient pas pris pour cible et qu’aucune attaque aveugle ou disproportionnée ne soit menée. Toutes les parties doivent autoriser la fourniture d’aide humanitaire impartiale et la favoriser ainsi que protéger les populations vulnérables sans discrimination fondée sur une affiliation tribale, religieuse ou politique ;

exiger que les parties au conflit s’acquittent de leurs obligations découlant du droit international relatif aux droits humains et qu’elles libèrent toutes les personnes détenues arbitrairement, autorisent les organisations de la société civile à fonctionner librement, mènent des enquêtes sur les atteintes aux droits humains et obligent les responsables de tels agissements à rendre compte de leurs actes.

Avec nos salutations distinguées,

Amnesty International
FIDH – Fédération internationale des droits de l’homme
Centre global pour la responsabilité de protéger
Human Rights Watch
Coalition internationale pour la responsabilité de protéger
Mouvement fédéraliste mondial – Institut de politique globale

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