Yémen, il faut libérer le personnel arbitrairement détenu de l’ONU et d’organisations de la société civile

Les autorités houthies de facto doivent libérer immédiatement 13 membres du personnel de l’ONU et au moins 14 membres du personnel d’organisations yéménites et internationales de la société civile

Détenus arbitrairement depuis un mois, ils sont victimes de la répression exercée contre les organisations humanitaires et de défense des droits humains, a déclaré Amnesty International le 4 juillet 2024.

Au début du mois dernier, les forces de sécurité houthies ont mené une série de raids à Sanaa, Hodiedah et Hajjah, et arrêté au moins 27 membres – quatre femmes et 23 hommes – du personnel d’agences de l’ONU et d’au moins sept organisations locales et internationales à leur domicile ou sur leur lieu de travail. Les autorités houthies n’ont pas révélé aux familles de ces personnes le lieu où elles étaient détenues, et ces dernières sont détenues au secret et privées de leur droit de contacter un avocat et leur famille.

« Les autorités houthies doivent libérer immédiatement tous les travailleurs et travailleuses de l’ONU et de la société civile qui sont détenus uniquement en raison de leurs activités humanitaires et de défense des droits humains »

« Cette inquiétante vague d’arrestations ciblant la communauté humanitaire et de défense des droits humains montre une fois de plus jusqu’où les autorités houthies sont prêtes à aller dans le cadre de leur répression de la société civile. De plus, ces raids vont aggraver une situation humanitaire et des droits humains déjà précaire au Yémen, car un grand nombre des personnes arrêtées s’efforçaient de fournir une assistance et une protection à celles et ceux qui en avaient le plus besoin », a déclaré Diala Haidar, chercheuse sur le Yémen à Amnesty International.

« Les autorités houthies doivent libérer immédiatement tous les travailleurs et travailleuses de l’ONU et de la société civile qui sont détenus uniquement en raison de leurs activités humanitaires et de défense des droits humains, et mettre fin à leur répression des droits à la liberté d’expression et d’association. »

Entre le 31 mai et le 9 juin, de nombreux membres des forces de sécurité houthies ont fait irruption dans les bureaux et au domicile des membres du personnel détenus, bouclant dans certains cas des quartiers entiers. Au cours des raids, ils ont fouillé les bureaux et les domiciles de ces personnes, confisqué des téléphones, des ordinateurs portables, des disques durs, des documents personnels et professionnels et des photos, et examiné le contenu de ces appareils et équipements. En outre, au moins trois proches de membres du personnel concernés, dont deux enfants, ont été détenus pendant au moins 10 jours.

Les forces de sécurité houthies ont également convoqué et interrogé des membres du personnel d’organisations de la société civile qui avaient fait l’objet de raids, les interrogeant longuement sur leur travail et leur affiliation à des pays étrangers. Au moins quatre membres du personnel ont été placés en résidence surveillée ou contraints de s’engager par écrit à ne pas quitter Sanaa.

Amnesty International s’est entretenue avec 10 personnes, dont des avocats et des spécialistes des droits humains et de l’aide humanitaire, qui connaissent la situation sur le terrain.

Créer un climat de peur

La vague d’arrestations opérées par les Houthis crée au climat de peur au sein des organisations de la société civile, les membres de leur personnel craignant d’être arrêtés ou de faire l’objet de représailles en raison de leur travail. Les arrestations ont coïncidé avec une campagne médiatique menée par les Houthis accusant les organisations humanitaires et leur personnel de « conspirer » contre les intérêts du pays dans le cadre de leurs projets.

Un expert a déclaré : « Nous craignons de connaître le même sort. La décision a été prise de fermer l’espace civique. Les Houthis se démettent de leur responsabilité quant à la détérioration des conditions de vie sous leur régime en faisant des organisations de la société civile des boucs émissaires et en les accusant de conspirer contre le pays. »

À la suite de ces arrestations, le 10 juin, les services houthis de sécurité et du renseignement ont annoncé la « découverte » de ce qu’ils ont appelé « un réseau d’espionnage ». Deux jours plus tard, Al Masirah TV, une chaîne affiliée aux Houthis, a diffusé une vidéo montrant un autre groupe de personnes, qui avaient été arrêtées entre 2021 et 2023 et qui étaient depuis détenues au secret, « avouer » avoir espionné.

Les Houthis ont l’habitude de recourir à la torture pour extorquer des aveux, ce qui incite à craindre que ces personnes n’aient été contraintes à faire des « aveux ». La diffusion d’aveux obtenus sous la contrainte porte atteinte au droit des personnes détenues à la présomption d’innocence et à leur droit de ne pas s’auto-incriminer.

Les Houthis continuent également de restreindre la circulation et l’acheminement de l’aide

Les autorités houthies ont déjà pris pour cible par le passé des membres du personnel d’organisations humanitaires et de défense des droits humains. Quatre membres yéménites du personnel onusien du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et de l’UNESCO arrêtés en 2021 et 2023 sont toujours détenus arbitrairement ; ils sont détenus au secret depuis leur arrestation. En septembre 2023, les Houthis ont arrêté Hisham Al Hakimi, directeur de la sûreté et de la sécurité de l’organisation Save the Children, et l’ont détenu au secret. Il est décédé le 25 octobre alors qu’il était toujours détenu arbitrairement.

Les Houthis continuent également de restreindre la circulation et l’acheminement de l’aide, notamment avec des contraintes administratives, par exemple en délivrant des autorisations avec du retard, en refusant de délivrer des titres de circulation ou en les délivrant avec du retard, en annulant des opérations humanitaires ou encore en perturbant la conception de projets et la mise en œuvre et l’évaluation d’activités humanitaires et en imposant la règle du mahram (tuteur masculin) aux travailleuses humanitaires yéménites voyageant à travers le pays.

Condamnés à mort pour des accusations d’espionnage forgées de toutes pièces

Depuis 2015, Amnesty International a recueilli des informations sur des dizaines de cas concernant des journalistes, des défenseurs des droits humains, des opposants politiques et des membres de minorités religieuses qui ont fait l’objet de procès inéquitables devant le Tribunal pénal spécial de Sanaa sur la base de fausses accusations d’espionnage, cette infraction étant obligatoirement sanctionnée par la peine de mort en vertu du droit yéménite. Dans tous ces cas, les autorités houthies chargées des poursuites semblaient avoir porté des accusations d’espionnage dans le but de persécuter les opposants politiques et de faire taire la dissidence pacifique.

« Les autorités houthies agissent en toute impunité et ne respectent pas l’état de droit »

Récemment, le 1er juin, le Tribunal pénal spécial a condamné 44 personnes à la peine capitale pour des accusations fallacieuses d’espionnage, à l’issue d’un procès collectif inéquitable. Seize d’entre elles ont été condamnées par contumace, et 28 ont été jugées par le Tribunal pénal spécial. Selon Abdul Majid Sabra, leur avocat, ces 28 personnes ont été soumises à la torture et à d’autres mauvais traitements afin qu’elles fassent des « aveux », détenues à l’isolement et soumises à une disparition forcée pendant neuf mois après leur arrestation.

« Les autorités houthies agissent en toute impunité et ne respectent pas l’état de droit. Au lieu d’entraver les activités des organisations humanitaires et de défense des droits humains et de menacer leur personnel, les Houthis devraient faciliter leur travail et la circulation de l’aide afin que les millions de personnes au Yémen qui ont actuellement besoin de l’aide humanitaire et d’une protection puissent en bénéficier. Ils doivent également cesser d’utiliser le système judiciaire comme un instrument de répression politique », a déclaré Diala Haidar.

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