Le 25 mai 2023, des membres des forces armées houthies ont fait irruption dans un rassemblement pacifique de la communauté baha’ie dans une résidence privée à Sanaa, et ont arrêté arbitrairement 17 personnes, dont cinq femmes. Ces personnes ont été victimes de disparitions forcées pendant environ quatre mois, jusqu’à ce que leurs familles apprennent qu’elles étaient retenues à Sanaa dans des centres de détention des services de sécurité et de renseignement administrés par les Houthis. Entre juin et décembre 2023, 12 personnes, dont les cinq femmes, ont été relâchées grâce aux pressions internationales. Toutefois, cinq hommes sont toujours détenus de façon arbitraire et privés de leur droit de bénéficier des services d’un avocat.
Les cinq Baha’is maintenus en détention arbitraire sont deux travailleurs humanitaires, Abdulelah Muhammad al Boni, 30 ans, et Hassan Tariq Thabet Al Zakari, 28 ans, et un militant des droits humains, Abdullah al Olofi, 45 ans, ainsi que Muhammad Bashir Abdel Jalil, 25 ans, et Ibrahim Ahmad Joeil, 49 ans.
« Les autorités houthies doivent mettre un terme à toutes les formes de discrimination et de persécution visant la minorité baha’ie et les personnes ciblées uniquement parce qu’elles exercent pacifiquement leur droit à la liberté de religion et de conviction »
« Il est totalement inacceptable de prendre des personnes pour cibles et de les mettre derrière les barreaux parce qu’elles exercent leurs droits et pratiquent leur religion et leurs croyances. La persécution constante des membres de la communauté baha’ie dure depuis trop longtemps en toute impunité. Il est grand temps que cesse cette parodie de justice, a déclaré Diala Haidar, chercheuse sur le Yémen à Amnesty International.
« Les autorités houthies doivent mettre un terme à toutes les formes de discrimination et de persécution visant la minorité baha’ie et les personnes ciblées uniquement parce qu’elles exercent pacifiquement leur droit à la liberté de religion et de conviction. Les Baha’is et les adeptes de toutes les minorités religieuses doivent pouvoir pratiquer librement leur religion sans discrimination ni représailles. »
Selon des sources crédibles, les Houthis ont exigé un garant et le versement d’une « garantie commerciale » comme conditions à la libération des 12 Baha’is détenus. Condition préalable à leur libération, certains ont été contraints de signer des serments dénonçant leur religion, en violation flagrante de leur droit à la liberté de religion et de croyance.
Dans le cadre d’une autre affaire en 2020, les Houthis ont libéré six détenus baha’is au bout d’environ sept ans de détention arbitraire, à condition qu’ils partent en exil, ce qu’ils ont fait. Contraindre des personnes à l’exil pour des motifs de croyances religieuses ou d’opposition politique constitue une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains.
Les discours de haine incitent à la violence contre les minorités
La détention de Baha’is en raison de leur foi bafoue les obligations du Yémen au titre du droit international et s’inscrit dans une vague de répression que mènent les Houthis contre les minorités, ce qu’Amnesty International documente depuis 2015. À maintes reprises, des représentants de l’État ont incité à la violence et à la discrimination à l’encontre des Baha’is dans des discours publics.
« Ils continuent d’inciter sans vergogne à la violence contre les Baha’is et d’autres minorités religieuses »
Quelques semaines avant l’arrestation arbitraire des 17 Baha’is, Abdel Malek al Huthi, leader des Houthis, a réitéré dans un discours ses attaques contre les minorités religieuses, notamment les Baha’is, les accusant de conspiration visant à détruire l’islam.
Le 2 juin 2023, le grand mufti affilié aux Houthis à Sanaa s’en est pris aux Baha’is du Yémen lors de son sermon du vendredi, les accusant de chercher à nuire au pays et incitant à la violence contre eux.
« Les Houthis ont bien conscience de l’impact de leurs propos emplis de haine, pourtant ils continuent d’inciter sans vergogne à la violence contre les Baha’is et d’autres minorités religieuses, a déclaré Diala Haidar.
« En outre, le gouvernement reconnu par la communauté internationale doit respecter ses obligations internationales et veiller à la protection des minorités religieuses. Il doit abroger les lois qui bafouent les droits fondamentaux à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et à la liberté d’expression. »
Le Yémen est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui garantit le droit de chacun d’avoir ou d’adopter la religion ou la conviction de son choix, ainsi que la liberté de pratiquer sa religion « individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé ».
Complément d’information
Depuis 2015, Amnesty International a recueilli des informations sur les cas d’au moins 100 adeptes de la foi baha’ie au Yémen, détenus par les autorités houthies de facto et soumis à une disparition forcée, à une détention au secret, à des actes de torture et des mauvais traitements, et privés du droit à un procès équitable.
En août 2016, les autorités houthies ont fait irruption dans un rassemblement pacifique de jeunes de la communauté baha’ie à Sanaa, et ont arrêté arbitrairement 65 personnes, dont 14 femmes et six enfants.
En septembre 2018, 24 Baha’is ont été inculpés d’accusations forgées de toutes pièces, notamment d’espionnage pour le compte d’États étrangers, dans le cadre de procédures des plus iniques. Au début de la même année, en janvier 2018, les autorités houthies ont condamné à mort Hamid Haydara, un prisonnier d’opinion baha’i âgé de 52 ans, pour collaboration présumée avec Israël et falsification de documents officiels. Cette condamnation a été prononcée alors qu’Hamid Haydara était détenu depuis décembre 2013, à l’issue d’une procédure entachée d’irrégularités sur la base de fausses accusations, d’un procès inique et d’allégations crédibles selon lesquelles il avait subi actes de torture et mauvais traitements.
Les Baha’is étaient déjà persécutés en raison de leur foi avant le conflit armé actuel, sous le régime de l’ancien président Ali Abdullah Saleh.