Zimbabwe : Les forces de sécurité doivent rendre des comptes sur les violations des droits humains

Il faut que les autorités zimbabwéennes prennent rapidement les mesures nécessaires pour amener les forces de sécurité à rendre des comptes sur les brutales violations des droits humains qu’elles commettent actuellement, y compris les actes de torture, les viols, les coups et les homicides visant la population civile, a déclaré Amnesty International le 25 janvier 2019 alors que la répression se poursuit après l’opération « ville morte » de la semaine précédente.

Des dizaines de responsables de la société civile, de militant·e·s, de dirigeant·e·s de l’opposition et d’instigateurs/trices présumés des manifestations nationales contre la flambée du prix du carburant sont entrés dans la clandestinité, craignant pour leur vie.

Au moins 12 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres ont été blessées par les forces de sécurité depuis le début des manifestations, le 14 janvier. Jusqu’à 700 personnes, dont des mineur·e·s, ont été placées en détention après avoir été arrêtées pour des charges controuvées ou présentées à la justice lors d’audiences non conformes aux normes d’équité des procès. Des centaines ont vu leur demande de libération sous caution rejetée.

« L’offensive des forces de sécurité zimbabwéennes a pris la forme d’homicides, d’arrestations arbitraires, d’enlèvements, de viols présumés et de placements en détention de personnes soupçonnées d’avoir pris part aux manifestations. Des enfants, âgés de 11 ans seulement pour les plus jeunes, ont été arrêtés pour des charges abusives, a déclaré Deprose Muchena, directeur du programme Afrique australe à Amnesty International.

« Il faut que les autorités zimbabwéennes cessent immédiatement de menacer les responsables de la société civile, les militant·e·s, les dirigeant·e·s de l’opposition et les instigateurs/trices présumés de manifestations. Elles doivent veiller à ce que les personnes qui ont violé les droits humains ou continuent à le faire soient traduites en justice. »

Amnesty International a recueilli des informations faisant état de violations systématiques des droits humains, notamment de restrictions des réunions publiques, d’un recours excessif à la force, d’arrestations arbitraires et de coupures de l’accès à Internet par les forces de sécurité pendant toute l’opération « ville morte » organisée au niveau national.

L’appel à rester chez soi et à ne pas se rendre au travail a été lancé après que le président Emmerson Mnangagwa a annoncé une hausse de 150 % du prix du carburant le 12 janvier. Le fonctionnement des entreprises a été perturbé pendant plusieurs jours du fait de la répression et, depuis lors, le Zimbabwe a retrouvé un calme relatif.

Recours excessif à la force et arrestations arbitraires

Les forces de sécurité zimbabwéennes ont réagi aux manifestations en déployant l’armée, la police et des agents du renseignement. Elles ont eu recours à une force excessive et meurtrière pour disperser les manifestant·e·s au moyen de gaz lacrymogène, de matraques, de canons à eau et de munitions réelles.

Les forces de sécurité ont aussi procédé à des arrestations arbitraires en grand nombre et roué de coups des manifestant·e·s. Elles ont effectué un ratissage et arrêté les personnes soupçonnées d’avoir organisé l’opération « ville morte ».

Entre 600 et 700 personnes, dont des militant·e·s et des responsables de la société civile, ont été détenues arbitrairement, souvent pour des charges controuvées.

Evan Mawarire, pasteur et militant local bien connu, a été arrêté à son domicile de Harare le 16 janvier à l’aube. Emmené par une douzaine de policiers armés de fusils AK-47, il a ensuite été inculpé d’incitation à la violence publique. Cette charge a été requalifiée en subversion d’un gouvernement constitutionnel. Evan Mawarire est détenu à la prison centrale de Harare et sa demande de libération sous caution a été rejetée le 18 janvier.

Coupures de l’accès à Internet

Le 15 janvier, les pouvoirs publics ont autorisé une coupure nationale de l’accès à Internet, qui a totalement bloqué la circulation de l’information sur l’ensemble du territoire. Depuis lors, l’accès à Internet est sporadique, ce qui a des répercussions pour de nombreuses personnes qui se retrouvent ainsi dans l’impossibilité de réaliser certaines transactions financières, notamment d’acheter des biens essentiels, étant donné la pénurie d’argent liquide dans le pays.

Par ailleurs, les forces de sécurité prennent pour cible des médecins fournissant des soins plus que nécessaires à des personnes blessées, tant dans les hôpitaux que dans les prisons, et les empêchent de faire leur travail. Trois médecins, membres de l’Association des médecins du Zimbabwe pour les droits humains (ZADHR), n’ont pas pu voir ni examiner des personnes en garde à vue et en prison. Les autorités ont accusé la ZADHR, une organisation non gouvernementale (ONG) locale, de soutenir les manifestants en soignant les personnes blessées.

« Brutaliser les personnes dissidentes ne permettra jamais de construire un Zimbabwe prospère et fondé sur l’état de droit. Les autorités doivent cesser immédiatement cette répression sans merci qui vise les militant·e·s, les responsables de la société civile et d’autres personnes qui n’ont fait qu’exercer leur droit à la liberté d’expression », a déclaré Deprose Muchena.

Amnesty International invite les autorités à montrer qu’elles s’engagent véritablement à l’égard des droits humains, notamment en respectant, protégeant, promouvant et concrétisant pleinement les droits aux libertés de réunion pacifique, d’association et d’expression, ainsi que le droit à un procès équitable.

En outre, l’organisation les exhorte à respecter les droits humains de tous et toutes, y compris les opposant·e·s politiques, les défenseur·e·s des droits humains, les responsables de la société civile, les journalistes et les autres personnes dont les opinions sont considérées comme critiques à l’égard de l’État.

« Le président Emmerson Mnangagwa a appelé toute la population zimbabwéenne à se rassembler en ce moment difficile. Cela passe aussi par le respect des droits humains », a déclaré Deprose Muchena.

Complément d’information

Le 12 janvier, le président Emmerson Mnangagwa a annoncé une hausse du prix du carburant, qui est entrée en vigueur le 13 janvier. Le diesel et l’essence, indispensables au transport des personnes et des biens de consommation au Zimbabwe, ont vu leur prix augmenter de 150 %.

En réaction, le Congrès zimbabwéen des syndicats (ZCTU), la plus grande organisation de travailleurs et travailleuses du pays, a appelé à une opération « ville morte » à l’échelon national à compter du 14 janvier.

Les autorités ont alors lancé une répression nationale des droits aux libertés de réunion pacifique, d’association et d’expression.

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