Zimbabwe. Harcèlement et intimidation à l’approche des élections


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Alors que les Zimbabwéens s’apprêtent à voter à l’occasion des élections nationales du 29 mars, Amnesty International a tenu à faire savoir ce mercredi 26 mars que le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion était indûment restreint dans le pays à l’approche du scrutin.

« Bien que, par rapport aux élections précédentes, les partis d’opposition semblent jouir d’un meilleur accès à des zones dans lesquelles ils ne pouvaient se rendre auparavant dans le secteur rural, des actes d’intimidation, de harcèlement et de violence contre des personnes perçues comme des partisans des candidats de l’opposition continuent de nous être signalés, et dans de nombreuses régions rurales, la crainte de représailles après les élections subsiste », a déclaré Simeon Mawanza, responsable des recherches sur le Zimbabwe au sein d’Amnesty International, de retour d’une mission récente dans ce pays.

Le 7 mars, trois membres de la faction du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) conduite par Morgan Tsvangirai collaient des affiches de campagne à Bulawayo lorsque des membres de l’Organisation centrale de renseignements (CIO) leur ont ordonné de les enlever. Les membres du CIO ont forcé un des hommes du groupe à mâcher et avaler des affiches. Une femme du groupe a ensuite été forcée à mâcher et avaler les trois quarts d’une affiche. Tous les trois ont été autorisés à partir lorsque les membres du CIO ont dû se rendre à un meeting politique.

« Dans certains endroits, les policiers imposent des restrictions indues aux activités des membres des partis d’opposition tout en accordant aux partisans du parti au pouvoir la jouissance totale de leurs droits », a ajouté Simeon Mawanza.

Le 10 mars ou aux alentours de cette date, à Plumtree, cinq personnes qui s’occupaient du système de sonorisation lors d’un rassemblement de partisans de Simba Makoni, candidat indépendant à la présidence, ont été brièvement détenues au poste de police de Plumtree. Elles ont été libérées sans avoir été inculpées après intervention du candidat.

Amnesty International a souligné que dans de nombreuses zones rurales les denrées alimentaires étaient encore utilisées à des fins politiques par les fonctionnaires du parti au pouvoir. Les personnes soupçonnées de sympathies pour les candidats et partis d’opposition continuent de faire l’objet de discrimination, ce qui se traduit notamment par plus de difficultés pour obtenir le maïs le moins cher vendu par l’Office de commercialisation des céréales (GMB), organisme d’État qui gère les réserves stratégiques de céréales du pays.

En février 2008, un haut responsable du parti au pouvoir et des anciens combattants auraient empêché un conseiller du MDC (faction de Tsvangirai) à Lupane de prendre possession de 235 sacs de maïs achetés au GMB. Ce haut responsable du parti au pouvoir aurait déclaré que « le maïs du GMB ne [devait] pas être distribué aux partisans du MDC. »

Bien que la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité et la Loi relative à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée aient été modifiées en janvier 2008, officiellement pour protéger les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression, des restrictions demeurent. La police semble en outre se référer à la version non modifiée de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité.

« L’application de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité est motivée par le désir de porter un coup d’arrêt aux activités des personnes perçues comme des opposants politiques, a déclaré Simeon Mawanza. Les organisations de la société civile sont soumises à une surveillance constante des organes de sécurité de l’État – notamment de la police. Les techniques de surveillance vont de la présence d’agents de renseignement aux réunions politiques aux visites dans les bureaux pour interroger le personnel et les invités de ces organisations. Ce type de harcèlement et d’intimidation rend le travail des organisations de défense des droits humains extrêmement difficile en ce moment. »

Le 21 mars, huit femmes appartenant à l’organisation militante Femmes du Zimbabwe, debout ! (WOZA) ont été brièvement détenues par la police à Pumula, dans la banlieue de Bulawayo, alors qu’elles collaient des affiches encourageant la population à aller voter. Elles ont été emmenées au poste de police de Pumula, où elles ont été interrogées pendant une trentaine de minutes avant d’être relâchées sans avoir été inculpées.

Les organisations de la société civile, ainsi que les candidats et partis d’opposition, rencontrent également des difficultés pour accéder aux stations de radio et de télévision sous la tutelle de l’État. Il n’y a pas actuellement de quotidiens privés au Zimbabwe et aucune radio privée n’a obtenu le droit d’émettre.

Amnesty International demande instamment à la police zimbabwéenne de respecter les droits à la liberté d’association et de réunion pacifique de tous les candidats et des organisations de la société civile qui mènent leurs activités légitimes pendant et après la période électorale.

« La police doit faire en sorte que tous les Zimbabwéens puissent participer à des mouvements de protestation pacifiques avant et pendant les élections, et elle doit renoncer à toute utilisation d’une force excessive, de la torture ou d’autre traitement cruel, inhumain ou dégradant, a déclaré Simeon Mawanza.

« Il faut aussi qu’elle enquête sur tous les actes de violence et d’intimidation signalés et défère à la justice les personnes soupçonnées de tels agissements. »

Amnesty International appelle également les dirigeants des organes de sécurité à ne pas faire de déclarations susceptibles d’alimenter la violence en période électorale.

Les propos récents de responsables de la sécurité, le commissaire général de la police, le directeur de l’administration pénitentiaire et le chef des forces armées notamment, selon lesquels ils ne reconnaîtraient pas la victoire d’un candidat de l’opposition, ont fait croître l’anxiété parmi la population.

« Les responsables de la sécurité doivent agir de manière non partisane et protéger les droits de tous les citoyens, a conclu Simeon Mawanza. La façon dont les organismes en charge de la sécurité de l’État se conduiront - quel que soit le résultat de l’élection – sera cruciale pour la sauvegarde des droits de tous les Zimbabwéens dans la période post électorale. »

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