COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Johannesburg, 10 décembre 2008 – Après les enlèvements de trois défenseurs des droits humains en moins d’une semaine par des personnes soupçonnées de travailler pour les autorités zimbabwéennes, Amnesty International, Human Rights Watch et l’Open Society Institute ont demandé ce mercredi 10 décembre 2008 qu’il soit immédiatement mis un terme aux enlèvements et que les personnes enlevées soient libérées sans délai.
Ces organisations de défense des droits humains ont lancé un appel conjoint aux organisations régionales et internationales afin qu’elles prennent des mesures efficaces pour protéger ceux qui se battent en faveur des droits humains au Zimbabwe. Ces enlèvements de militants interviennent alors que le pays est plongé dans une crise humanitaire sans précédent, avec notamment une épidémie de choléra et une grave pénurie alimentaire pour lesquelles le gouvernement a demandé une aide internationale.
Derrière la crise politique et l’urgence humanitaire se cache une aggravation de la crise des droits humains au Zimbabwe, dont le dernier épisode en date est cette vague sans précédent d’enlèvements de défenseurs des droits humains , a déclaré Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International. Ces événements montrent l’audace d’un régime prêt à tout pour rester au pouvoir, quel qu’en soit le prix. Seule une pression concertée venant de l’extérieur, en particulier des dirigeants africains, permettra de sortir de cette situation.
Les trois organisations ont exhorté l’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe et les Nations Unies à montrer l’exemple en faisant pression sur le président Robert Mugabe, et ont appelé les dirigeants africains à condamner publiquement et unanimement ces actes. Elles ont demandé que des pressions soient exercées sur les autorités zimbabwéennes afin qu’elles respectent leurs obligations internationales, qu’elles mettent un terme aux disparitions forcées, et qu’elles veillent à ce que des enquêtes soient ouvertes et que les responsables aient à rendre des comptes.
La situation au Zimbabwe est en train de devenir incontrôlable , a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. Le gouvernement a fait clairement savoir qu’il n’était pas en capacité de résoudre la crise humanitaire et qu’il n’avait pas l’intention de cesser son combat acharné contre les opposants. Les dirigeants de la région et du monde entier doivent réagir de toute urgence.
Le harcèlement et les mauvais traitements à l’encontre des défenseurs des droits humains et de leurs familles se sont intensifiés ces derniers jours. Trois défenseurs des droits humains et un proche d’un éminent avocat spécialisé dans les droits humains ont été enlevés ; on ignore qu’ils sont devenus. D’après les éléments recueillis, ces enlèvements auraient été commis par des personnes agissant pour le compte des autorités zimbabwéennes ou avec leur assentiment.
Il est plus indispensable que jamais de se battre pour le respect des droits humains au Zimbabwe , a déclaré Aryeh Neier, président de l’Open Society Institute. L’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe, avec le soutien des Nations Unies, doivent montrer l’exemple pour prouver que l’Afrique a la capacité et la volonté de résoudre cette grave crise de manière à soulager les souffrances de la population zimbabwéenne.
Même s’il subsiste des doutes quant à l’identité des ravisseurs des quatre personnes enlevées, les autorités zimbabwéennes ont clairement la responsabilité de déterminer ce que ces personnes sont devenues et de révéler leur sort. Cette inaction des autorités – sans même parler de reconnaître les enlèvements – revient à soustraire les personnes enlevées à la protection de la loi et peut constituer une disparition forcée, qui est une grave violation du droit international.
La manière dont cette affaire est traitée montre bien l’effondrement total de l’état de droit au Zimbabwe , a déclaré Beatrice Mtetwa, avocate zimbabwéenne primée pour son travail en faveur des droits humains, qui s’occupe de ces affaires d’enlèvements. Les citoyens ne peuvent plus compter sur la protection des tribunaux.
Complément d’information sur les enlèvements
• Le 3 décembre 2008, Jestina Mukoko, directrice d’une organisation nationale de défense des droits humains, Zimbabwe Peace Project (ZPP), a été emmenée de force par une quinzaine d’hommes en civils, dont certains portaient des armes de poing. Ces hommes, qui ont fait irruption tôt le matin à son domicile, à Norton, dans la province de Harare, se sont présentés comme des policiers de la section de la police nationale en charge du maintien de l’ordre. Or, la police zimbabwéenne a nié détenir Jestina Mukoko. Le 5 décembre, ses avocats ont introduit une requête en habeas corpus devant la Haute Cour, mais pour l’instant aucun juge n’a accepté d’examiner cette affaire.
• Le 5 décembre, vers minuit, Zacharia Nkomo, frère de Harrison Nkomo – autre avocat connu pour défendre les droits humains, qui travaillait sur l’affaire Jestina Mukoko – a été enlevé à son domicile, à Rujeko (province de Masvingo), par quatre inconnus en civil. Ces hommes se déplaçaient dans deux pick-up identiques, des Toyota Virgo de couleur verte et argent.
• Le 8 décembre, deux employés de l’organisation Zimbabwe Peace Project, Broderick Takawira, coordonnateur provincial, et Pascal Gonzo, chauffeur, ont été enlevés par cinq inconnus qui ont pénétré de force dans les locaux de l’organisation, à Mount Pleasant (province de Harare). Les ravisseurs – qui étaient en civil – ont fait monter de force les deux hommes dans l’un des six monospaces Mazda Familia qui attendaient devant la porte.
D’autres employés de cette organisation auraient aussi été suivis par des inconnus dans d’autres régions du Zimbabwe.