Zimbabwe. Une politique du logement bâtie sur des échecs et des mensonges

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFR 46/015/2006

Amnesty International a condamné ce vendredi 8 septembre le programme du gouvernement zimbabwéen, mis en œuvre à grand renfort de publicité pour aider en apparence les victimes de l’opération Murambatsvina, un programme d’expulsions forcées en masse qui a privé de domicile des centaines de milliers de personnes.

L’opération Garikai/Hlalani Kuhle (« Vie meilleure ») a été lancée en juin 2005 ; le gouvernement affirmait qu’elle fournirait un meilleur logement aux personnes ayant perdu leur domicile lors de l’opération Murambatsvina.

Un an après ces expulsions forcées en masse, Amnesty International est revenue au Zimbabwe pour enquêter sur les éventuelles mesures prises par le gouvernement zimbabwéen pour restaurer les droits humains des centaines de milliers de victimes de l’opération Murambatsvina.

Les conclusions de l’organisation, figurant dans deux rapports publiés ce vendredi 8 septembre, révèlent que contrairement aux déclarations du gouvernement, presque aucune des victimes de l’opération Murambatsvina n’a bénéficié des reconstructions : seules quelque 3 325 habitations ont été construites – à comparer aux 92 460 domiciles détruits lors de l’opération Murambatsvina ; en outre, la construction s’est arrêtée sur de nombreux sites.

De plus, alors que le gouvernement a présenté l’opération Garikai/Hlalani Kuhle comme un programme de construction de logements par le gouvernement au profit des victimes de l’opération Murambatsvina, de nombreuses personnes reçoivent en réalité de petites parcelles de terrain dénudé, souvent sans accès à l’eau ou aux installations sanitaires, sur lesquelles ces personnes doivent construire leur propre habitation sans aide.

Des images par satellite de seulement quatre sites au Zimbabwe montrent la destruction de plus de 5 000 habitations – prouvant que le programme de construction tant médiatisé du gouvernement a créé à l’échelle nationale un nombre de logement inférieur à celui des habitations détruites dans une petite partie du pays.

« L’opération Garikai constitue une réponse totalement inadaptée aux violations massives des droits humains commises en 2005, et n’a en réalité donné qu’un résultat très maigre », a déclaré Kolawole Olaniyan, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. « Des centaines de milliers de personnes expulsées lors de l’opération Murambatsvina ont dû trouver elles-mêmes leur propre solution à leur privation de domicile. Très peu de logements ont été construits. La majorité des habitations présentées comme ‘construites’ sont inachevées, sans portes, sans fenêtres, sans revêtement de sol, voire sans toit. Ces logements ne disposent pas non plus d’accès à des installations correctes d’eau potable et d’évacuation sanitaire. »

« Une bonne partie des quelques maisons qui ont été construites sont non seulement inhabitées, mais inhabitables. »

En outre, sur la plupart des sites visités par les chercheurs d’Amnesty International, des habitations et des parcelles de terrain ont été allouées à des personnes qui n’avaient pas été expulsées pendant l’opération Murambatsvina. Les chercheurs ont découvert que dans la plupart des régions du pays, aucun bilan n’a jamais été dressé pour identifier les victimes de l’opération Murambatsvina ou pour établir où elles se trouvent à présent. De plus, des responsables gouvernementaux ont clairement déclaré qu’au moins 20 p. cent des logements iront aux fonctionnaires, policiers et militaires – plutôt qu’aux personnes dont les logements ont été détruits pendant l’opération Murambatsvina.

Des dizaines de milliers de personnes – principalement des femmes défavorisées – ont perdu leur moyen d’existence dans la vente et le commerce informels lors de l’opération Murambatsvina, en plus de leur domicile. Le gouvernement a détruit leur seule source de revenu ; en outre, quant aux quelques victimes d’expulsion qui se sont vu « proposer » une habitation ou une parcelle non viabilisée, le gouvernement attend de ces personnes qu’elles les payent.

« Le gouvernement zimbabwéen a tenté de couvrir des violations massives des droits humains par une opération de relations publiques », a commenté Kolawole Olaniyan. « Les victimes de l’opération Murambatsvina figuraient parmi les personnes les plus pauvres du Zimbabwe. Leur expulsion et la démolition de leur domicile les ont plongées dans une pauvreté encore plus grande, en leur retirant le peu qu’ils avaient, comme leurs vêtements, leurs meubles et même leur nourriture. À présent, le gouvernement zimbabwéen leur demande sans honte de payer pour des bâtiments inachevés et non conformes – ou pour les terrassements destinés à les accueillir – à des prix qui auraient déjà été bien au-dessus de leurs moyens, avant même la destruction de leurs domiciles et moyens d’existence l’année passée. »

Une veuve, locataire d’un domicile détruit, a décrit à Amnesty International la salle d’eau qu’elle occupe avec son fils, dans une maison partagée par trois familles. À Victoria Falls, les chercheurs ont rencontré un homme vivant dans une pièce destinée à servir de toilettes ; l’habitation qu’il louait a été détruite l’année dernière. Plusieurs milliers de personnes sont toujours sans toit, vivant dans des abris de fortune.

Actuellement, 83 p. cent de la population du Zimbabwe survit sous le seuil de pauvreté des Nations unies, soit 2 dollars des États-Unis par jour. Le taux de chômage avoisine 80 p. cent.

Amnesty International a demandé que l’opération Garikai/Hlalani Kuhle soit soumise à un examen urgent et exhaustif, pour la mettre en conformité avec les obligations du gouvernement zimbabwéen en matière de droits humains. Amnesty International a également exhorté le gouvernement à demander une aide internationale pour répondre aux besoins de ses populations dans le domaine humanitaire et du logement, s’il ne parvient pas à le faire lui-même.

« L’opération Garikai/Hlalani Kuhle n’a résolu aucun problème, a déclaré Kolawole Olaniyan. En outre, sa mise en œuvre a provoqué de nouvelles violations des droits humains. »

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