À l’occasion des 6 ans depuis la révision de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en Belgique du 15 octobre 2018, la plateforme Abortion Right, qui rassemble de nombreuses organisations de la société civile dont Amnesty International Belgique francophone, a adressé le courrier ci-dessous aux 150 parlementaires qui siègent à la Chambre des représentants de Belgique.
Nous exhortons les parlementaires belges à agir rapidement et fermement en adoptant rapidement les modifications législatives nécessaires afin de mettre en œuvre les recommandations du rapport d’expert·es formulées en avril 2023, en ce compris la suppression des sanctions pénales, la reconnaissance de l’avortement comme un soin de santé, l’allongement du délai légal à 18 semaines et la suppression du délai de réflexion obligatoire entre l’entretien préalable et l’IVG.
L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi.
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15 octobre 2024
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Il y a 6 ans jour pour jour, le 15 octobre 2018, la révision de loi belge relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) était adoptée : l’IVG était alors retirée du Code pénal, sans pour autant être totalement dépénalisée, des sanctions pénales persistant à l’encontre des femmes qui avortent et des médecins qui dispensent ce soin en dehors du cadre légal.
Le 24 septembre dernier, la proposition de loi relative à l’IVG du Parti Socialiste était rejetée en Commission Justice de la Chambre des représentants, conséquence d’un marchandage politique qui sacrifie les droits humains de toute femme et de toute autre personne pouvant être enceinte en Belgique. C’est inacceptable.
Les propos outranciers et délétères du Pape lors de sa visite en Belgique fin septembre, qualifiant la législation belge sur l’IVG de "meurtrière" et comparant les médecins qui dispensent ce soin à des "tueurs à gages", sont venus alimenter la stigmatisation existante et persistante à l’égard des femmes, des filles et de toute personne ayant avorté ou étant susceptible d’avorter ainsi que des soignant·es qui dispensent ce soin. Par ailleurs, ces mots ont heurté un grand nombre de personnes, quelles que soient leurs convictions religieuses ou personnelles, en particulier toutes celles qui ont eu ou auront un jour recours à une IVG. C’est déplorable.
Les dénonciations massives des propos du souverain pontife de nombres d’entre vous individuellement, ainsi que de la majorité de vos différentes formations politiques, ont été entendues mais elles doivent dès à présent se traduire en acte fort et concret, en votant en faveur du changement de la loi actuelle. En vertu des obligations internationales en matière de droits humains qui vous incombent, vous devez maintenant faire tout ce qui est en votre pouvoir pour garantir un accès à l’avortement sans entraves, sans sanctions pénales et sans discrimination en Belgique.
Les sanctions pénales qui persistent à l’encontre des femmes et des médecins qui agissent en dehors du cadre légal actuel, le fait que l’avortement n’est pas reconnu légalement comme un soin de santé régi par le droit médical, le délai légal limité à 12 semaines de grossesse pour avorter et le délai obligatoire de 6 jours à observer entre l’entretien préalable et l’IVG sont autant d’entraves, de restrictions et de discriminations qu’il faut supprimer. C’est indispensable.
Les restrictions à l’avortement ne font qu’accentuer les risques pour la vie et la santé auxquelles les femmes, les filles et toute autre personne enceinte doivent faire face. Chaque année, dans le monde, 4,7 % à 13,2 % des décès maternels peuvent être attribués à un avortement non sécurisé, selon l’OMS.
La reconnaissance de l’IVG comme un soin de santé est par ailleurs désormais soutenue par un consensus scientifique et médical en Belgique. 35 expert·es représentant toutes les universités du pays ont élaboré, il y a plus d’un an et demi déjà, un rapport scientifique qui démontre que la législation actuelle n’est pas en phase avec les réalités de la pratique médicale ni avec les droits et les besoins des patients et patientes. En définissant l’IVG comme une question de santé publique, il devient évident qu’il est nécessaire de la réguler, non sous l’angle du droit pénal, mais sous celui de la santé et des droits reproductifs.
Il vous appartient également de donner un signal clair de soutien à toutes les femmes et toute autre personne susceptible d’être enceinte et donc d’avorter, ainsi qu’à tout le personnel soignant qui pratique des avortements œuvrant dans le cadre de la loi au service de la santé publique. La pénurie de médecins pratiquant l’IVG que nous connaissons actuellement en Belgique rend un tel signal encore plus nécessaire et urgent.
La société civile unie peine à comprendre que le Parlement s’empêche de voter sur une série de sujets au motif que cinq Présidents de partis négociant pour l’instant un accord de gouvernement refusent actuellement que leurs parlementaires votent tout texte qui ne ferait pas consensus entre eux. Il y a urgence et le travail législatif, d’initiative parlementaire, ne peut être empêché de la sorte. La perspective de voir la question de l’IVG abandonnée à un marchandage politique est incompréhensible. Il est de votre responsabilité de défendre les droits fondamentaux et de protéger les acquis de notre société, fondés sur la liberté de choix, le respect des droits humains et le soutien du progrès scientifique.
Nous vous exhortons à agir rapidement et fermement en ce sens, en adoptant rapidement les modifications législatives nécessaires afin de mettre en œuvre les recommandations du rapport d’expert·es formulées en avril 2023, en ce compris la suppression des sanctions pénales, la reconnaissance de l’avortement comme un soin de santé, l’allongement du délai légal à 18 semaines et la suppression du délai de réflexion obligatoire entre l’entretien préalable et l’IVG.
À l’heure où les campagnes anti-choix et anti-genre progressent en Europe, il vous appartient de faire de la Belgique un État garant des droits fondamentaux que sont les droits reproductifs et le droit à l’avortement en particulier.
Veuillez agréer, mesdames et messieurs les parlementaires, nos salutations les plus distinguées.
Les membres de la plateforme Abortion Right.
Organisations membres de la plateforme :
Amnesty International Belgique francophone, Centre d’Action Laïque, Conseil des Femmes Francophone de Belgique, deMens.nu – Unie Vrijzinnige Verenigingen vzw, Fédération des Centres de Planning et de Consultations, Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial, Fédération Laïque de Centres de Planning familial, La Fédé militante des centres de Planning familial solidaires – Sofélia, Furia, Groupe d’Action des Centres Extra-Hospitaliers Pratiquant L’Avortement ASBL, Garance, Humanistisch – Vrijzinnige Vereniging (HVV), LUNA abortus centra, Médecins du Monde – Dokters van de Wereld, Nederlandstalige Vrouwen Raad (NVR), O’Yes asbl, Synergie des femmes pour l’égalité entre les Femmes et les Hommes, Université des femmes, VUB Dilemma et de nombreux centres de planning familial.