En Belgique, plus d’une personne sur quatre qui ont avorté n’ont pas pu le faire légalement

À l’approche de la Journée mondiale pour le droit à l’avortement (28 septembre), Amnesty International publie ce jeudi les résultats d’un nouveau sondage montrant notamment que plus d’une personne sondée sur quatre (28,8 %) qui ont eu recours à l’avortement l’ont fait illégalement, tant en Belgique qu’à l’étranger, ou légalement à l’étranger. Près d’un avortement sur deux (41,9 %) a ainsi été réalisé illégalement, tant en Belgique qu’à l’étranger, ou légalement à l’étranger.

« Tout le monde ou presque connaît une personne qui a avorté »

Le sondage montre également que l’avortement est une réalité très présente dans la société belge. Si 11 % des personnes sondées rapportent avoir déjà avorté, ce sont plus d’un·e répondant·e sur trois (39 %) qui déclarent avoir dans leur entourage une personne qui a déjà avorté.

« L’avortement est donc beaucoup plus répandu qu’on ne le croit ; compte tenu du tabou qui entoure l’avortement et limite certainement le partage de cette information personnelle, nous pouvons affirmer sans prendre de risque que tout le monde ou presque connaît une personne qui a avorté, indique Carine Thibaut, directrice de la section belge francophone d’Amnesty International.

« Il est également très inquiétant de constater que tant de personnes sont contraintes de se placer dans l’illégalité ou de sortir des frontières belges pour avorter. Bénéficier de la possibilité d’avorter de manière sûre, légale et sans entraves est un droit fondamental. Or, dans sa forme actuelle, le cadre légal belge ne cesse de générer des obstacles inutiles et dangereux, criminalisant des personnes qui désirent avorter. Ces personnes se voient donc contraintes de se rendre à l’étranger, devant faire face à des dépenses importantes. Et à condition, du reste, qu’elles en aient les moyens. »

Un soutien massif au droit à l’avortement

Parmi les éléments saillants que mettent en lumière les résultats du sondage figure le soutien massif au droit à l’avortement de la part de la population en Belgique. À la question « êtes-vous personnellement en faveur du droit à l’avortement », 92,5 % des personnes sondées répondent de manière affirmative.

Des questions plus précises permettent de confirmer cette tendance positive. Ainsi, plus de 80 % des répondant·es estiment que le droit à disposer de son corps est un droit essentiel, incluant le droit à l’avortement, accessible de manière sûre, légale, sans entrave et discriminations. Une même proportion pensent en outre que l’accès à l’avortement devrait être identique et abordable pour toutes les personnes, quel que soit leur statut légal en Belgique.

Parallèlement à ce soutien, les répondant·es sont conscient·es de l’existence d’obstacles au droit à l’avortement. Ainsi, plus d’une personne sondée sur cinq (22 %) placent le délai légal de 12 semaines après conception pour avorter, jugé trop court, dans leur « top 3 » des principaux obstacles à l’avortement.

De façon un peu plus marquée, la pression sociale (45 %) ; les raisons culturelles ou religieuses (38,6 %) ; l’opposition du/de la partenaire (26,7 %) ; les délais d’attente pour un rendez-vous et une intervention trop longs à cause de la pénurie de médecins qui pratiquent (23,1 %) se retrouvent également dans le « top 3 » des personnes sondées.

« Il est interpellant de constater que la pression sociale telle que les répondant·es la perçoivent apparaît comme le principal obstacle alors même que le soutien en faveur du droit à l’avortement est si marqué. Nous espérons que ces chiffres positifs aideront les personnes qui ressentent le poids de cette pression à reprendre confiance dans la société et sur le regard qui est porté sur ce soin de santé essentiel qu’est l’avortement », remarque Carine Thibaut.

Une méconnaissance du cadre légal dommageable

Un autre grand enseignement de ce sondage est la méconnaissance de la part du public du cadre légal relatif à l’avortement. En effet, trois personnes sondées sur quatre ignorent le nombre de semaines de grossesse jusqu’auquel l’avortement est autorisé, de même que l’existence d’un délai de réflexion obligatoire et de sanctions pénales.

« Si deux personnes sur trois pensent connaître le cadre juridique relatif à l’avortement en Belgique, seulement 6 % des répondant·es ont en réalité des connaissances correctes quant au délai légal pour avorter et savent qu’il existe un délai obligatoire de réflexion. En moyenne, les personnes interrogées obtiennent la note de 3,8 sur 10 lorsqu’on leur soumet une série de questions sur la législation encadrant l’avortement dans notre pays.

« Cette méconnaissance peut être extrêmement dommageable. Il est de la responsabilité de nos autorités de veiller à ce que toutes les informations concernant ce soin de santé essentiel soient transmises de façon complète et efficace à l’ensemble de la population, et ce, afin que les personnes qui ont besoin d’avorter puissent prendre des décisions libres et éclairées quant à leur santé et leur vie », commente Carine Thibaut.

Ainsi, seulement 16 % des répondant·es savent que l’avortement est encore passible de sanctions pénales en Belgique, avec des peines de prison et des amendes.

« Plus de 4 personnes sondées sur dix (41,8 %) pensent qu’en Belgique, l’avortement est considéré comme un soin de santé et est couvert par le droit médical, comme toute prestation de santé. Ce n’est malheureusement pas la réalité ; de façon complètement incompréhensible, l’avortement continue d’être légalement placé en dehors du champ des soins médicaux courants, ce qui, d’une part, déforce les droits des personnes ayant besoin de tels soins et, d’autre part, renforce les obstacles et la stigmatisation qui entourent les soins liés à l’avortement », insiste Carine Thibaut.

Alors que des sanctions pénales sont prévues en Belgique en cas de non-respect de la loi sur l’avortement, plus de 7 personnes sur 10 interrogées dans le cadre du sondage commandé par Amnesty International considèrent que l’avortement ne devrait pas exposer à de telles sanctions.

La Belgique ne respecte toujours pas le droit à l’avortement

Depuis les élections législatives de juin 2024, aucun progrès n’a été enregistré en ce qui concerne le droit à l’avortement en Belgique. D’après les dernières annonces du Premier ministre, Bart De Wever, en la matière, un projet de loi serait en préparation. Des sources bien informées affirment que la réforme de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) se limiterait à une prolongation du délai légal de 12 à 14 semaines post-conception pour accéder à un avortement.

« Cette prolongation ne réglerait nullement le problème. Un grand nombre de personnes se trouvant en dehors du délai légal seraient toujours contraintes de se rendre à l’étranger pour avorter et celles qui ne peuvent se permettre de franchir les frontières belges devraient, soit poursuivre des grossesses non désirées, soit recourir à des moyens non sûrs, car illégaux, pour interrompre leur grossesse », dénonce Carine Thibaut.

Du reste, les autres aspects problématiques de la loi actuelle subsisteraient, tels que : les sanctions pénales qui persistent à l’égard des femmes et des médecins qui agissent hors du cadre légal ; la période de réflexion obligatoire de six jours entre le premier rendez-vous et l’intervention ; l’obligation pour le/la soignant·e qui pratique l’avortement de donner à la personne qui souhaite avorter des informations sur l’adoption et les différentes « options de prise en charge » disponibles de l’enfant ; ainsi que tous les autres obstacles à l’accès à un avortement sûr et légal.

« Cette criminalisation de l’avortement renforce la stigmatisation, cette “pression sociale” que près d’un répondant ou une répondante sur deux identifient comme un obstacle majeur au droit à l’avortement. Cette criminalisation qui n’a aucun lieu d’être met encore plus en danger la santé des personnes enceintes, portant ainsi atteinte aux droits à la vie, à la santé et au bien-être de milliers de personnes.

Le fait d’interdire et/ou de criminaliser l’avortement ne fera jamais qu’on cesse d’y recourir ; les personnes concernées chercheront toujours des manières de mettre fin à leur grossesse si elles en ont besoin. Ce qui est essentiel, c’est qu’elles puissent le faire de manière sûre, légale, et sans entraves », conclut Carine Thibaut.

Complément d’information

Le sondage a été réalisé par iVOX à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie entre le 2 et le 16 juin 2025 sur un échantillon de 2 000 personnes. Cet échantillon est représentatif en ce qui concerne le sexe, l’âge, la langue et le niveau d’éducation.

En juillet 2024, Amnesty International a lancé une campagne en faveur du droit à l’avortement en Belgique.

Par le biais notamment d’une pétition qui a récolté plus de 25 000 signatures en Belgique, l’organisation de défense des droits humains exhorte ainsi les autorités belges à dépénaliser totalement l’avortement et à supprimer tous les obstacles qui restreignent l’accès à un avortement sûr et légal.

Amnesty International appelle par ailleurs la Belgique à veiller à ce que l’accès aux soins d’avortement soit conforme à ses obligations internationales en matière de droits humains, notamment en matière de dépénalisation.

Toutes les infos
Toutes les actions

«  Voir nos enfants affamés nous brise le cœur » – témoignage Gaza

Dans un récit poignant, un travailleur de terrain d’Amnesty International raconte l’atroce réalité à Gaza

2025 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit