« Déshumanisé·es, négligé·es ou maltraité·es, nos aîné·es sont confronté·es à l’exclusion sociale, économique et politique, ainsi qu’à des obstacles en matière de soins de santé et d’accès à d’autres services essentiels. Par ailleurs, subissant des stéréotypes, des préjugés et des attitudes discriminantes en raison de leur âge – ce qu’on appelle l’âgisme –, ces personnes finissent par ne plus être considérées comme des détentrices de droits, explique Julie Capoulade, chargée de campagne pour la section belge francophone d’Amnesty International. Ce drame qui touche tous les pays de la planète ne peut plus durer ; des solutions mondiales doivent être mises en œuvre le plus rapidement possible. »
Face à cette situation, Amnesty International appelle la Belgique à agir de manière décisive. En tant qu’État membre de l’Organisation des Nations unies et du Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement, et en vertu de la Résolution [1] de l’Assemblée générale des Nations unies du 20 décembre 2012, les autorités belges doivent participer activement aux négociations en cours, collaborer aux travaux confiés au Groupe de travail des Nations unies et s’exprimer publiquement en faveur d’une nouvelle Convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées qui permettra de respecter, protéger et rendre effectifs les droits humains des personnes âgées.
Une exposition à des risques particuliers
Amnesty International a documenté la façon dont les conflits, les crises et la pandémie de COVID-19 ont exposé les personnes âgées à des risques particuliers. Pendant la crise sanitaire, en Belgique comme dans d’autres pays européens, les autorités ont ainsi échoué à mettre en place des mesures rapides et suffisantes pour protéger non seulement les résident·es, mais aussi le personnel des maisons de repos et des maisons de repos et de soins (MR/MRS). Les conséquences de ces manquements se sont révélées tragiques, avec de nombreuses violations des droits humains des personnes âgées, dont le droit à la vie, le droit à la santé ainsi que le droit à la non-discrimination.
« Ce drame qui touche tous les pays de la planète ne peut plus durer ; des solutions mondiales doivent être mises en œuvre le plus rapidement possible »
Les aîné·es sont par ailleurs souvent des victimes invisibles des conflits, négligé·es aussi dans les réponses humanitaires. Les forces gouvernementales et les groupes armés non étatiques commettent des abus graves à l’encontre de civil·es âgé·es lors de conflits dans le monde entier, comme au Nigeria où les personnes âgées sont particulièrement prises pour cibles par Boko Haram ou dans le Haut-Karabakh où le conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan cause des souffrances aux personnes âgées depuis des décennies. Au Myanmar et au Bangladesh, de nombreux·euses aîné·es déplacé·es dans les camps de réfugié·es ont été oublié·es par la réponse humanitaire.
Une trop faible protection
Dans ce contexte, la protection des droits fondamentaux des personnes âgées au niveau international reste faible. Comme le souligne une étude récente [2] du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, les cadres existants en matière de droits humains n’offrent qu’une « protection […] parcellaire et insuffisamment systématique, en droit et dans la pratique ».
« Il n’existe tout simplement pas de traité international cohérent, complet et intégré qui protège les droits des personnes âgées, alors même qu’il existe des traités qui protègent les droits spécifiques d’autres groupes de personnes qui ont besoin d’une protection particulière »
En effet, bien que la plupart des cadres juridiques internationaux en matière de droits humains comportent des obligations implicites à l’égard des personnes âgées, les instruments qui font explicitement référence à la question de l’âge sont rares. Ces instruments sont par ailleurs peu clairs quant à la manière de prévenir et de réparer les violations spécifiques de leurs droits.
« Il n’existe tout simplement pas de traité international cohérent, complet et intégré qui protège les droits des personnes âgées, alors même qu’il existe des traités qui protègent les droits spécifiques d’autres groupes de personnes qui ont besoin d’une protection particulière, comme les enfants, les personnes en situation de handicap, les personnes victimes de discrimination raciale et de genre, etc. », précise Julie Capoulade.
Un nouvel instrument international est nécessaire
Le Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, ainsi que de nombreux rapports produits par Amnesty International et d’autres organisations de référence ont indiqué qu’il conviendrait donc de renforcer, sans plus tarder, le régime international de protection des personnes âgées, notamment en adoptant un nouvel instrument international spécifique, visant à promouvoir et à protéger les droits et la dignité des personnes âgées.
« Il est indispensable que nos autorités se montrent plus actives sur ce sujet. Nombre de ces problèmes qui touchent les aîné·es ont largement été soulevés par la société civile belge et une lettre [3] signée par plusieurs dizaines d’organisations a même été envoyée en 2021 à la ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, pour que la Belgique participe activement à la réalisation d’une convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées. Des questions parlementaires ont également été posées à plusieurs reprises. Il est vraiment plus que temps que nos autorités prennent conscience de l’importance de ce sujet et de l’urgence qu’il y a à faire avancer le dossier de façon concrète », conclut Julie Capoulade.
Complément d’information
Il y a un an, Amnesty International a rendu publics les résultats d’un sondage réalisé par l’institut IPSOS sur l’âgisme à l’encontre des personnes âgées de plus de 55 ans en Belgique francophone. Ce sondage montre notamment que plus d’un·e aîné·e sur quatre (27 %) est confronté·e à au moins un type de maltraitance et que sept sur dix sont victimes de préjugés en raison de leur âge.
L’âgisme est l’ensemble de stéréotypes, de préjugés et de discriminations à l’encontre de personnes en raison de leur âge. L’âgisme peut être institutionnel, interpersonnel ou même intériorisé et a pour conséquence grave de mettre une distance entre ces personnes et le reste de la société, empêchant de les considérer comme pleinement détentrices de droits.