Belgique, des inquiétudes demeurent en matière de respect des droits humains

Belgique-COVID-19

Un peu plus d’un mois après les premières mesures de confinement destinées à lutter contre la pandémie de COVID-19, Amnesty International considère que, malgré l’attention portée par le gouvernement aux droits humains, des inquiétudes demeurent en ce qui concerne le respect des droits à la santé, à la liberté de circulation et à la vie privée.

« Les enjeux en matière de droits humains sont omniprésents dans la gestion de cette crise et dans les réponses qui lui sont apportées. Il est dès lors essentiel que toutes les mesures prises dans ce contexte, ainsi que leur application, se fassent dans le sens d’une meilleure prise en compte et dans le respect absolu de ces droits qui nous protègent toutes et tous, avec une attention particulière aux personnes les plus vulnérables de notre société », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

Les personnes vulnérables les plus touchées

Amnesty International rappelle en effet que ce sont les personnes vulnérables (socialement, physiquement, juridiquement et médicalement) qui sont le plus durement touchées par la crise due à la pandémie.

« Même si le gouvernement peut compter sur une société civile très active, il est du devoir des autorités de minimiser l’impact de cette crise sur les personnes vulnérables. De sérieux efforts doivent être réalisés de ce point de vue », précise Philippe Hensmans.

Amnesty International salue la récente mise sur pied d’une Task force interfédérale pour les groupes vulnérables, dont la mission sera d’identifier de manière structurelle les problèmes auxquels ces personnes sont confrontées afin de pouvoir y répondre. L’organisation demande que des mesures fortes soient prises, notamment pour les personnes en situation de pauvreté, sans-abri, migrant·e·s et demandeur·se·s d’asile et sans-papiers, en consultation avec les acteur·rice·s de terrain et la société civile. Les personnes qui travaillent dans des secteurs informels, en ce compris les travailleur·se·s du sexe, ne doivent pas non plus être oubliées.

« Étant donné les rapports inquiétants sur les conditions de vie dans les centres fermés pour étrangers, la suspension d’un contrôle externe est problématique. Par ailleurs, si plusieurs centaines de personnes ont déjà été libérées, les personnes dont le droit à la santé ne peut pas être garanti ou qui ne peuvent pas être éloignées à court terme doivent être libérées et avoir accès à un abri d’urgence », indique Philippe Hensmans.

La situation d’autres lieux de détention est également une source d’inquiétude pour Amnesty International. C’est le cas des prisons, pour lesquelles des mesures ont été prises afin de réduire le risque d’une propagation rapide du virus, notamment en réduisant la population carcérale. L’organisation insiste cependant pour que les restrictions des droits des prisonniers soient nécessaires, proportionnées et temporaires. Outre la nécessité qu’un contrôle externe soit opérationnel dans des délais aussi brefs que possible, l’organisation demande que les alternatives mises en place pour pallier la réduction drastique des contacts entre les détenu·e·s et le monde extérieur soient élargies et maintenues tout au long de la période de confinement.

Si Amnesty International se félicite des initiatives prises pour protéger les victimes de violence domestique, elle appelle par ailleurs à une pérennisation de ces mesures, dont certaines répondent à un déficit structurel qui préexistait à la crise liée à la pandémie. L’organisation demande en outre que les efforts entrepris soient poursuivis et intensifiés.

Amnesty International s’alarme de la situation des personnes âgées, particulièrement dans les maisons de repos. Les nombreux témoignages concernant notamment les manques de personnel, d’équipements de protection – pour les résidents et le personnel –, d’oxygène et de possibilités de tests peuvent indiquer que les autorités n’accordent pas suffisamment d’attention aux droits des personnes âgées. L’organisation appelle ainsi à la mise en place de mesures d’urgence pour améliorer rapidement la situation avant de procéder à une évaluation approfondie et une cartographie des besoins indispensables au respect et à la garantie des droits des personnes âgées dans toutes les maisons de repos.

Liberté de circuler et maintien des mesures

Bien qu’Amnesty International approuve le recours à des scientifiques et à des experts pour démontrer et clarifier la nécessité et la proportionnalité des restrictions imposées dans la lutte contre la pandémie, l’organisation pointe néanmoins de sérieux problèmes dans l’application des mesures.

« Ces dernières semaines, nous avons été alerté·e·s par certaines mesures disproportionnées, comme un éventuel lockdown des centres d’accueil pour demandeur·se·s d’asile sans base légale par les autorités locales, l’infliction, toujours sans base légale, de sanctions administratives communales, la surveillance par drones ou l’utilisation de caméras thermiques pour traquer les propriétaires de résidences secondaires, qui témoignent de la vigilance à observer dans ce contexte de crise », explique encore Philippe Hensmans.

L’organisation de défense des droits humains se préoccupe également d’informations émanant de rapports faisant état d’une sévérité accrue de la police dans le maintien des mesures de confinement dans des quartiers où vivent de nombreuses personnes issues de groupes ethniques minoritaires, faisant craindre une recrudescence du profilage ethnique lors des contrôles de police.

Les droits humains doivent être au cœur de toutes les mesures

Alors que les mesures de confinement ont été prolongées jusqu’au 3 mai au moins, Amnesty International demande que les droits humains soient au cœur de la stratégie de sortie de crise. L’organisation appelle le gouvernement à veiller scrupuleusement à ce que les nouvelles mesures n’entraînent ni discriminations ni impacts négatifs sur certains groupes, secteurs et individus, avec une attention particulière accordée aux personnes vulnérables.

Amnesty International réclame par ailleurs la plus grande vigilance en ce qui concerne l’usage de moyens technologiques et sur ses conséquences à long terme. L’organisation met particulièrement en exergue le respect du droit à la vie privée.

« Dans le contexte de crise que nous vivons, il faut s’assurer que les restrictions de notre droit à la vie privée par une surveillance accrue soient temporaires, précise Philippe Hensmans. Ces restrictions ne sont acceptables que si elles sont minimales, prévues par la loi, nécessaires à la poursuite de buts légitimes bien précis, notamment la protection de la santé publique, et qu’elles ont lieu dans la transparence la plus totale. »

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