La réunion du Conseil d’association UE-Égypte doit avoir lieu à Bruxelles le 25 juillet. Les réunions avaient été suspendues après le soulèvement de 2011, mais en raison des inquiétudes grandissantes quant à la sécurité régionale et l’immigration, on craint que les États membres de l’Union européenne ne soient davantage disposés à fermer les yeux sur les graves violations des droits humains dans le pays.
« Il existe un réel danger que les inquiétudes quant au bilan de l’Égypte en matière de droits humains soient balayées sous le tapis si l’Union européenne donne la priorité à la sécurité, l’immigration et le commerce au détriment des droits humains. L’Union européenne doit indiquer sans équivoque pendant et après cette réunion qu’elle ne transigera pas sur le bilan de l’Égypte en matière de droits humains », a déclaré David Nichols, directeur du programme Politique étrangère de l’Union européenne à Amnesty International.
Après le massacre de Rabaa en août 2013, lors duquel les forces de sécurité égyptiennes ont tué au moins 900 personnes en un jour, les États membres de l’Union européenne ont décidé de suspendre les autorisations d’exportation de tous les équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne.
Le rapport de l’Union européenne sur l’Égypte publié avant la réunion ne fait cependant même pas mention du massacre de Rabaa ou du fait que depuis lors, aucun responsable des forces de sécurité n’a été amené à rendre des comptes ou n’a fait l’objet d’une enquête sur ces homicides. Le rapport n’évoque pas non plus le recours à des exécutions extrajudiciaires, les expulsions forcées de milliers de familles dans le Sinaï et l’absence de poursuites des personnes responsables d’attaques sectaires contre des communautés chrétiennes coptes.
Les forces de sécurité égyptiennes bénéficient d’une impunité totale pour les violations qui sont actuellement commises, notamment les disparitions forcées, les actes de torture, les morts en détention et les exécutions extrajudiciaires. Malgré ces violations, presque la moitié des États membres de l’Union européenne ont continué d’exporter des armes qui peuvent être utilisées à des fins de répression interne, bafouant ainsi leurs obligations au regard du droit international.
« Pendant que l’Union européenne et l’Égypte se rencontrent à Bruxelles, une vague de violations des droits humains sans précédent continue de secouer l’Égypte. Depuis un an et demi, des dizaines de défenseurs des droits humains ont vu leurs avoirs gelés, ont été soumis à des interdictions de voyager ou ont été traînés en justice pour des accusations forgées de toutes pièces qui pourraient leur valoir de passer leur vie derrière les barreaux et provoquer l’interdiction d’organisations indépendantes. »
« Il est inquiétant de constater que la société civile a fait l’objet de nouvelles restrictions alors que les forces de sécurité ont eu carte blanche pour se livrer à des violences généralisées, notamment des détentions arbitraires, des actes de torture et des homicides illégaux. L’Union européenne doit user de son influence sur l’Égypte et affirmer clairement qu’elle ne gardera pas le silence en ce qui concerne le bilan de l’Égypte en matière de droits humains, même lorsque le ministre des Affaires étrangères égyptien sera à Bruxelles la semaine prochaine », a déclaré David Nichols.
La rencontre a lieu presque un an et demi après l’homicide de l’étudiant italien en doctorat Giulio Regeni et alors même que le ressortissant irlandais et prisonnier d’opinion Ibrahim Halawa passe sa quatrième année en prison pendant qu’il fait l’objet d’un procès collectif d’une iniquité flagrante. Aucun de ces cas n’est évoqué dans le rapport de l’Union européenne sur l’Égypte. Amnesty International demande à l’Union européenne de soutenir un appel en faveur d’une enquête efficace, indépendante et impartiale sur la disparition et la mort de Giulio Regeni et de la libération immédiate et sans condition d’Ibrahim Halawa.
Amnesty International a fait part de ses inquiétudes dans un courrier envoyé à Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, le 4 juillet.