Bruxelles, le 7 mai 2025
Lettre ouverte adressée au gouvernement fédéral concernant la politique à l’égard du conflit israélo-palestinien
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les Vice-Premiers ministres,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Nous avons appris par voie de presse que le gouvernement cherche à définir une position commune sur le conflit israélo-palestinien, afin d’aboutir à une résolution majoritaire et à une position belge solide lors de la conférence des Nations Unies prévue en juin à New York.
Tant l’accord de gouvernement que l’exposé d’orientation politique des Affaires étrangères soulignent que le respect du droit international et des droits humains guident la politique étrangère belge, y compris en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Toute position qui ne respecterait pas les obligations qui incombent à la Belgique à la suite des mesures conservatoires édictées par la Cour internationale de Justice (janvier 2024), de son avis consultatif (juillet 2024) et des résolutions des Nations Unies soutenues par la Belgique (septembre 2024 et avril 2025), porterait donc atteinte de manière inacceptable à la crédibilité et à l’efficacité de l’action extérieure de notre pays.
En 2024, Amnesty International a montré, à l’issue d’un travail rigoureux d’enquête, qu’Israël commet un génocide à l’encontre de la population palestinienne de la bande de Gaza. Aujourd’hui, après plus de deux mois de blocus imposé par Israël empêchant l’acheminement de l’aide humanitaire et des marchandises vers la bande de Gaza, nous constatons une pénurie d’eau si critique que certaines personnes sont contraintes de boire de l’eau de mer. Près de 70 % de la bande de Gaza est désormais soit visée par un ordre d’évacuation, soit devenue une zone interdite d’accès, contraignant les habitantes et habitants à fuir et à laisser derrière eux leurs dernières ressources. Sous nos yeux, une population est affamée dans le cadre d’une stratégie de guerre, ce qui illustre à nouveau l’intention génocidaire d’Israël à Gaza.
Quand est-ce que assez sera assez ?
Ce gouvernement a une nouvelle fois l’occasion de prendre la parole dans des termes clairs et sans équivoque sur ce qui se passe à Gaza, et d’agir concrètement pour empêcher la poursuite de ce génocide par des moyens économiques, militaires et diplomatiques. Cela implique :
- D’accroître la pression sur Israël pour qu’il mette immédiatement fin au siège dévastateur et garantisse un accès sans entrave à l’UNRWA, aux autres agences de l’ONU et aux organisations humanitaires afin qu’elles puissent poursuivre leur travail vital dans la bande de Gaza occupée.
- De veiller à ce qu’il y ait une interdiction légale du commerce et d’autres formes de coopération économique avec les colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés, veiller à ce que la Belgique ne soutienne pas le maintien de la situation illégale créée par l’occupation continue de la Palestine par Israël, conformément à l’avis de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024.
- De s’assurer que tous les transferts d’armes – y compris les transits – vers Israël, en provenance ou via la Belgique, soient interdits et interrompus, et de plaider pour un embargo international et européen complet sur le commerce des armes.
- De s’engager pleinement dans la lutte contre l’impunité, en soutenant sans réserve le travail de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale, tant par des déclarations claires que par des actes, et en prenant des mesures concrètes pour poursuivre devant les juridictions belges les personnes suspectées de crimes de droit international.
- Se joindre à l’appel d’autres pays européens, dont l’Espagne, l’Irlande et les Pays-Bas, pour utiliser l’accord d’association UE-Israël comme levier afin de pousser le gouvernement israélien à changer de cap et à le revoir à la lumière des violations du droit humanitaire international commises par Israël.
Nous comptons sur chacun et chacune d’entre vous pour exercer l’autorité qui vous incombe, afin de contribuer à mettre fin à ces souffrances humaines inacceptables et empêcher l’effritement de l’ordre juridique international.
Carine Thibaut, directrice d’Amnesty International Belgique francophone
Wies De Graeve, directeur d’Amnesty International Vlaanderen