Guatemala, alerte rouge : justice et droits humains menacés

Le Guatemala est sur le point d’anéantir les efforts déployés pendant plus de 10 ans pour renforcer son système de justice pénale et l’accès à la justice, en raison de mesures récemment adoptées par les plus hautes autorités du pays, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié ce mardi 9 juillet.

Dans ce document, intitulé Last Chance for Justice, l’organisation met en lumière de graves revers et des périls imminents pour les droits humains au Guatemala, liés aux mesures prises par le gouvernement de Jimmy Morales, le ministère public dirigé par Consuelo Porras, le pouvoir judiciaire et le Congrès.

« L’accès à la justice est violemment attaqué et le Guatemala ne pourra s’en remettre que si des mesures sont prises maintenant. Il est nécessaire de mettre fin immédiatement aux agissements des plus hautes autorités du pays et de veiller à ce que justice soit rendue pour chaque cas de violation des droits humains », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.

Ces 10 dernières années, le Guatemala a accompli des progrès remarquables en matière de lutte contre l’impunité dans le pays. Entre 2007 et 2018, la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), un organe créé sous les auspices des Nations unies pour aider le parquet à enquêter sur les structures criminelles infiltrées dans les institutions de l’État, a pu présenter plus de 100 affaires, dont plusieurs étroitement liées aux violations des droits humains commises dans le pays. Parallèlement, à partir de 2009, les tribunaux guatémaltèques ont commencé à prononcer des condamnations historiques contre d’anciens commissaires militaires et des membres de la police et de l’armée (y compris des officiers de haut rang), ce qui n’était jamais arrivé auparavant.

Changement de cap

Cependant, depuis le mois d’août 2017, le gouvernement du président Jimmy Morales cherche à entraver le travail de la CICIG. Le 31 août 2018, le président a annoncé qu’il avait pris la décision de ne pas prolonger le mandat de cette commission, qui prendra fin le 3 septembre 2019. Face à cette situation, la ministre de la Justice, Consuelo Porras, ne semble pas avoir pris de mesures suffisamment claires ou opportunes pour garantir la continuité des travaux des parquets qui collaborent avec la CICIG, comme le Parquet spécial contre l’impunité (FECI), compromettant ainsi l’issue des enquêtes ouvertes dans plus de 70 affaires conjointes.

De son côté, le Congrès guatémaltèque a présenté des propositions de lois régressives qui garantiraient l’impunité pour les graves violations des droits humains commises pendant le conflit armé et pour certains actes de corruption, et limiteraient le droit d’association et la défense des droits humains.

« La ministre de la Justice ne peut arrêter l’élan qui a redonné espoir à des milliers de personnes dans le pays. Elle a la grande responsabilité et obligation de veiller à ce que les cas de violation des droits humains et de corruption ne restent pas impunis. Il est temps d’arrêter les discours et de prendre des mesures pour mettre en place les conditions, les ressources et la sécurité qui permettront aux procureurs de poursuivre les enquêtes en cours, afin que la justice puisse prévaloir au Guatemala », a déclaré Erika Guevara-Rosas.

Sonnette d’alarme d’Amnesty International

Le rapport montre la nécessité de poursuivre le processus de renforcement des capacités du ministère public engagé avec la CICIG, et dénonce l’incapacité de l’État à garantir l’indépendance des procureurs, ainsi que celle de certains juges qui traitent ce type d’affaires, et qui font l’objet de tentatives d’intimidation, d’une stigmatisation et de multiples procédures pénales ou disciplinaires dénuées de fondement.

Amnesty International appelle les autorités guatémaltèques à mettre fin au recours abusif à des poursuites pénales pour harceler les procureures et procureurs, les juges et les personnes qui défendent les droits humains, afin de créer un environnement propice au bon fonctionnement de la justice et à la protection des droits humains.

« Ces 10 dernières années, le Guatemala a progressé sur la voie de la consolidation de la justice pour devenir un exemple dans la région. Cependant, les régressions constatées nous ramènent à la case départ, nous confrontant à des situations similaires à celles qui ont amené à la création de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala », a déclaré un avocat interrogé par Amnesty International.

Amnesty International met également en garde contre la détérioration de la situation des défenseures et défenseurs des droits humains et de la liberté d’expression au Guatemala. Le départ de la CICIG et l’affaiblissement de la justice et des institutions de défense des droits humains signifient que les structures criminelles peuvent continuer à enfreindre la loi en toute impunité, et augmentent le risque que les personnes qui défendent les droits humains subissent de nouvelles attaques.

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